mardi 29 janvier 2013

Raclée de verts - Caryl Férey

Férey © Pocket 2013
Pas la peine de s’emballer en voyant Caryl Férey apparaître ici. Pas la peine de penser que ça y est, ma conversion est achevée et que le polar est devenu ma nouvelle religion livresque. D’abord j’aime bien cet auteur. Pas pour ses polars (jamais lus) mais pour ses ouvrages de littérature jeunesse, notamment Krotokus mais aussi sa série mettant en scène la jeune Alice. Ensuite, si cette Raclée de verts a fini sur ma table de chevet, c’est juste parce que l’histoire me paraissait suffisamment barrée pour me plaire, rien de plus. Pour le coup, je n’ai pas été déçu du voyage. 
    
Imaginez un supporter de Saint-Etienne tueur en série qui perd un de ses cinq sens à chaque assassinat. Imaginez pour compléter le tableau que ce supporter est un vrai de vrai, du genre bedonnant, alcoolique, totalement abruti, raciste, interdit à vie de stade et se baladant continuellement en short avec des chaussures de foot aux pieds. Il a chien qu’il a appelé Janvion (nom d’un ancien défenseur des verts) et à chaque fois qu’il s’acharne sur une victime, il voit en elle un célèbre footeux ayant affronté son club chéri. Un peu cintré le monsieur, c’est le moins que l’on puisse dire.   

Mieux vaut connaître le football et l’histoire de Saint-Etienne pour apprécier ce texte à sa juste valeur. Si ce n’est pas le cas, vous y trouverez néanmoins votre compte tant la pochade est énorme et tragiquement drôle. Par contre, si vous cherchez la finesse et la légèreté, vous pouvez passer votre chemin.

Un petit roman qui se lit en une heure dans lequel l’auteur s’est à l’évidence fait plaisir. D’ailleurs il ne le nie pas sur la quatrième de couverture : « Un délire qui, personnellement, m’a permis d’écrire en pleurant (de rire face à la connerie du personnage). » Pour le lecteur, un bon moment de détente, rien de plus. C’est un peu ce que je reproche à beaucoup de polars : ça se lit vite et bien mais au final il n’en reste pas grand-chose une fois la dernière page tournée (pas taper, j’ai écrit « beaucoup de polars » pas « tous les polars », je sais que certains sont inoubliables, je commence à peine à défricher le terrain).    

Pour info ce texte est paru initialement aux éditions La Branche en 2007 dans la collection Suite noire.  


Raclée de verts de Caryl Férey. Pocket, 2013. 90 pages. 3,90 €.

lundi 28 janvier 2013

Les p’tites poules et la grande casserole - Christian Jolibois et Christian Heinrich

Jolibois et Heinrich
© Pocket Jeunesse 2012
Les P’tites Poules s’apprêtent à célébrer la fête de l’Étoile Poulaire qui annonce l’arrivée prochaine de l’hiver. Pour se faire, elles doivent se rendre dans la forêt afin d'y trouver les graines, les noisettes, les tendres pignons et les pommes givrées qu’elles dégusteront ensemble le soir venu. Mais la récolte s’avère catastrophique, les sangliers étant passés avant elles et ne leur ayant laissé que quelques miettes. Heureusement, la rencontre inattendue avec un marchand venu d’Orient va permettre aux P’tites Poules de découvrir une délectable friandise qui remplacera avantageusement le menu habituel...

Quel bonheur de découvrir un nouvel album des P’tites Poules. Celui-ci n’est sans doute pas le meilleur de la série, c’est un fait. Il n’empêche, c’est toujours un plaisir de replonger dans cet univers qui, à force, nous est devenu familier. C’est un peu comme quand j’étais gamin et que je tombais sur un nouvel Astérix. Le scénario ne tenait pas toujours la route (surtout quand Uderzo est resté seul aux commandes) mais il y avait ce village et ces personnages qui me faisaient rêver. Avec Les p’tites poules, c’est un peu la même chose, la filiation se retrouve même dans les patronymes des gallinacées : Pitikok ; Bangcoq, Coquenpâte, Molédecoq, Coqueluche, Cudepoule, Crêtemolle... ça vaut Abraracourcix, Agecanonix, Assurencetourix et Cie.  

