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vendredi 4 juillet 2014

La vie troublée d’un tailleur pour dames - Bulbul Sharma

Janak est tailleur pour dames dans le petit village de Giripul, au pied de l’Himalaya. Homme paisible, amoureux de sa femme la capricieuse et jalouse Rama, il n’aspire qu’à vivre tranquillement. Mais les clientes qui défilent dans sa petite échoppe n’hésitent pas à lui confier leurs petits secrets, le mettant parfois dans l’embarras.
Un soir, alors que toute la communauté est réunie sous le chapiteau d’un magicien ambulant,  il trouve un cadavre devant sa porte. Le premier meurtre de l’histoire de Giripul ! Persuadé de faire un coupable idéal, Janak, aidé de son meilleur ami Shankar, va mener lui-même l’enquête pour retrouver l’assassin.

De Bulbul Sharma, j’avais lu et beaucoup aimé les recueils de nouvelles « Mangue amère » et « Maintenant que j’ai 50 ans ». J’avais surtout apprécié sa façon de mettre en scène la femme indienne moderne, tiraillée entre ses légitimes envies d’émancipation et le poids des traditions. Ici, on est dans autre registre. Ce roman beaucoup plus léger est une saga villageoise, un hommage au peuple des campagnes. Giripul existe vraiment et Bulbul Sharma y a possédé une résidence secondaire pendant vingt ans. C’est un village hors du temps, sans commodités, sans télé, sans téléphone ni frigidaire. Autour de Janak gravitent Shankar le pêcheur, Balu le mendiant, Lala le restaurateur, Raja qui tient le bazar du coin et le « mukhiya », le chef du village. Les femmes sont aussi très présentes avec, comme toujours chez Sharma, une belle-mère particulièrement irascible.

Ce roman est avant tout une comédie de mœurs avec un peu de réalisme magique et un soupçon de polar (mais alors vraiment un soupçon). C’est surtout l’occasion de mettre en lumière le monde rural sans misérabilisme à travers le regard plein d’empathie d’un auteur débordant de tendresse pour ses personnages.

Une lecture rafraîchissante, idéale pour découvrir l’Inde « authentique » loin des clichés de Bollywood. J’ai côtoyé avec plaisir les habitants de Giripul et, comme la fin laisse présager une suite évidente, je me réjouis de les retrouver d’ici quelques temps.


La vie troublée d’un tailleur pour dames de Bulbul Sharma. Albin Michel, 2014. 380 pages. 22,00 euros.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène.



vendredi 13 juin 2014

La coupe du monde des livres

Puisque je suis de tempérament plutôt joueur, je relève le défi proposé par Cajou, à savoir créer une équipe parfaite de 11 livres pour ce mois de Coupe du Monde.

Le principe est simplissime, on doit réunir pour notre équipe :

Un gardien de but : THE roman que vous voulez à tout prix lire, celui qui n'a pas le droit de passer à travers les mailles du filet des profondeurs de votre PAL.
Des attaquants : les 4 romans de votre PAL que vous voulez ABSOLUMENT lire.
Des milieux de terrain : les 3 romans de votre PAL que vous avez envie de lire juste après.
Des défenseurs : les 3 romans que vous n’avez pas encore dans votre PAL mais que vous voudriez vous offrir -sans attendre le Mercato- pour parfaire votre équipe.

Voila donc à quoi ressemble mon équipe idéale :




Mon gardien ne pouvait être que ce cher vieux dégueulasse. Je me suis gardé ce recueil sous le coude depuis janvier parce que passer les premiers jours d’été avec Buko, c’est un peu le rêve pour moi.

Parmi mes attaquants, Bulbul Sharma parce que je l’adore, Olivier Bleys, découvert il y a peu et dont je ne pouvais manquer le nouveau roman, Velibor Colic parce ce n’est pas un auteur à laisser traîner sur sa pal et David Thomas parce qu’après la claque de « On ne va pas se raconter d’histoire », impossible d’en rester là avec lui (et en plus c’est un cadeau de Noukette, on va le lire ensemble donc j’ai encore plus hâte de m’y lancer).

Mes trois milieux de terrain seront sont sans doute les livres que j’emmènerai à la plage cet été : le fameux Rebecca de Du Maurier que tout le monde m’a conseillé à corps et à cris après ma lecture de Ma cousine Rachel. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, un pavé que j’aurais le temps de lire les pieds dans l’eau et La maison où je suis mort autrefois, parce qu’il m’a été prêté par Manu et que je le séquestre depuis bien trop longtemps.

