Années 1860. Adélaïde et Camille, deux amies, quittent l’Ardèche
pour devenir ovalistes (ouvrière de la soie) dans une usine
lyonnaise. Adelaïde succombe aux cadences infernales imposées par
les patrons quelques mois après son arrivée alors que Camille finit
par trouver sa place au milieu de ses compagnes de labeur. Elle est
par la suite rejointe par ses jeunes frères et sœurs, eux aussi
soumis à des conditions de travail inhumaines. Ne supportant plus
les salaires ridicules, les horaires à rallonge et les violences (y
compris sexuelles) des contremaîtres, les ouvrières décident
d’écrire au préfet pour obtenir des avancées sociales et
professionnelles. Devant le silence de ce dernier, elles n’ont
d’autre choix que de se mettre en grève.
Après
la grève des sardinièresbretonnes en 1924, me voilà à nouveau plongé dans un mouvement
ouvrier porté par des femmes, cette fois-ci à Lyon en 1869. Ce one
shot forcément militant se veut un hommage à une lutte féministe à
laquelle peu d’historiens se sont intéressés. Le propos est très
documenté, hyper rigoureux et fidèle à la réalité en ce qui
concerne le déroulé des événements. C’est évidemment
enrichissant d’un point de vue historique mais trop sage au niveau
de la narration. Ce côté didactique (presque scolaire) ne permet
pas de réellement s’attacher à ces femmes en lutte. Par contre
les aspects sociaux sont passionnants. Il est par exemple intéressant
de constater à quel point les syndicats, censés défendre les
ouvrières, n’ont pu se défaire d’une vision patriarcale du
travail et du rapport de force entre les grévistes et les patrons.
Ou encore de voir que ces femmes n’ayant pas eu accès à la
moindre instruction sont incapables d’écrire une lettre officielle
et doivent engager un homme pour rédiger leur missive au préfet.
La toute première grève féminine
de l’histoire de France aura duré moins d’un mois et n’aura
pas accouché de grandes avancées sociales. Il n’empêche, cette
page d'histoire de la lutte sociale émanant d’ouvrières méritait d’être davantage
portée à la connaissance du public. C’est chose faite grâce au
travail minutieux et engagé d’un Bruno Loth au meilleur de sa
forme graphiquement parlant.
La fabrique des insurgées : 1869,
la première grève d'ouvrières de Bruno Loth. Delcourt, 2025. 130
pages. 20,50 euros.
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Tout ce qui a trait aux luttes et aux résistances m'attire. Et si en plus, c'est graphiquement beau, forcément, je veux d'autant plus lire !
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