vendredi 25 août 2017

Underground Railroad - Colson Whitehead

L’Undergound Railroad est un réseau de chemin de fer souterrain et clandestin traversant les États-Unis du Sud au nord. Un réseau construit par des abolitionnistes blancs et des esclaves affranchis pour offrir une route vers la liberté à ceux ayant l’audace de tenter leur chance. Cora l’a utilisé pour quitter la plantation de Géorgie où sa vie était un enfer. Une fuite éperdue avec sur ses traces le terrible chasseur d’esclaves Ridgeway, bien décidé à mettre le grappin sur celle dont la mère est la seule à avoir pu échapper à ses griffes des années auparavant.

Caroline du Sud, Caroline du Nord, Indiana, Cora remonte vers le nord et découvre dans chaque état une forme de racisme différente : stérilisation de masse, pendaison et lynchage pour les blancs se montrant trop conciliants avec les noirs, repli communautaire dans un état « progressiste » tenant plus du miroir aux alouettes que d’un espoir réel, Cora découvre du haut de ses 16 ans que « le monde rend les hommes méchants ».

 L’Undergound Railroad, réseau d’aide aux esclaves fugitifs, a bien existé, mais pas sous la forme d’un chemin de fer souterrain. Cette « invention » permet à Colson Whitehead de donner une dimension fantastique salutaire à un récit d’une brutale réalité. Car la fuite de Cora n’a évidemment rien d’un long fleuve tranquille. C’est une lutte farouche et désespérée contre l’adversité, un chemin semé d’horreurs où les désillusions s’enchaînent. Impossible de ne pas s’indigner devant le traitement réservé à la population noire par les états du sud avant la guerre de sécession. Impossible de ne pas mettre en parallèle ce traitement avec la question raciale toujours brûlante dans l’Amérique d’aujourd’hui. Et impossible également de ne pas voir dans la situation de Cora le reflet de celle des migrants actuels, fuyant un enfer en pensant que l’herbe est forcément plus verte ailleurs alors qu’ils ne sont en réalité bienvenus nulle part.

Un roman puissant, habité, très documenté, où l’insoutenable n’est pas un effet de style qui cherche gratuitement l’obscène et le sensationnel. On en sort secoué, ébranlé, anéanti devant autant de haine, ébloui devant autant d’abnégation, devant une telle volonté de vivre dans un monde vous faisant perpétuellement comprendre qu’il n’y aura jamais de place pour vous à la table des rois. Surtout, on sort de ce roman en se disant avec tristesse et effarement que Colson Whitehead vient peut-être de nous montrer, avec un incroyable brio, le vrai visage de l’Amérique.

 Underground Railroad de Colson Whitehead (traduit de l’anglais par Serge Chauvin). Albin Michel, 2017. 400 pages. 22,90 euros.







58 commentaires:

  1. On n'a pas fini de le voir passer, ce roman, et c'est une excellente nouvelle. J'en suis à la moitié et je n'ai pas hâte de le terminer. Je suis à la fois emballée et traumatisée par la réalité évoquée...

    RépondreSupprimer
  2. Je ne doute pas que ce soit un roman habité et brillant... je sens que je vais adorer !

    RépondreSupprimer
  3. Tststs 2ème billet, vais pas pouvoir résister longtemps à ce roman-là !

    RépondreSupprimer
  4. No home m'avait déjà plu (sans même parler de Racines) alors j'hésite encore

    RépondreSupprimer
  5. Je sens qu'il va me plaire celui-ci !

    RépondreSupprimer
  6. Repéré en librairie en cette rentrée, que je suivrai en décalé comme d'habitude ! Pas les moyens de tous me les offrir, les titres qui me tentent ! Et puis, il y a Ron Rash, aussi ..

    RépondreSupprimer
  7. Quand je l'ai lu en anglais, j'avais eu un tel coup de cœur mais je me sentais un peu seul - heureusement il a été traduit ! oui et la fin (quand on connaît le sort de la mère de C.) - c'est vrai qu'il a un écho particulier avec les évènements de Charlottesville

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas seulement avec Charlottesville je pense, mais aussi avec d'autres événements tragiques actuels.

      Supprimer
  8. Réponses
    1. C'est un des titres les plus attendus de la rentrée.

      Supprimer
  9. Après "Le fils" de Philipp Meyer décidément l'Amérique a bien des visages . et des écrivains qui savent détruire le rêve américain.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dire que "Le fils" est dans ma pal depuis sa sortie !

      Supprimer
  10. Je vois fleurir partout ce titre dont j'attendais la traduction avec beaucoup d'impatience, et qui semble tenir ses promesses !! Je crois que contrairement à Athalie, je ne vais pas pouvoir attendre (bien que cela serait raisonnable...)

    RépondreSupprimer
  11. Ça tombe bien, je l'ai déjà acheté.

    RépondreSupprimer
  12. Nous sommes d'accord ! Incontestablement !

    RépondreSupprimer
  13. Il m'attend mais je le laisse un peu patienter, d'autres doivent passer avant ! Mais nul doute qu'il me plaira tout autant !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Même s'il passe le dernier tu ne l'oublieras pas de sitôt.

      Supprimer
  14. Le Prix Pullitzer est en général une valeur seule. Ce n'est pas celui-ci qui va démentir la règle, visiblement.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il est même dans le haut de tableau des Pulitzer. Par rapport à ceux que j'ai lus en tout cas.

      Supprimer
  15. La thématique me parle énormément, ton enthousiasme est très convaincant, j'étais déjà très intriguée par ce roman il y a plusieurs semaines mais quelques avis plus mitigés ou tatillons me font un peu hésiter à plonger dans l'aventure. Bon, ce qui est sûr c'est que ce ne sera pas pour 2017.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il a largement le temps de sortir en poche avant que tu te penches sur son cas :)

      Supprimer
  16. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup, alors je note !

    RépondreSupprimer
  17. Il fera partie de mes prochaines lectures, mais je le redoute un peu !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il ne faut surtout pas le redouter, je te rassure, même si certains passages sont difficiles

      Supprimer
  18. Ce roman a l'air tellement puissant ! J'ai extrêmement hâte de le découvrir :)

    RépondreSupprimer
  19. Je suis de plus ne plus tentée, forcément.

    RépondreSupprimer
  20. J'ai vu qu'il était dans une liste des 5 romans étrangers de ... France Inter, peut-être.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aimerais tellement que tu le lises, mais tellement !

      Supprimer
  21. J'ai lu son interview sur Telerama et ça m'a donné envie de le lire. Ton billet enfonce le clou !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai lu plusieurs interviews moi aussi, il est passionnant.

      Supprimer
  22. Dans ma liseuse, tu me fais très envie!!

    RépondreSupprimer
  23. Il fait envie mais en même temps pas trop car ça a l'air bien dur tout de même.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est dur, oui, mais ce n'est pas le plus important. L'essentiel est ailleurs.

      Supprimer
  24. anne
    lu et beaucoup apprécié ce livre de par sa construction, l'écriture, l'histoire.
    Lecture a prescrire.

    RépondreSupprimer
  25. J'ai adoré ce roman qui m'a littéralement happée! Je l'ai trouvé très visuel, une adaptation ciné serait tout à fait envisageable.

    RépondreSupprimer

Je modère les commentaires pour vous éviter les captcha pénibles de Google. Je ne filtre rien pour autant, tous les commentaires sans exception seront validés au plus vite, promis !