En défense, trois ouvrages qui seront bientôt miens, pas possible autrement. La boîte aux lettres du cimetière, repéré pas plus tard qu’avant-hier chez Hélène, J’appelle mes Frères parce qu’In cold blog en a trop bien parlé et Pietra Viva parce qu’à force de lire des billets très élogieux sur ce roman, je me dis qu’il est fait pour moi.

Voila, sans doute pas avec cette équipe que je gagnerai un jour la coupe du monde des livres mais c’est bien le dernier de mes soucis.



dimanche 1 juillet 2012

Je lis tout en même temps !

J'ai déjà eu l'occasion de parler à plusieurs reprises de ma manie consistant à lire plusieurs livres en même temps. Le titre de ce blog rend d'ailleurs hommage à cette pratique que j'entretiens avec une certaine application depuis maintenant plusieurs années.

Ces derniers temps, j'ai eu l'impression que mes lectures simultanées ne faisaient que croitre de manière inquiétante. Pour en avoir le coeur net, j'ai farfouillé dans tous les coins de la maison où j'ai l'habitude de lire et j'avoue que le résultat de mes recherches est assez édifiant. Voyez plutôt :

Le rabbin congelé, de Steve Stern (éditions Autrement). Un ouvrage qui ne sortira qu'au mois d'août reçu dans le cadre de l'opération On vous lit tout du site Libfly. Ce sont les 1ères épreuves non corrigées.
4ème de couv : Pologne, 1889. Le rabbin Eliezer ben Zephyr se retrouve congelé suite à sa chute dans une mare pendant une transe mystique. Memphis, 1999, Bernie Karp retrouve dans le congélateur familial le rabbin, devenu au cours du siècle écoulé une relique familiale. Mais il y a une coupure de courant, Eliezer dégèle et se réveille bien vivant…

J'en suis où ? 110/545


Le prince écorché, de Mark Lawrence (Bragelonne). Le 1er tome d'un trilogie. Des années que je n'avais pas lu de Fantasy. Le genre ma saoule un peu, trop répétitif. Pourquoi j'ai craqué sur ce titre là ? Aucune idée, une impulsion devant la table du libraire, ça m'arrive tout le temps, pour le plus grand malheur de mon porte-monnaie.

4ème de couv : À treize ans il est le chef d'une bande de hors-la-loi sanguinaires. Il a décidé qu'à quinze ans il serait roi. Le prince Jorg Ancrath a quitté le château de son enfance sans un regard en arrière, après qu'il fut contraint d'assister au massacre de sa mère et de son frère. Depuis ce jour il n'a plus rien à perdre. Il avance porté par sa fureur.
L'heure est venue de s'emparer de ce qui lui revient de droit. À la cour de son père l'attendent la traîtrise et la magie noire. Mais le jeune Jorg ne craint ni les vivants ni les morts. Animé d'une volonté farouche, il est prêt à affronter des ennemis dont il n'imagine même pas les pouvoirs.
Car tous ceux qui ont pris l'épée doivent périr par l'épée.

J'en suis où ? 110/382


Histoires en couleurs, de Kunzang Choden (Actes Sud). Un recueil de nouvelles écrites par une auteure du Bhoutan. Comme j'aime beaucoup ce qu'écrit Bulbul Sharma sur les femmes indiennes, je me suis laissé tenter par ce titre. J'ai lu la 1ère nouvelle il y a un mois et le bouquin traîne depuis ce temps au pied de mon lit. Pas bon signe.
4ème de couv : Dans les treize nouvelles qui composent ce recueil, Kunzang Choden rend hommage aux femmes du Bhoutan et célèbre le rôle crucial qui est le leur au pays du BNB, "Bonheur national brut", en s'inspirant de la vie locale rurale comme de sa propre expérience.
Narrée dans une langue proche de l'oralité, chacune de ces histoires est porteuse d'émotion, d'humanité, de poésie et d'humour. C'est ainsi qu'une fruste jeune paysanne charriant son fumier au village se transforme, dès son arrivée à la ville, en fashionista après s'être fait poser un piercing au nombril. Ou qu'une mère de famille incite ardemment son fils à devenir un respectable fonctionnaire dans le seul but de pouvoir, quelque jour, faire circuler, sous les yeux admiratifs ou envieux des autres femmes du village, la photo qui témoignera de l'irrésistible ascension sociale de son rejeton...
Femmes trompées, femmes seules, femmes désirées puis abandonnées, femmes cupides ou généreuses, femmes qui se battent pour offrir à leurs enfants une vie meilleure, autant de destins dans lesquels les femmes du monde entier peuvent se reconnaître et à travers lesquels le lecteur se voit convié à une authentique rencontre avec un pays en pleine mutation, aussi lointain que méconnu.

