Le texte inclut cartes, dessins, photos de paysages et images d’objets de l’époque. L’histoire se découvre à la lecture, en parallèle, des carnets d’Allen, du journal intime de Sophie et des échanges épistolaires d’un de leurs descendants et d’un conservateur de musée. C’est un vrai récit d’aventure à l’ancienne qui mêle la grande aventure du lieutenant-colonel et l’aventure intime de Sophie. Le premier défriche une terre vierge de la présence de l’homme blanc, conscient que si sa mission se réalise, elle ouvrira la porte à une colonisation de masse où les indiens ont forcément tout à perdre. De son côté sa femme aspire à briser le carcan d’une société militaire patriarcale pour gagner une forme d’autonomie et de liberté à travers sa passion pour la photographie.
Franchement, je ne m’attendais pas à être autant sous le charme d’un tel roman. C’est une superbe histoire d’amour et un hymne à la beauté et à la dureté de la nature sauvage qui invite à la contemplation tout en dressant le portrait d’un couple soudé malgré l’éloignement. Il y a également une surprenante dimension fantastique, étroitement liée aux croyances autochtones. C’est ainsi que l’on voit un enfant naître dans le creux d’un épicéa, que l’on retrouve les soldats aux prises avec un monstre lacustre, que des femmes se métamorphosent en oies ou que des fantômes hantent la montagne chaque nuit. Ce mélange entre fantastique et réalité, entre prosaïsme des explorateurs et légendes indiennes ne sonne jamais faux et fonctionne au final à merveille (à mon grand étonnement !).
Un pavé très « romanesque » traversé par le souffle de l’épopée des pionniers de l’Amérique. Et une excellente surprise en ce qui me concerne tant, à la base, je ne suis pas un adepte de ce genre de récit.
Au bord de la terre gelée d’Eowyn Ivey (traduit de l’américain par Isabelle Chapman). 10/18, 2018. 540 pages. 19,90 euros.