Une série qui se partage en famille. Pour les lecteurs qui débutent, il est possible de se lancer tout seul. Après, si l’adulte lit et y met le ton, notamment pour bien retranscrire les nombreux dialogues, le plaisir devient encore plus grand. Ces dialogues sont depuis le début un des points forts des P’tites poules. A noter aussi que certains clins d’œil à l’actualité ou à des problématiques très contemporaines disséminés au fil du texte ne seront compris que par les plus grands, mais ce double niveau de lecture n’est pas un inconvénient, bien au contraire. Et puis graphiquement, ces poulettes sont à croquer !

Vous l’aurez compris, Les P’tites Poules ont de nombreux fans à la maison. Depuis peu, les albums de la série sont passés de la chambre de la pépette n°1 à celle de la pépette n°2. Nul doute qu’ils finiront un jour chez la pépette n°3 qui, même si elle n’est pas encore née, possède déjà une PAL d’enfer. 

Les p’tites poules et la grande casserole de Christian Jolibois et Christian Heinrich. Pocket Jeunesse, 2012. 46 pages. 10,70 euros. A partir de 5-6 ans


Jolibois et Heinrich © Pocket Jeunesse 2012






samedi 26 janvier 2013

Les délices de Turquie - Jan Wolkers


Wolkers  © Belfond 2013
Dans la Hollande de la fin des années 60, le narrateur, peintre et sculpteur sortant à peine de l’école des beaux arts, raconte son histoire d’amour incandescente avec Olga. Cette rousse incendiaire rencontrée un peu par hasard qui deviendra sa femme, le quittera pour un autre et qu’il ne cessera jamais d’aimer. Olga la fille de bonne famille, attirée par l’artiste bohème, qui se lassera de ses exubérances et de son insatiable appétit sexuel. Un récit sulfureux et tragique dont personne ne sortira indemne. Une véritable histoire d’amour, quoi.    
      
Un roman qui connut un succès phénoménal au moment de sa sortie en 1969. Le texte est cru, d’un érotisme sans retenu, volontairement provocateur. Pour preuve, les toutes premières lignes : « J’étais vraiment dans la merde depuis qu’elle m’avait plaqué. Je ne travaillais plus, je ne mangeais plus. Toute la journée je restais allongé entre mes draps sales et je collais le nez sur des photos d’elle à poil, si bien que je pouvais m’imaginer voir frémir ses longs cils surchargés de rimmel lorsque je me branlais. » Le reste est du même tonneau. J’aime cette langue à l’étonnante liberté de ton. Les délices de Turquie est en quelque sorte un roman de mœurs. Jan Wolkers crache à la gueule de cette société protestante et pudibonde qu’il exècre. La relation vénéneuse entre l’artiste et la fille de notables permet de clouer au pilori la bourgeoisie néerlandaise dont il dresse un terrible portrait à travers la figure de la belle mère. Pour autant, le narrateur n’est pas exempt de reproches. Son machisme, sa libido incontrôlable, son incapacité à reconnaître ses erreurs en font un sale gosse agaçant en diable. Reste Olga, fleur fragile qui n’aura de cesse de se faner, femme fatale se consumant à petit feu avant de disparaître définitivement. 
                     
L’histoire en elle-même n’a rien d’original. L’intérêt majeur tient dans cette peinture sociale sans concession à une époque où la littérature pouvait encore scandaliser dans les chaumières. Ce titre inaugure la nouvelle collection « Vintage » des éditions Belfond qui se propose de redonner vie à des livres cultes devenus introuvables. Parmi les prochains romans à paraître sous ce label, Le bâtard d’Erskine Caldwell (en avril), Les femmes de Brewster Place de Gloria Naylor (en mai) et Crazy Cock d’Henry Miller (en septembre). A noter pour finir que Les délices de Turquie a été adapté au cinéma par Paul Verhoeven en 1973.     