J'en suis où ? 22/200

Du sang dans les plumes, de Joel Williams (13è note). Un recueil de nouvelles rédigées en prison par un indien ayant tué son père. La littérature américaine que j'aime : cash et sans fioriture.

4ème de couv : Au carrefour de la tradition amérindienne et de la littérature de prison, de l'humour et de la poésie, Joel Williams, le boxeur guitariste, nous fait partager les hantises mais aussi les espoirs qui rythment ses journées : tentation de la folie et de l'autodestruction, méfiance, violence, trafics, rivalités de gangs, recherche des racines ethniques, survie face à la mesquinerie et aux humiliations, défoulement dans le sport, obsession sexuelle, image de la Femme tentatrice, salut par l'art...

J'en suis où ? 94/222


Les lois de la famille, de Benjamin Law (Belfond). Une chronique familliale rédigée par un auteur australien d'origine chinoise. Vraiment excellent, furieusement drôle et très irrévérencieux.

4ème de couv : Si votre adolescence n'a été qu'un long combat orthodontaire ; si vous avez subi l'horreur fashion des années 80 ; si vous avez d'affreux souvenirs de Noëls en famille ; si vous avez participé, enfant, à des spectacles artistico-niais dans des maisons de retraite ; s'il vous reste quelques cicatrices de batailles fraternelles ; si, par hasard, vous avez vécu une rencontre aussi violente que sensuelle avec un diable de Tasmanie, ne cherchez plus, ce livre est pour vous !
En vingt-trois vignettes, Benjamin Law nous entraîne à la découverte de la plus excentrique, la plus irrésistible, la plus cruelle des familles : la sienne.
J'en suis où ? 60/260


Le roi n'a pas sommeil, de Cécile Coulon (V. Hamy). Second roman d'une toute jeune auteure pleine de promesse. Je devrais pouvoir vous en parler plus précisément dès la semaine prochaine...

4ème de couv : « Ce que personne n'a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n'a pu savoir, c'est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras lui avait passé les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise. »
Tout est là : le mutisme, le poids des regards, l'irrémédiable du destin d'un enfant sage, devenu trop taciturne et ombrageux. Thomas Hogan aura pourtant tout fait pour exorciser ses démons - les mêmes qui torturaient déjà son père.
Quand a-t-il basculé ? Lorsque Paul l'a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu'il a découvert le Blue Budd, le poker et l'alcool de poire ? Lorsque Donna l'a entraîné naïvement derrière la scierie maudite ?

J'en suis où ? 120/144

Je vois des jardins partout, de Didier Decoin (JC Lattès). J'ai acheté celui-là au moment où j'ai commencé mes plantations annuelles à la maison. L'arrivée du printemps, tout ça... Seulement avec la météo toute pourrie, rien n'a poussé et mes envies bucoliques se sont fait la malle. Du coup, le livre est en plan depuis trois mois au pied de mon lit. Il va falloir du soleil pour que je m'y remette !

4ème de couv : « Je ne suis sans doute qu'un jardinier-usager, un jardinier-profiteur, un jardinier-jouisseur. Je vais le nez en l'air et les mains dans les poches, au gré des allées d'herbe fraîche qui sinuent entre les euphorbes, les massifs d'iris, les grandes pivoines et les fougères du Sous-Bois des Amoureux. »
« Jardiner, c'est penser, mais penser par avance, imaginer, anticiper ce qui va sortir de terre - et dans quel désordre ou quelle harmonie innés ça va surgir. Et c'est avant tout faire confiance à la terre. En écrivant ce livre, je me suis aperçu qu'il n'y avait pas d'école de vie plus sûre ni plus charmante qu'un jardin, que ce soit le paradisiaque et génial Jardin Blanc conçu par Vita Sackville-West dans son domaine de Sissinghurst ou le très modeste recoin qu'on m'avait alloué dans le potager familial. »

J'en suis où ? 38/230

Nouvelles à ne pas y croire, de Fabien Maréchal (éd. Dialogues). Un recueil de nouvelles envoyé par l'auteur. Pas super emballé, je l'ai honteuseument laissé de coté mais je promet de m'y remettre bientôt.

