Edward le hamster est un philosophe. Il écrit son journal et ne cesse de s’interroger : « A quoi bon écrire ? La vie est une cage de mots vides. » Edward est un rebelle, il refuse de tenir le rôle de jouet auquel ses propriétaires le confine : « Leur but est de venir à bout de ma volonté, de me réduire à néant. Ils peuvent bien me priver de ma liberté, ils n’auront jamais mon âme. » C’est beau, non ? On dirait du Florent Pagny. Edward va donc entrer en résistance. Dans un premier temps, il décide de ne plus faire de roue : « Réflexions sur une roue : Ça tourne. Ça ne sert à rien. Ça grince. Je n’en ferai plus. » Puis il se lance dans une grève de la faim mais ne tient que cinq minutes avant de remettre le nez dans ses graines.
Un jour on lui amène un congénère, Lou. Edward pense enfin avoir trouvé un interlocuteur avec lequel il va pouvoir disserter mais il doit se rendre à l’évidence, Lou est totalement abruti : « J’ai tenté de l’entraîner dans un débat sur la nature de notre captivité, la vacuité de l’existence et notre irrationnelle envie de vivre. Il a émis un rot, ri et déféqué dans le bac à foin. Il est soit fêlé, soit profondément stupide. Je suis anéanti. » Lou passe son temps à faire de la roue et à s’empiffrer. Heureusement, une indigestion va le rayer de la carte. On le remplace par la jolie Camilla. Une femelle un brin intello qui va lui faire tourner la tête et lui redonner le moral. Le 25 octobre, Edward note dans son journal : « Ai fait l’amour. » On pense alors qu’un gentil happy end se profile. Las, le destin va frapper et laisser notre hamster désemparé et désespéré...
Attention, malgré les apparences, cet ouvrage ne relève pas de la littérature jeunesse. A l’origine Le journal d’Edward était une série radiophonique réalisée pour la BBC. Un truc bien barré comme les anglais savent faire. Miriam Elia a tiré de la série cet étrange livre illustré par son frère. Tous deux se sont inspirés d’un hamster mélancolique acheté par leurs parents quand ils étaient enfants. Miriam s’est glissée dans la peau de l’animal (enfin dans sa tête surtout) pour rédiger son journal intime. Edward est aussi lucide que neurasthénique mais comment ne pas l’être quand votre quotidien n’est fait que de banalité et d’ennui, quand votre environnement se résume à une cage, une roue et une mangeoire. Il y a là une évidente et effrayante parabole sur la condition humaine.
Un petit livre ovni, drôle mais pas que, qui laisse en bouche une impression douce-amère et, l’air de rien, pousse à la réflexion. En tout cas plus jamais je ne regarderai les hamsters de la même façon.
Le journal d’Edward, hamster nihiliste (1990-1990) de Miriam et Ezra Ilia. Flammarion, 2013. 92 pages. 8,90 euros.