           
Les délices de Turquie de Jan Wolkers. Belfond, 2013. 246 pages. 17 euros. 


Ce billet signe ma 1ère participation au
challenge Voisins Voisines de Anne

vendredi 25 janvier 2013

Thermae Romae 5 - Mari Yamazaki

Yamazaki © Casterman 2013
Toujours coincé dans le Japon d’aujourd’hui, l’architecte romain Lucius poursuit sa découverte des mœurs locales, notamment à travers l’art du massage et de la chiropraxie. Lorsque des mafieux s’intéressent de trop près à l’établissement dans lequel il est accueilli, Lucius voit rouge, surtout quand ces misérables s’en prennent à la belle Satsuki.

J’étais déjà sorti très sceptique de la lecture du quatrième volume mais là le doute n’est plus permis : cette série part vraiment en cacahuète ! Un cheval qui tombe raide dingue amoureux de Lucius, lui-même épris de Satsuki, un grand père roi du kung-fu, des yakusas de pacotille, l’utilisation d’un char de course romain pour arrêter une grosse berline, etc. Mari Yamazaki pousse à l’évidence le bouchon trop loin et elle le reconnaît d’ailleurs dans la postface : « On est donc sorti du manga d’étude comparée des bains pour arriver à du grand n’importe quoi. » Faute avouée à moitié pardonnée ? Ben non, malheureusement, cette belle lucidité n’excuse pas le piètre tournant que prend Thermae Romae. Une fois de plus la quasi totalité de l’intrigue se passe au Japon. A peine une courte incursion dans la Rome antique pour revenir sur la situation critique de l’empereur Hadrien, c’est bien peu. Pas grand-chose à sauver donc, à part peut-être les interludes entre certains chapitres qui restent dans l’ensemble agréables à lire et sont souvent fort instructifs.

Le tome 6 devrait être le dernier. Franchement, il est temps de mettre un terme à une série qui, après un démarrage surprenant et de qualité, sombre au fil de chaque nouveau volume dans une médiocrité de plus en plus criante.  

Thermae Romae T5  de Mari Yamazaki, Casterman, 2013. 194 pages. 7,95 euros.

Mon avis sur les tomes 1 et 2, le tome 3, le tome 4


Yamazaki © Casterman 2013


Une nouvelle participation au challenge de  Soukee


jeudi 24 janvier 2013

La place - Annie Ernaux

Ça  commence par la mort du père. Puis Annie Ernaux remonte le fil d’une vie commencée au tournant du siècle. Ce père né en Normandie dans une famille de journaliers agricoles qui deviendra d’abord ouvrier avant de se marier et d’ouvrir un commerce. Un café-épicerie dans un quartier d’Yvetot. Une vie de peu, entièrement dédiée à sa boutique. Des gens simples, modestes. Des braves gens, comme on disait après-guerre. 

L’exercice n’est pas aisé : « je voulais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi. » Parce qu’il restera viscéralement attaché au « monde d’en bas » qui est le sien alors que sa fille, par les livres et les études, va découvrir et intégrer une petite bourgeoisie dont il ignore tout. Son univers à lui sera toujours resté confiné dans un espace limité dont il ne cherchera jamais à s’écarter.

Point de tristesse, d’amertume ou de lyrisme malvenu. Ernaux a préféré employer le ton du constat. « Je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d’une complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j’ai vécu aussi. Et l’on n’y prenait jamais un mot pour un autre. »

Une prose épurée à l’extrême, dépouillée de toute emphase. Annie Ernaux parle d’elle et pourtant son « je » est un « nous ». Toute la force de son écriture tient dans cette universalité, cette volonté de rester à l’écart d’une indécente forme d’autofiction. Sans doute son succès populaire s’explique en grande partie par le fait que son œuvre s’articule autour de la valeur collective du « je » autobiographique. La place est pour moi un roman magnifique, tout en retenu et pourtant d’une incroyable force. Pas pour rien que ce texte est devenu un incontournable du programme de français au lycée, tant pour l’analyse du genre autobiographique que de la relation père/fille ou encore, dans les filières économique et sociales, pour l’étude des classes sociales.
  
