mercredi 21 décembre 2016

Je, François Villon T3 : Je crie à toutes gens merci - Luigi Critone

Trop tôt orphelin, il a été recueilli et élevé par un généreux chanoine. Etudiant au quartier latin, il a vite abandonné l’université pour fréquenter les catins et les tavernes. Devenu le poète officiel des sanguinaires coquillards de Colin de Cayeux après avoir commis un vol et un meurtre, il suit la bande d’écorcheurs dans un périple sauvage en Alsace où son quotidien est fait d’assassinats, de viols et de pillages. Au moment où commence ce troisième volume, François Villon, après avoir quitté les coquillards, tombe entre les griffes du terrible évêque d’Orléans Thibaut d’Aussigny, celui-là même qui avait condamné à mort ses parents.

Conclusion de l’adaptation du roman de Jean Teulé, cet album signe la perte de l’insouciance et de la légèreté qui jusqu’alors guidaient les pas de Villon malgré l’horreur de ses agissements. Son passage dans les geôles de l’évêque et entre les mains des bourreaux le marque au fer rouge. C’est un homme brisé qui rentre à Paris pour découvrir sans fierté à quel point il est resté une légende, un mythe intouchable pour la jeunesse éprise de folie et de liberté. Le poète, affaibli et malade, constate que ses jours s’en sont allés trop vite. Il rédige son ultime testament, prêt à attendre la mort sans lutter. Mêlé malgré lui à un nouveau fait-divers, il échappe par miracle à la pendaison mais doit quitter la ville et ne plus y revenir pendant dix ans. Un statut de banni qui ouvre une nouvelle page de son histoire dont personne ne saura jamais rien…

Un final crépusculaire, terriblement sombre et mélancolique. Luigi Critone restitue à merveille les tourments d’une âme qui s’éteint à petit feu après avoir brûlé la chandelle par les deux bouts. Une âme qui a traversé comme une comète trente années de l’histoire de son temps et dont les textes continuent à fasciner le public aujourd'hui encore.

Une trilogie sans fausse note, dont le dessin n’a cessé de s’améliorer à chaque album. A l’occasion des fêtes, un superbe coffret regroupant les trois tomes est proposé par l’éditeur. Une idée cadeau à glisser sous le sapin pour ravir les amateurs du plus célèbre des poètes maudits.


Je, François Villon T3 : Je crie à toutes gens merci de Luigi Critone. Delcourt, 2016. 72 pages. 15,50 euros.






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mardi 20 décembre 2016

Romans jeunesse : Coups de cœur 2016

Premier bilan de l’année, il concerne évidemment les romans jeunesse puisque nous sommes mardi et que chaque mardi ou presque depuis bientôt trois ans je partage une pépite avec ma chère complice Noukette. En 2016, nous avons présenté 37 pépites. Des textes souvent courts, généralement aux thématiques fortes et toujours d’une belle qualité littéraire. Certains auteurs ont eu droit à deux pépites (Anne Loyer, Bertrand Santini, Gille Abier, Cécile Roumiguière et Sandine Beau). Il faut dire qu’ils sont un peu (beaucoup) nos chouchous et que pour rien au monde nous ne raterions une de leurs parutions.

Et s’il me fallait en choisir cinq titres parmi ces trente sept, les premiers qui me viendraient à l’esprit, sans ordre de préférence, seraient :


Un roman doudou qui fait un bien fou. Tout m’a plu dans cette histoire sensible et drôle aux personnages extrêmement fouillés. La suite m’attend, elle fera partie de mes lectures de Noël.











Écriture virtuose, narration ambitieuse, histoire dérangeante, comme d’habitude Cécile Roumiguière trousse un roman fort, exigeant, percutant. Tout simplement inoubliable.










Le roman de la maturité pour Bertrand Santini. Toujours une inventivité folle doublée d’un humour ravageur et une capacité à aborder des sujets profonds avec un sens de la formule assez unique. Ben oui, je suis fan, ça se voit tant que ça ?









Réécrire Eugène Onéguine de Pouchkine en vers libres en plaçant les personnages dans un contexte actuel, il fallait oser. J’adore l’idée, j’admire la prise de risque et le résultat est tout simplement bluffant.




Un roman engagé et enragé. L'écriture percutante de Marion Brunet sert à merveille les portraits réalistes et touchants de ses enfants de la révolte.