4ème de couv : Ici, les oiseaux font la loi, les cafetières s'enfuient, vos invités se présentent nus à votre porte, les jeux télévisés vous expédient en prison mais vos voisins ont très bon goût.
Soudain plongés dans des situations qui les dépassent, les personnages de ces drôles d'histoires affrontent des questions qui traduisent l'absurdité de l'existence : jusqu'où sommes-nous dupes - de nos relations sociales, des mises en scène de la télévision, de la justice ? À quel point contribuons-nous à bâtir nos prisons ? Comment s'en évader ? Et surtout, surtout : pourquoi diantre les trains devraient-ils avoir un horaire ET une destination ?
Ces anti-héros sont chacun de nous quand la maîtrise de notre destin nous échappe, au point que la réalité semble perdre son sens. Nous nous en doutions mais ces nouvelles le prouvent : si le monde est fou, c'est bien que nous le sommes tous un peu.

J'en suis où ? 60/116


Les raisins de la colère, de John Steinbeck (Folio). J'ai décidé cette année de lire (ou relire) quelques grands classiques et celui-là en fait évidemment partie. Commencé très récemment, je le lis au boulot pendant mes pauses. Un vrai chef d'oeuvre !

4ème de couv : "Le soleil se leva derrière eux, et alors... brusquement, ils découvrirent à leurs pieds l'immense vallée. Al freina violemment et s'arrêta en plein milieu de la route.

- Nom de Dieu ! Regardez ! s'écria-t-il.
Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d'arbres fruitiers et les fermes. Et Pa dit : - Dieu tout-puissant ! ... J'aurais jamais cru que ça pouvait exister, un pays aussi beau."

J'en suis où ? 125/540

La faim, de Knut Hamsun (livre de poche).  Un classique que j'ai lu il y a plus de 20 ans et que j'ai vraiment envie de redécouvrir. Une lecture qui m'avait beaucoup marqué. Je l'ai commencé aujourd'hui !

4ème de couv : "La seule chose qui me gênât un peu, c'était, malgré mon dégoût de la nourriture, la faim quand même. Je commençais à me sentir de nouveau un appétit scandaleux, une profonde et féroce envie de manger qui croissait et croissait sans cesse. Elle me rongeait impitoyablement la poitrine ; un travail silencieux, étrange, se faisait là-dedans."

J'en suis où ? 42/285


Voila, j'ai entamé 10 livres en même temps. Je n'avais pas du tout conscience d'avoir mis en route autant de lectures différentes. Le pire c'est que cela ne me gène pas du tout et il ne m'étonnerait pas que j'en attaque une onzième dans la semaine si je fais un saut à la librairie. Je vais évidemment tous les terminer et les chroniquer dans les semaines (mois ?) à venir. Si je pouvais faire ça avant une rentrée littéraire qui s'annonce chargée (j'ai déjà noté une douzaine de titres !), ce serait parfait.



dimanche 15 janvier 2012

Maintenant que j’ai 50 ans - Bulbul Sharma

Sharma © Picquier 2011
Les femmes des histoires de Bulbul Sharma viennent de fêter leurs 50 ans et sont indiennes. Pour chacune d’entre elle, cet anniversaire constitue un moment charnière. Rano, martyrisée par une immonde belle-mère, a dû attendre la mort de cette dernière pour connaître la liberté. Pour une autre, la cinquantaine a coïncidé avec le départ de son mari, parti roucouler avec son secrétaire Monty. Mahun, elle, a quitté son époux afin de s’émanciper. Suhda, veuve, a brisé les convenances et choqué sa belle famille en fréquentant un homme rencontré au parc. De son coté, Madhu découvre son conjoint dans les bras de prostitués pendant un séjour en Thaïlande censé célébrer leur anniversaire de mariage tandis que Meera refuse catégoriquement toute union, au grand désespoir de sa mère…