La place d’Annie Ernaux. Folio, 2004. 114 pages. 4,80 €.

Prix Renaudot 1984

Les avis de : manU17 ; Clara ; Jacky Caudron


Ce billet signe ma 1ère participation
au challenge "A tous prix" de Laure

mercredi 23 janvier 2013

Le vagabond de Tokyo 3 - Takashi Fukutani

Fukutani © Le lézard Noir 2012
Difficile de faire un plus grand écart avec les BD des mercredis précédents. Après deux superbes albums d’Emmanuel Lepage, je mets les mains dans le cambouis avec ce manga aussi inclassable que cradingue. Je vous préviens d’emblée, âmes sensibles s’abstenir. Si vous cherchez du glamour, il faudra éviter de passer par ici aujourd’hui.

Le vagabond de Tokyo, c’est Yoshio, un branleur dans tous les sens du terme. Au sens propre d’abord, la masturbation étant son loisir favori. Au sens figuré ensuite puisque ce jeune homme est sans doute la plus grande feignasse de l’histoire du manga. Quelques boulots sur des chantiers afin de payer son saké quotidien (oui, parce que Yoshio picole pas mal aussi, ça occupe) et pour le reste, rien de mieux que la sieste et la glandouille. Résultat, il vit dans une chambre délabrée sur un vieux futon tout pourri, au milieu des bouteilles vides et des magazines porno tout en se nourrissant quasi exclusivement de nouilles instantanées. Son existence n’est qu’une succession d’échecs plus retentissants les uns que les autres. Le loser absolu, quoi.  

Pour être franc j'ai eu quelques craintes parce que ce troisième tome démarre doucement. Après un retour dans sa campagne natale, Yoshio nous raconte son dépucelage à 17 ans (rien de glorieux, forcément) puis les dures journées sur les chantiers qui se terminent toutes au troquet où il dépense en alcool sa paie quotidienne. Quelques passages onirico-érotique par-ci par-là mais rien de bien méchant, pas la moindre trace de scatologie ni de situations vraiment répugnantes alors que les volumes précédents en regorgeaient. Je me suis dis que Takashi Fukutani avait mis de l’eau dans son vin. Et puis arrivé au trois quart du recueil, je tombe sur l’histoire du « Lucky Hole » et je retrouve toute la verve trash et sans limite qui me plait tant dans cette série. C’est quoi un Lucky Hole ? Comme un petit dessin vaut mieux qu’un grand discours, je vous montre :



Le principe est on ne peut plus simple. On pose une serviette dans le trou, on y glisse son engin et de l’autre coté de la cloison une jeune fille s’occupe de vous manuellement. Glauque, non ?  Le problème quand il y a une pénurie de main d’œuvre c’est que les tenanciers de ces lieux sordides doivent parfois faire appel à des femmes bien moins jeunes et quand ils ne trouvent pas de femmes, ils doivent se tourner vers des hommes qui prennent une voix de fausset pour masquer la supercherie. Et devinez qui va se retrouver derrière la cloison d’un Lucky Hole ? Yoshio bien sûr. Rien ne lui sera épargné, de l’odeur abominable répandue dans la pièce au fil de la journée à ses vêtements, sa figure et ses cheveux recouverts de… Une expérience effrayante qui tournera à la catastrophe quand l’un des clients ne se contentera pas du massage manuel et voudra passer à la vitesse supérieure (je vous avais prévenu, pas de glamour ici aujourd’hui).

Je me suis régalé. J’adore quand un auteur lâche prise à ce point. C’est tellement énorme, tellement barré, tellement drôle (bon il faut aimer l’humour très noir et très vulgaire mais je suis bon public pour ce genre de chose). Et puis ce n’est pas tous les jours que l’on tombe sur un personnage aussi navrant et aussi pathétique.

