mercredi 25 juin 2025

La fabrique des insurgées : 1869, la première grève d'ouvrières - Bruno Loth

Années 1860. Adélaïde et Camille, deux amies, quittent l’Ardèche pour devenir ovalistes (ouvrière de la soie) dans une usine lyonnaise. Adelaïde succombe aux cadences infernales imposées par les patrons quelques mois après son arrivée alors que Camille finit par trouver sa place au milieu de ses compagnes de labeur. Elle est par la suite rejointe par ses jeunes frères et sœurs, eux aussi soumis à des conditions de travail inhumaines. Ne supportant plus les salaires ridicules, les horaires à rallonge et les violences (y compris sexuelles) des contremaîtres, les ouvrières décident d’écrire au préfet pour obtenir des avancées sociales et professionnelles. Devant le silence de ce dernier, elles n’ont d’autre choix que de se mettre en grève.

Après la grève des sardinièresbretonnes en 1924, me voilà à nouveau plongé dans un mouvement ouvrier porté par des femmes, cette fois-ci à Lyon en 1869. Ce one shot forcément militant se veut un hommage à une lutte féministe à laquelle peu d’historiens se sont intéressés. Le propos est très documenté, hyper rigoureux et fidèle à la réalité en ce qui concerne le déroulé des événements. C’est évidemment enrichissant d’un point de vue historique mais trop sage au niveau de la narration. Ce côté didactique (presque scolaire) ne permet pas de réellement s’attacher à ces femmes en lutte. Par contre les aspects sociaux sont passionnants. Il est par exemple intéressant de constater à quel point les syndicats, censés défendre les ouvrières, n’ont pu se défaire d’une vision patriarcale du travail et du rapport de force entre les grévistes et les patrons. Ou encore de voir que ces femmes n’ayant pas eu accès à la moindre instruction sont incapables d’écrire une lettre officielle et doivent engager un homme pour rédiger leur missive au préfet.

La toute première grève féminine de l’histoire de France aura duré moins d’un mois et n’aura pas accouché de grandes avancées sociales. Il n’empêche, cette page d'histoire de la lutte sociale émanant d’ouvrières méritait d’être davantage portée à la connaissance du public. C’est chose faite grâce au travail minutieux et engagé d’un Bruno Loth au meilleur de sa forme graphiquement parlant.

La fabrique des insurgées : 1869, la première grève d'ouvrières de Bruno Loth. Delcourt, 2025. 130 pages. 20,50 euros.


Toutes mes BD de la semaine sont chez Blandine




1 commentaire:

  1. Tout ce qui a trait aux luttes et aux résistances m'attire. Et si en plus, c'est graphiquement beau, forcément, je veux d'autant plus lire !

    RépondreSupprimer

Je modère les commentaires pour vous éviter les captcha pénibles de Google. Je ne filtre rien pour autant, tous les commentaires sans exception seront validés au plus vite, promis !