Oui mais. Avec Pensée assise, le registre est un peu différent. Parce que Théo, le narrateur tétraplégique de ce court roman, est une vraie tête à claque. Depuis qu’il file le parfait amour avec Sofia, une « valide », Théo n’a qu’une ambition, pouvoir embrasser sa dulcinée debout, comme tout le monde. Parce qu’il ne supporte pas les regards compatissants de ceux qui croisent leur couple dans la rue, y voyant des jugements tels que : « Il en a de la chance qu’une aussi jolie fille s’occupe de lui » ou « Ça ne doit pas être drôle tous les jours pour elle ». En fait, il ne supporte pas grand-chose le Théo. Il donne l’impression de nier son statut de handicapé alors que ce statut le complexe à chaque instant. Aigri, têtu, cinglant (« J’en ai déjà vu, des paraplégiques danser en boîte. C’est le spectacle le plus pathétique qui soit. Il n’y a rien de pire qu’un mec qui fait semblant d’assumer son handicap »), incapable de demander de l’aide, il s’enferme dans une attitude détestable.
Et pourtant, ce personnage débordant d’amertume et de mauvaise foi est aussi exaspérant que touchant. Son combat, il doit d’abord le mener contre lui-même, apprendre à s’accepter tel qu’il est, comprendre que la vie pourrait être simple s’il arrêtait de se la compliquer, s'il ne cherchait pas à tout prix à être à la (bonne) hauteur. Sa voix résonne parce qu’à travers le fiel perce une ironie mordante, beaucoup de drôlerie et un sens de la formule décapant.
Un texte qui dit, sans lourdeur et avec une grande modernité de ton, la sensibilité à fleur de peau d’un ado écorché à qui l’amour fera enfin ouvrir les yeux. Original et vivifiant.
Pensée assise de Mathieu Robin. Actes sud junior, 2015. 85 pages. 11,00 euros. A partir de 14 ans.
Une pépite jeunesse idéale pour relancer le rendez-vous hebdomadaire que Noukette et moi partageons chaque mardi ou presque.