Est-que je vous conseille de vous ruer sur ce manga ? Surement pas ! D’ailleurs même si je vous le recommandais chaudement, je crois que vous ne seriez pas beaucoup à me suivre. En tout cas si vous voulez tenter le coup, je serais ravi de savoir ce que vous en pensez.

            
Le vagabond de Tokyo T3  de Takashi Fukutani. Le Lézard Noir, 2012. 408 pages. 23 euros. 

Fukutani © Le lézard Noir 2012





mardi 22 janvier 2013

Une longue journée de novembre - Ernest J. Gaines

Gaines © 10/18 1996
Ernest J. Gaines est l’un de mes écrivains préférés. J’ai lu tous ses ouvrages. Autobiographie de Miss James Pittman est pour moi un petit chef d’œuvre. Dites-leur que je suis un homme, lauréat de National Book Award, est un roman absolument bouleversant. Mais c’est avec Une longue journée de novembre que j’ai découvert cet écrivain afro-américain né en 1933 sur une plantation de coton.

Dans ce recueil composé de deux nouvelles, Gaines revit en quelque sorte son enfance en Louisanne. Dans le premier texte éponyme, une mère décide de quitter le foyer avec son fils. Le mari est trop absent depuis qu’il a acheté une voiture. Ne supportant plus de le voir rentrer chaque nuit à deux heures du matin, sa femme fait ses valises. L’histoire est racontée par Ti-Bonhomme, l’enfant du couple. Une immersion dans la vie quotidienne des coupeurs de canne à sucre du sud profond. Beaucoup de dialogues, quelques échanges savoureux, un père un peu couillon et une femme qui, à l’évidence, porte la culotte. Ti-Bonhomme essaie de comprendre le monde des adultes avec ses mots à lui. C’est simple et touchant.

La seconde nouvelle met en scène un gamin de huit ans et sa mère. Il a une rage de dent, il faut l’emmener en ville pour le soigner. La mère a de quoi payer le bus et le dentiste, pas plus. En partant tôt, ils devraient être de retour avant onze heures et elle pourra aller travailler dans les champs en rentrant. Mais la salle d’attente est bondée et lorsque la pause du midi arrive, le cabinet ferme ses portes sans que le gamin ait pu être soigné. Mère et fils vont traîner en ville dans un froid glacial, sous la grêle, en attendant la réouverture. Le gamin est gelé et crève de faim mais il ne dit rien. Il sait que sa mère n’a pas les moyens de lui payer un repas. A travers le regard du fils se dresse le magnifique portrait d’une maman fière et indomptable.

Deux très beaux textes, racontés à hauteur d’enfant. La prose est limpide, d’une désarmante simplicité qui fait mouche. Sans doute l’idéal pour appréhender l’univers de ce grand écrivain américain. Le recueil publié par les éditions 10/18 en 1996 est aujourd’hui épuisé. Liana Levi a ressorti la première nouvelle dans sa collection Piccolo sous le titre Ti-Bonhomme. Il serait néanmoins dommage de s’en contenter tant le deuxième texte, absent de cette réédition, est un petit bijou. 

Une longue journée de novembre d’Ernest J. Gaines. 10/18, 1996. 140 pages. 4 euros.


lundi 21 janvier 2013

Jour de grève chez les marmottes / Nina Têtemba

C’est quoi ces gosses qui ne veulent pas dormir ! C’est peut-être parce que je vais bientôt être confronté au problème que j’ai choisi ces deux albums. Les histoires sont différentes mais le point de départ est le même : un personnage refuse d’aller se coucher et en route pour l’aventure !


