Stefansson © Gallimard 2011 |
Nous sommes en avril mais l’Islande est encore sous la neige. Jens le postier arrive au village frigorifié, collé à son cheval par le gel. Avec précaution, on le détache, on le déshabille et on le réchauffe près du feu. Il faut dire que cet homme doit être choyé car il est le seul trait d’union entre la civilisation et cette contrée perdue au bout du monde. Quelques jours plus tard, on demande à Jens de poursuivre sa tournée toujours plus au nord, là où l’Islande prend fin pour laisser place à l’hiver éternel. La lande qu’il doit traverser est balayée par une telle tempête que beaucoup la considèrent comme impraticable. Accompagné du gamin, un garçon d’auberge passionné de poésie et de littérature, Jens se lance dans la tournée la plus difficile de sa carrière.
Le postier taciturne et le gamin volubile forment un couple aussi improbable que complémentaire. Leur voyage sans fin au cœur d’une incroyable tempête a tout de la tragédie. Dès le départ le lecteur se doute que leur entreprise est vouée à l’échec. Mais l’important n’est pas là. Ce qui compte, ce sont les rencontres qu’ils feront au cours de leur périple, ces maisons isolées, noyées sous la neige, où des familles passent l’hiver au coin du feu dans une sorte de huis-clos pesant. Des gens taiseux et modestes toujours prompt à partager le peu qu’ils possèdent. Mais surtout, ce qui compte, c’est la qualité de l’écriture de Jon Kalman Stefansson. La tristesse des anges est roman très littéraire traversé par des élans poétiques somptueux et une réflexion pleine de finesse sur le sens de l’existence : « Qu’est-ce qui nous afflige – si seulement nous le savions. Nous savons à peine pourquoi nous posons la question, nous savons simplement qu’il y a quelque chose qui nous afflige, que nous ne vivons pas comme nous le devrions. Et la mort nous attend tous. »
Incroyable tour de force que de décrire pendant plus de deux cents pages le combat de deux hommes en pleine tempête sans jamais donner l’impression de se répéter. La prose est éblouissante, sachant se faire lyrique sans jamais tomber dans le boursouflé. Le lecteur frissonne, il est saisi par la dureté du climat et des hommes, par ces caractères de rustres indomptables qui représentent l’âme islandaise. « La vie islandaise dans un mouchoir de poche, nous sommes parfaitement incapables d’exprimer nos sentiments en présence de l’autre : de mon cœur ne t’approche point. »
Un roman somptueux, hors du temps et des modes. Jon Kalman Stefansson déroule une petite musique qui vous accompagnera longtemps pour peu que vous lui accordiez l’attention qu’elle mérite. De la littérature, quoi.
La tristesse des anges, de Jon Kalman Stefansson, Gallimard, 2011. 378 pages. 21,50 euros.
L'avis de Clara.
Ah, quel joli billet, j'envisage sérieusement de lui accorder l'attention qu'il mérite, ce roman -)
RépondreSupprimerAssurément, noté! La couverture est splendide, ton billet me donne vraiment envie et le thème m'interpelle! Merci de la découverte!
RépondreSupprimerAh, je me disais bien que le titre ne me faisait pas penser à une bd !!
RépondreSupprimerJon Kalman Stefansson c'est une valeur sûr an qualité de grand auteur de littérature ^^
Hum, hum, j'hésite... Le thème me fait un peu peur mais comment résister à ton enthousiasme?
RépondreSupprimer@ Emmyne : il me semble que tu apprécies les littératures nordiques donc ce roman devrait te plaire.
RépondreSupprimer@ Allie : j'espère que tu ne seras pas déçue si tu te lances dans cette lecture.
@ Oliv : oui, son premier roman paru l'année dernière a été salué par la critique.
@ Valérie : il est certain que ce n'est pas joyeux-joyeux. Maintenant, c'est une question de feeling.
un auteur que je ne connais pas encore...
RépondreSupprimerUn auteur à découvrir d'urgence...
SupprimerJe suis en train de le lire en ce moment, je suis totalement de ton avis : c'est une merveille, tout comme le premier roman de l'auteur !
RépondreSupprimerJe serais ravi de lire ce que tu en penses quand tu l'auras terminé.
SupprimerJe partage ton avis mais je crois que je prefère encore le premier tome car la surprise était plus grande. Bientot le 3ème tome....
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu le 1er donc je ne peux pas comparer mais je compte bien le lire d'ici peu^^
Supprimerj'avais adoré le premier "Entre ciel et terre" et malheureusement je n'ai pas du tout réussi à lire celui-ci :(
RépondreSupprimerC'est drôle mais même si j'ai adoré je comprends parfaitement que l'on ne puisse pas du tout accrocher tant le rythme du récit est lent et contemplatif.
SupprimerTu m'avais prévenue, celui-ci est encore plus beau que Entre terre et ciel! Je le déguste!
RépondreSupprimerCelui-ci est exceptionnel. C'est son chef d'oeuvre !
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