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Fukutani © Le lézard Noir 2012 |
Difficile de faire un plus grand écart avec les BD des mercredis précédents. Après deux superbes albums d’Emmanuel Lepage, je mets les mains dans le cambouis avec ce manga aussi inclassable que cradingue. Je vous préviens d’emblée, âmes sensibles s’abstenir. Si vous cherchez du glamour, il faudra éviter de passer par ici aujourd’hui.
Le vagabond de Tokyo, c’est Yoshio, un branleur dans tous les sens du terme. Au sens propre d’abord, la masturbation étant son loisir favori. Au sens figuré ensuite puisque ce jeune homme est sans doute la plus grande feignasse de l’histoire du manga. Quelques boulots sur des chantiers afin de payer son saké quotidien (oui, parce que Yoshio picole pas mal aussi, ça occupe) et pour le reste, rien de mieux que la sieste et la glandouille. Résultat, il vit dans une chambre délabrée sur un vieux futon tout pourri, au milieu des bouteilles vides et des magazines porno tout en se nourrissant quasi exclusivement de nouilles instantanées. Son existence n’est qu’une succession d’échecs plus retentissants les uns que les autres. Le loser absolu, quoi.
Pour être franc j'ai eu quelques craintes parce que ce troisième tome démarre doucement. Après un retour dans sa campagne natale, Yoshio nous raconte son dépucelage à 17 ans (rien de glorieux, forcément) puis les dures journées sur les chantiers qui se terminent toutes au troquet où il dépense en alcool sa paie quotidienne. Quelques passages onirico-érotique par-ci par-là mais rien de bien méchant, pas la moindre trace de scatologie ni de situations vraiment répugnantes alors que les volumes précédents en regorgeaient. Je me suis dis que Takashi Fukutani avait mis de l’eau dans son vin. Et puis arrivé au trois quart du recueil, je tombe sur l’histoire du « Lucky Hole » et je retrouve toute la verve trash et sans limite qui me plait tant dans cette série. C’est quoi un Lucky Hole ? Comme un petit dessin vaut mieux qu’un grand discours, je vous montre :
Le principe est on ne peut plus simple. On pose une
serviette dans le trou, on y glisse son engin et de l’autre coté de la cloison
une jeune fille s’occupe de vous manuellement. Glauque, non ? Le problème quand il y a une pénurie de main d’œuvre
c’est que les tenanciers de ces lieux sordides doivent parfois faire appel à
des femmes bien moins jeunes et quand ils ne trouvent pas de femmes, ils doivent
se tourner vers des hommes qui prennent une voix de fausset pour masquer la supercherie.
Et devinez qui va se retrouver derrière la cloison d’un Lucky Hole ?
Yoshio bien sûr. Rien ne lui sera épargné, de l’odeur abominable répandue dans
la pièce au fil de la journée à ses vêtements, sa figure et ses cheveux
recouverts de… Une expérience effrayante qui tournera à la catastrophe quand l’un
des clients ne se contentera pas du massage manuel et voudra passer à la
vitesse supérieure (je vous avais prévenu, pas de glamour ici aujourd’hui).
Je me suis régalé. J’adore quand un auteur lâche prise à ce point. C’est
tellement énorme, tellement barré, tellement drôle (bon il faut aimer l’humour
très noir et très vulgaire mais je suis bon public pour ce genre de chose). Et
puis ce n’est pas tous les jours que l’on tombe sur un personnage aussi navrant
et aussi pathétique.
Est-que je vous conseille de vous ruer sur ce manga ? Surement
pas ! D’ailleurs même si je vous le recommandais chaudement, je crois que
vous ne seriez pas beaucoup à me suivre. En tout cas si vous voulez tenter le
coup, je serais ravi de savoir ce que vous en pensez.
Le vagabond de Tokyo T3 de Takashi Fukutani. Le Lézard Noir, 2012. 408 pages. 23 euros.
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