Snitselaar et Saudo © Balivernes 2012
Bientôt l’automne dans les alpages. Les parents préparent le terrier pour l’hibernation mais les petites marmottes ne l’entendent pas de cette oreille : cette année, c’est décidé, elles font la grève du sommeil. A la place de la longue sieste qui s’annonce, elles préfèrent jouer à cache-cache dans la forêt, construire un barrage sur la rivière ou encore grimper en haut de la montagne. Mais malgré toute leur bonne volonté, c’est la fatigue qui aura le dernier mot...
Trop mignonnes ces marmottes en forme d’œuf de pâques. Chacune possède sur la fourrure un motif spécifique, ce qui permet de les distinguer les unes des autres et si on le souhaite, de mettre en place un petit jeu d’observation et de discrimination visuelle pour les plus petits. Un album très simple et rigolo comme tout. Et puis les marmottes, ça change des lapins et des souris !

Jour de grève chez les marmottes de Nicole Snitselaar et Coralie Saudo. Balivernes éditions, 2012. 28 pages. 8 euros. A partir de 3-4 ans

Snitselaar et Saudo © Balivernes 2012



Puidebois et Lacombe © Balivernes 2012
Chez les chauves-souris, il est l’heure d’aller se coucher. Mais la petite Nina refuse de dormir la tête en bas. Elle descend donc voir l’oiseau et lui demande comment il s’y prend pour trouver le sommeil. En équilibre sur une patte, ce n’est pas pratique ! Elle rencontre ensuite le lapin, le poisson, le hérisson et le putois mais aucun ne dort de façon convenable. Déçue, la chauve-souris n’a d’autre choix que de rentrer chez elle…
Un album en randonnée classique qui se démarque visuellement grâce à la subtile technique de collage utilisée par Nicolas Lacombe dont le rendu sur fond noir est réellement superbe.  
Si l’on devait trouver une morale à cette histoire, ce serait que rien ne vaut le cocon familial pour passer une bonne nuit !

Nina Têtemba de Laurence Puidebois et Nicolas Lacombe. Balivernes éditions, 2012. 28 pages. 8 euros. A partir de 3-4 ans.


Puidebois et Lacombe © Balivernes 2012


Ce billet signe ma première participation au challenge Je lis aussi des albums de Sophie 


samedi 19 janvier 2013

Pêche en eau trouble - Carl Hiaasen

Hiaasen © 10/18 2004
Voila, ça y est. Enfin. J’ai lu un polar de Hiaasen. J’avais pourtant dit que c’était pas mon truc les polars. Pas du tout même. Et puis Hélène a insisté. A force de persuasion, elle a su me convaincre : si je ne devais en lire qu’un, il fallait qu'il soit de Hiaasen. Je lui ai demandé lequel et elle m’a tout de suite conseillé Pêche en eau trouble. J’ai dit banco et j’ai bien fait.
 
Au cœur de la Floride profonde, celle des rednecks racistes et incultes, les concours de pêche au bass (un poisson d’eau douce proche de la perche) sont à la fois une passion et une grosse industrie. Engagé par un richissime pêcheur pour piéger la star incontestée de la discipline soupçonnée de tricherie, le privé RJ Decker va mettre les pieds dans un engrenage dont il va devenir malgré lui un rouage essentiel.      
  
Quelle galerie de personnages : un révérend véreux, un ermite se nourrissant exclusivement d’animaux écrasés récupérés sur la route, une garce incendiaire, un champion de pêche crétin, une tripotée de ploucs décérébrés, j’en passe et des meilleurs. Hiaasen ne ménage personne. Les héros et les salauds en prennent tous pour leur grade à un moment ou à un autre. Il décrit un nombre incalculable de situations barrées à souhait et pourtant on y croit (le coup du pitbull sur le tueur à gage, je ne l’avais pas vu venir !). Pas une seconde de répit, tout s’enchaîne avec fluidité et jamais l’auteur ne se laisse déborder par la surenchère permanente qu’il met en place. Dialogues surréalistes et humour noir cohabitent avec une violence qui fait parfois froid dans le dos. Mais derrière la grande pochade de façade se cache une dénonciation sévère de la pression immobilière qui détruit les derniers espaces naturels à grand coup de corruption ou encore de ces prédicateurs arnaqueurs qui pullulent sur les chaînes chrétiennes du câble. Le tout sans en rajouter, sans jamais tomber dans ce coté « donneur de leçon militant » qui pourrait lasser à la longue. 
                
