Goudineau © Actes Sud 2011 |
Rome, 47 après J-C. Des accusations mettent en cause la probité du consul Valerius Asiaticus, un gaulois à la carrière fulgurante qui fut un ami proche de l’Empereur Caligula. Le successeur de ce dernier, Claude, charge la cité de Massalia (Marseille) de mener une enquête indépendante et objective afin de démêler le vrai du faux. C’est le philosophe Charmolaos qui est désigné ambassadeur officiel de Massalia et doit rédiger un rapport circonstancié sur Valérius Asiaticus, sa famille, ses proches, sa fortune et son influence sur certains nobles romains. Après une visite à Vienne, ville natale du gaulois, Charmolaos rend son rapport et est convoqué à Rome par l’empereur pour assister au procès...
Christian Goudineau est professeur honoraire au collège de France, où il a notamment occupé la chaire d’antiquités nationales. Autant vous dire qu’il maîtrise son sujet. Dans une intéressante postface, il précise que parmi les raisons qui l’ont conduit à écrire ce livre figure son exaspération devant « tant de romans historiques fondés sur une documentation indigente, et dont les auteurs sont capables de passer à des rythmes record d’une époque, d’un sujet ou d’un grand homme à d’autres. » Rigueur et précision sont donc ici de mise. L’érudition de l’auteur, disséminée tout au long du texte, est assez passionnante pour peu que l’on s’intéresse à la Gaule romaine et à son fonctionnement. Gastronomie, architecture, cynisme (déjà !) des politiques, place des lettrés dans la société, lourdeur (déjà !) de l’administration… on apprend énormément de choses. Pour autant, l’historien renommé est-il un romancier de talent ? Je suis beaucoup plus sceptique sur ce point.
Le problème, c’est que tout cela est trop feutré. Ça manque de bruit et de fureur, ça manque d’orgies et de luxure. Les mondanités s’enchaînent dans une sorte de ronronnement un peu mou. Nausicaa, la sœur de Charmolaos, semblait être le personnage parfait pour pimenter le récit. Malheureusement, cette jeune femme moderne et excentrique reste au final très sage. Le texte est composé pour l’essentiel de dialogues qui, à la longue, se révèlent fastidieux. De plus, la multiplicité des personnages et la difficulté à identifier clairement leur statut rend à certains endroits la lecture pénible. Il manque ce soupçon de souffle romanesque qui aurait permis de faire de ce récit un ouvrage réellement tout public. Pour autant, je ne ressors pas déçu de ma lecture. Mon but premier était de trouver un roman sur la Gaule romaine à la rigueur historique indiscutable. A ce niveau là, je ne peux qu’être comblé. Maintenant, pour les amateurs de fictions plus mouvementées, je conseillerais davantage la lecture des enquêtes de Marcus Pius ou bien encore celles du beau Kaeso, centurion de la garde prétorienne.
Le procès de Valérius Asiaticus, de Christian Goudineau, Actes Sud, 2011. 430 pages. 23,00 euros.
L'avis de Luocine
Défi "Au coeur de la Rome Antique" de Soukee |
Dommage cette mollesse que tu soulignes. Peut-être que l'enquête est un prétexte au cadre historique, d'où son manque de mordant ? En tout cas, participation rajoutée ! Bonne soirée
RépondreSupprimerDommage! J'avais assisté à une conférence donnée par la directrice de cette collection, elle-même historienne, et certains de ses auteurs, et j'avais beaucoup apprécié qu'elle attache autant d'importance au respect du cadre et des événements historiques. Elle avait aussi parlé des difficultés qu'elle rencontrait pour trouver des auteurs qui soient à la fois irréprochables sur le plan historique et bons romanciers. Et j'imagine volontiers que cumuler les deux doit être très difficile!
RépondreSupprimerDu coup, j'ai ajouté plusieurs livres de cette collection dans ma LAL mais je n'en ai encore acheté aucun : j'attends que ma PAL baisse un peu!
Ceci dit, en dépit de tes réserves, je serais tout de même bien tentée par celui-ci. Moi qui suis passionnée d'histoire, certains romans me mettent parfois en rage. Pour un lecteur qui n'est pas familier avec la période d'un roman, et qui croit pouvoir s'instruire tout en se divertissant, il n'est pas évident de se rendre compte quand un auteur brode autour d'éléments fiable ou quand il sert à ses lecteurs du grand n'importe quoi (exemple : Christian Jacq ou Teulé). La vérité historique est pourtant souvent suffisamment romanesque pour qu'il ne soit pas nécessaire d'aller perpétuer des clichés ou inventer des trucs abracadabrants.
Bon j'arrête là car je pourrais être intarissable sur ce sujet qui me tient à coeur!
(Faut vraiment que je trouve le temps de me remette à lire des livres d'histoire plutôt que de polluer les blogs des autres!)
@ soukee : en fait il n'y a pas vraiment d'enquête et le manque d'action est quelque peu préjudiciable. Mais bon j'aimerais bien connaître d'autres points de vue sur ce titre.
RépondreSupprimer@ Marie : Comment ça polluer les blogs des autres ? Au contraire, c'est un plaisir de lire tes commentaires. Je ne suis pas un grand lecteur de romans historiques mais je ne doute pas que certains auteurs prennent des libertés pour servir leur récit au dépend de la véracité.
Après coup, je me rends compte que j'aurais préféré un roman mettant en scène la plèbe ou le monde des esclaves. Une fiction historiquement juste relatant la vie des petites gens de l'époque m'aurait passionné. Avec les patriciens mis en scène ici, j'ai eu plus de mal.
j'ai bien aimé ce roman plus pour ses qualités historiques que de roman policier, j'ai mis un lien vers ton article
RépondreSupprimerLuocine
Merci pour le lien, je rajoute ton avis de suite !
SupprimerTon avis est intéressant comparé à celui de Luocine...
RépondreSupprimerMerci, j'ai essayé d'être le plus complet et le plus objectif possible?. Ce n'est pas toujours évident d'exprimer clairement son ressenti après une lecture.
SupprimerBonjour à tous, je viens de finir le Procès de Valérius Asiaticus, et vraiment il ne faut pas le lire comme un roman policier, il n'y a pas d'enquête, mais comme un excellent roman historique et politique, qui n'a pas la volonté de rajouter de l' "Histoire" là où il n'y en a pas. Le personnage du philosophe est un observateur de la vie politique et apprend dans son voyage au moins autant que dans les livres jusqu'alors. Le personnage d'Asiaticus est exceptionnel, ceci d'autant plus qu'il a existé dans le cadre utilisé par l'auteur. Le style de Goudineau m'a beaucoup plus, vocabulaire riche, pas d'excès de citations latines comme parfois. On ressort de ce livre triste de laisser les personnages et enrichi d'une connaissance améliorée du rôle joué par ce gaulois (Asiaticus) dans l'histoire romaine. Je n'en dit pas plus sinon le plaisir en serait gâché. Bonne lecture, je ne l'ai pas lâché !!
RépondreSupprimer