Onze nouvelles où Bulbul Sharma déroule cette petite musique si agréable qui la caractérise. Les femmes qu’elle met en scène sont pour la plupart issue d’une bourgeoisie cossue. Les enfants ont quitté la maison, le mari (quand il y en a un) est depuis longtemps indifférent et les belles mères sont immondes. Certes, ce demi-siècle n’est pas forcément synonyme de « cinquantièmes rugissants ». Ces femmes restent de bonnes hindoues respectueuses des traditions mais leur forte personnalité est une porte d’entrée vers l’épanouissement. Difficile cependant d’avoir sa propre existence quand on ne travaille pas et que l’on ne dispose pas de l’argent du ménage. Pas question non plus de divorcer, là encore, le traditionalisme l’emporte. Il n’empêche, ce basculement de « l’après 50 ans » sonne comme une révélation : et si la vie ne faisait que commencer ?

Les différents textes ne sont pas du tout redondant. Certains jouent sur le registre de l’humour, d’autres sont plus graves. Tous sont traversés par quelques notes de poésie permettant de relativiser des situations parfois difficiles. Autre constante, les femmes du recueil se révèlent aussi sympathiques qu’attachantes. Il leur aura fallu attendre cinquante ans pour briser les carcans et écouter leurs désirs, pour comprendre aussi que leur pays a changé doucement et que les pratiques d’antan, si elles restent la panacée, sont de plus en plus bousculées par un souffle de modernité salvateur.


Maintenant que j’ai 50 ans de Bulbul Sharma, Éditions Philippe Picquier, 2011. 210 pages. 17 euros.


Mon avis sur Mangue amère, un autre recueil de nouvelles de Bulbul Sharma.

lundi 11 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 6) : Mangue amère - Bulbul Sharma

Les femmes de la famille de Bhanurai Jog se réunissent pour préparer un festin le jour de l’anniversaire de sa mort. Installées en rond autour d’un énorme tas de légumes, elles s’attèlent à la préparation du repas. La conversation s’engage et Malarani, une des nièces du défunt, prend la parole pour raconter la première histoire de la journée.


Huis récits s’enchaîneront en tout. Au menu, la résistance d’une bru face à sa belle-mère acariâtre, un fils expatrié qui revient passer un court séjour chez ses parents, ou encore cette maîtresse perfide cherchant à éloigner l’épouse légitime de son amant. Point commun à toutes ces histoires : la femme y tient une place centrale. Des portraits doux amers, parfois drôles, parfois plus graves qui plongent le lecteur au cœur de la famille indienne.

Bulbul Sharma montre à quel point il devient difficile pour la femme indienne de trouver sa place dans un pays en pleine mutation. Tiraillées entre le respect des traditions et de légitimes désirs d’émancipation, ses héroïnes ont surtout du caractère et n’hésitent pas à faire entendre leur voix. Jalouses, vénales, intrigantes, amoureuses, les femmes ne sont pas ici serviles et corvéables à merci. Au passage, les expatriés en prennent pour leur grade (cf. l’épisode du fils revenu d’Amérique qui est effrayé à l’idée de prendre du poids à cause des plats frits que lui prépare sa mère ou bien ce repas de famille au cours duquel on prépare un curry très peu épicé pour ne pas froisser l’estomac des expatriés ayant perdu l’habitude de la vraie cuisine indienne).

La nourriture tient une place important dans les différents récits, mais pas suffisamment à mon goût. L’odeur des épices n’est que trop peu présente et les recettes pas assez détaillées. Pour ce qui est des romans gastronomiques, on n’a rien fait de mieux pour l’instant (et à mon avis !) que Vie et passion d’un gastronome chinois de Lu Wenfu, ou encore, dans un autre registre, que le manga Le gourmet solitaire, de Jirô Taniguchi. Mais après tout peu importe, j’ai passé un excellent moment avec ces raconteuses d’histoires indiennes et c’est bien là l’essentiel.

Mangue amère, de Bulbul Sharma, éditions Ph ; Picquier, 2010. 168 pages. 16,50 euros.

L’info en plus : Bulbul Sharma est une adepte des « récits gastronomiques ». Son premier ouvrage publié en France, intitulé La colère des aubergines est en effet, dixit la quatrième de couverture, un recueil « d’histoires pleines d'odeurs de cuisine, puissamment évocatrices des rapports et des conflits entre les membres d'une maisonnée indienne ». Sorti en 1999, il est disponible depuis 2002 au format poche, toujours chez Philippe Picquier.