Pour faire court, je me suis régalé. Comme quoi ça vaut toujours la peine d’écouter les bons conseils. Maintenant, j’en suis à deux polars depuis le 1er janvier, soit deux de plus que sur l‘ensemble de l’année dernière. Faudrait voir à ralentir sacrément la cadence avant que je n’y prenne goût.      
         
Pêche en eau trouble de Carl Hiaasen. 10/18, 2004. 478 pages. 8,80 euros. 

vendredi 18 janvier 2013

Le singe de Hartlepool

Lupano et Moreau
 © Delcourt 2012
1814. Un navire français sombre à quelques encablures des côtes anglaises, face au village d’Hartlepool. Le lendemain les villageois trouvent sur la plage un survivant du naufrage. C’est un chimpanzé, habillé d’un uniforme français, qui servait à bord de mascotte. Le prenant pour un être humain (et surtout pour un ennemi), ils le capturent et organisent un procès où le pauvre animal sera condamné en bonne et due forme par la vindicte populaire.     
      
On se dit au départ que c’est gros, trop gros. Comment peut-on confondre un singe et un homme ? Tout simplement en pensant que cet énergumène braillard dont la langue semble si agressive à l’oreille ne peut être qu’un de ces « fils de chienne engrossée par le diable déguisé en porc » que l’on trouve sur le sol français. Après tout, dans ce trou perdu d’Hartlepool, personne n’a jamais vu un soldat de Napoléon. Lupano s’est inspiré d’une légende toujours vivace en Angleterre. D’ailleurs la postface nous apprend qu’aujourd’hui encore les habitants d’Hartlepool continuent d’être la risée du royaume et sont affublés du sobriquet peu flatteur de monkey hangers, « les pendeurs de singe ».

Le récit dénonce, en vrac et sans hiérarchie, l’ignorance crasse, la haine, le nationalisme exacerbé, l’obscurantisme le plus désolant ou encore l’effet de masse qui transforme des individus en un groupe d’abrutis (petite dédicace personnelle en passant aux supporters des équipes de foot que j’adore…). Le tout sans jamais tomber dans un quelconque didactisme plombant. Parce qu’il faut bien reconnaître que cette histoire sordide est aussi drôle, surtout grâce à son incroyable galerie de personnages (avec une mention spéciale pour le vieux cul-de-jatte Patterson), tous plus lourdauds et ridicules les uns que les autres et à ses savoureux dialogues truffés d’injures que les rosbeefs adressent aux bouffeurs de grenouilles : « Saleté de cloporte nourri à la fiente de poule ! Crevure de bouffeur de tripes de rats ! Sale glaviot de vieux ragondin malade ! Espèce de déjection d’hirondelle africaine bouffée par les vers ! » L’outrance des propos va de pair avec la violence sourde de certaines scènes qui peuvent mettre le lecteur mal à l’aise mais l’équilibre fragile entre le cocasse et l’insoutenable n’est jamais rompu. Et si le sort du pauvre singe est abominable, le clin d’œil final apporte un peu de lumière dans cette sombre tragédie.  
  
Graphiquement, le trait nerveux de Moreau sonne juste et traduit bien les emportements incontrôlés de la populace, le tout sous un ciel gris délavé typiquement anglais.  
  
Assurément un titre qui me marquera durablement tant la portée de son message reste malheureusement universel. Une découverte que je dois à Noukette (rendons à César !) et que j’ai le plaisir de partager avec Mo’, Lunch et Badelel. Encore une lecture commune me direz-vous. Et oui, il n’y pas de mal à se faire du bien !

Le singe de Hartlepool de Wilfrid Lupano et Jérémie Moreau. Delcourt, 2012. 94 pages. 14,95 euros.  

Les avis de Mango, Yvan, Hélène, MokaNoukette


Lupano et Moreau © Delcourt 2012