Au moment où elle enterre son frère, une vieille femme se souvient de sa jeunesse. Son Islande natale, une crique entre mer et lande, en 1930, dans un paysage désolé et sauvage. Elle avait douze ans à l’époque et son père venait de mettre en terre le petit dernier, emporté à la naissance. Un décès dont sa mère ne se remettra jamais, passant par la suite le plus clair de son temps clouée au lit, fixant le mur sans rien dire.
En tant qu’ainée, la narratrice veille sur son frère somnambule et sa sœur d’une maigreur de brindille. La cahute qui leur sert de maison, isolée du reste du monde, est un univers clôt, mutique. Ici les mots sont de trop. Seules parlent la misère et la faim, le cycle des saisons et l’interminable hiver qui recouvre de son linceul cœurs et âmes. Ici la solitude extrême, la souffrance, la rudesse de l’existence amènent chacun au bord de la folie. Ici pour survivre alors qu’il y a trop de bouches à nourrir, il faut parfois aller au-delà de l’acceptable, au-delà de l’humain.
Clairement, je suis fan de la littérature islandaise quand elle ne se drape pas dans les plis du polar. Je pense bien sûr à cette chère « Lettre à Helga » et au fabuleux (je pèse mes mots !) roman de Jon Kallman Stefansson, « La tristesse des anges ». Je retrouve dans cette « novella » l’âpreté des êtres, du climat et des paysages, les réflexions métaphysiques sur le sens de la vie. A quoi bon ? Semblent-ils tous se dire, poussés à rester debout par un instinct animal qui dicte leur conduite.
C’est triste et déchirant, c’est évidemment à lire d’une traite et c’est d’une beauté crépusculaire. Bref… j’ai plus qu’aimé.
Les enfants de Dimmuvik de Jon Atli Jonasson. Noir sur Blanc, 2015. 90 pages. 11,00 euros.