Washington, mai 1972. Trois jeunes blancs se lancent dans une virée en voiture au cœur d’un quartier noir pour faire les malins. Ils sillonnent les rues lentement, vitres baissées, la musique à fond. Lorsqu’ils croisent des gars de leur âge le long d’un trottoir, ils les traitent de nègres et leur balance une tarte à la crème. Mais tout ne se passe comme prévu et la situation dérape. Un coup de feu est tiré… Trente cinq ans plus tard, les protagonistes de cet après-midi tragique s’en souviennent encore. Et si la plupart ont pu se reconstruire en devenant adultes, d’autres gardent chevillée au corps une rancune tenace.
George Pelecanos est un métronome. Chaque année depuis 1997, il sort un nouveau roman. Une sorte d’Amélie Nothomb du polar ! Tous ses livres se caractérisent par une écriture très particulière, extrêmement visuelle. Il aime décrire dans les moindres détails les faits et gestes de ses personnages. Si la scène se situe dans un magasin de chaussures, vous aurez droit à une description quasi documentaire des différentes tâches effectuées par le vendeur. Idem pour les barmen, les cuisiniers où les garagistes. Autre particularité, il cite tous les noms de marque de voitures, de vêtements, de boissons, de chaines-hifi et de quasiment tous les objets qui entrent dans le champ de sa caméra. Un roman de Pelecanos se reconnaît aussi au nombre important de morceaux de musique écoutés par les protagonistes (tous les titres sont évidemment cités) et aux dialogues ciselés qui sont un vrai régal. Dernier détail, et pas des moindres, tous se passent à Washington, la ville de naissance de l’auteur. Un jour en mai n’échappe pas à la règle. Une fois encore, il y est question de rédemption et de reconstruction après un traumatisme. Une fois encore, les « méchants » sont des crétins finis et les « gentils » défendent des valeurs morales chères à l’Amérique. Et une fois encore, après avoir déroulé son action en toute tranquillité, il laisse éclater en quelques lignes une violence inouïe d’une terrible froideur.
Vous l’aurez compris, tous les livres de Pelecanos se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Et il faut bien reconnaître que les tics d’écriture qui les caractérisent agaceront à juste titre plus d’un lecteur. Personnellement, et de manière assez incompréhensible, j’adore. C’est une sorte de marque de fabrique assez unique que j’aime retrouver une fois par an dans mes lectures. Je crois que cela tient surtout à l’ambiance incroyablement réaliste avec laquelle il décrit sa ville. Au fil de ses romans, on découvre Washington des années 70 à nos jours. L’évolution de la capitale américaine est palpable et racontée par quelqu’un qui l’a vécue de l’intérieur. On n’est pas loin de la sociologie et c’est ce que je trouve passionnant.
C’est un fait, je me garderais bien de recommander cet auteur à qui que ce soit et je comprends parfaitement que l’on puisse se lasser d’un écrivain qui donne l’impression d’écrire à chaque fois la même chose. Mais pour moi, un roman de Pelecanos, c’est un peu comme cette pâtisserie que j’achète à la boulangerie. Toujours la même. J’y ai déjà gouté des dizaines de fois et pourtant j’y reviens toujours, tout simplement parce que je sais que je ne vais pas être déçu. Alors vivement l’année prochaine que je retourne arpenter les rues de Washington avec des sales gosses pas toujours fréquentables.
L’info en plus : La cuvée Pelecanos 2011 aura pour titre Mauvais fils et sortira au mois de mars. L’histoire d’un gamin de 17 ans envoyé en maison de correction et qui, dix ans plus tard, reviens travailler dans l’entreprise de son père.
Un jour en mai, de George Pelecanos, Points, 2010. 376 pages. 7,50 euros.