Et en cadeau bonus la liste complète de nos pépites de l'année :










dimanche 18 décembre 2016

Sombre aux abords - Julien D’Abrigeon

Des rapports difficiles au père, des jeunes couples en quête d’argent facile, la ville, la nuit, les voitures, la France des zones commerciales aux ronds points encerclés de McDo, la solitude, les petites gens et leurs petites vies, fatigués, usés avant l’heure, sans illusions. L’amour qui n’est plus, celui qui ne sera jamais, l’attente du crépuscule, l’aube brumeuse qui annonce un nouveau jour triste. Sombre aux abords, le passage vers l’âge adulte n’annonce rien de bon, il confirme surtout la perte définitive de l’innocence.

Un recueil de nouvelles bâti comme un hommage à l’album Darkness on The Edge of Town de Bruce Springsteen. Découpé en deux parties (Face A et beside), chaque texte est présenté à la manière d’une chanson. L’écriture se veut aussi très musicale. Tempo lent, rythmique traînante comme un vieux blues lancinant, rock puissant et énervé… Le résultat est surprenant, déstabilisant, assumé. Comme dans tout album, l’ensemble est inégal, les hits en puissance côtoient des morceaux moins réussis, proches de l’anecdotique. Après, chacun aura son titre préféré, le mien s’intitule « Cimenterie » et raconte une vie de prolo, d’ouvrier du petit jour qui enfile son bleu de travail et se met au turbin, vaincu par la machine, par l’usine et le grand capital, comme ses camarades d’agonie.

De la littérature française contemporaine qui sort des sentiers battus, un auteur de nouvelles construisant son recueil comme un « concept album », c’est original et ça fait du bien.


Sombre aux abords de Julien D’Abrigeon. Quidam éditeur, 2016. 140 pages. 15,00 euros.




vendredi 16 décembre 2016

La faim blanche - Aki Ollikainen

Elle a laissé son homme mourant dans leur lit et a quitté la ferme avec ses deux enfants. Poussée par la faim dans le froid et la neige, Marja veut rallier Saint-Pétersbourg à pied. Ce but ultime, bien qu’inatteignable, est la seule motivation qui la pousse à avancer. Rejoignant la cohorte de mendiants jetés sur les routes par la famine et la rudesse de l’hiver, la mère de famille ne peut compter que sur la bienveillance de bonnes âmes croisées en chemin qui lui offriront une nuit à l’abri et un bouillon clair. Un maigre répit dans un océan de souffrance dont il sera bien difficile de sortir indemne.

 Un premier roman qui rappelle de façon effroyable la terrible disette qui frappa la population rurale de Finlande en 1867. Chassés de chez eux par le manque de vivres, les paysans affluèrent vers les villes dans l’espoir d’y trouver refuge et nourriture pendant que les politiques, impuissants, assistaient au désastre en pensant, non sans cynisme, que « peut-être que le destin de ce peuple, c’est de se battre pour son existence et de s’endurcir. »

A travers le parcours de Marja et de ses enfants, Aki Ollikainen touche à l’universel. Son texte est une ode à la survie, à la détermination de l’être humain face à une situation désespérée. L’écriture possède une force d’évocation saisissante, elle dit avec puissance la neige, la glace, les ventres vides, les paysages silencieux baignés par le soleil hivernal. Elle dit la folie et la mort qui rôdent autour de chacun et elle montre les effets hallucinogènes de la faim, les rêves délirants et enfiévrés venant terrasser les corps et les esprits épuisés. Le tout avec une certaine poésie mais sans esthétisation excessive, sans se perdre dans des descriptions où le romantisme viendrait prendre le pas sur la réalité la plus insupportable.

Un roman qui dérange, fascine et interroge sur notre capacité à rester debout et à continuer notre route malgré les épreuves. Il subsiste au final une note d'espoir, un rayon de lumière au cœur de ce sombre tableau. Pour souligner que les sacrifices ne sont jamais tout à fait vains, que la vie se poursuit envers et contre tout.

La Faim blanche d'Aki Ollikainen. Editions Héloïse d'Ormesson, 2016. 152 pages. 16,00 euros.




mercredi 14 décembre 2016

Le crime qui est le tien - Philippe Berthet et Zidrou

« L’ignorance est un luxe. On ne le découvre – hélas ! – que quand la vie vous crache ses quatre vérités au visage. »

Accusé du meurtre de sa femme volage et recherché par toutes les polices du pays depuis près de trente ans, Greg vit reclus dans une ferme au fin fond du bush australien où il élève des moutons. Apprenant que son frère atteint d’un cancer a reconnu le crime sur son lit de mort, le berger quitte son troupeau et retourne dans sa ville natale. Accueilli par le shérif qui n’a eu de cesse de le traquer, il découvre des habitants s’excusant du bout des lèvres d’avoir fait de lui un paria. Depuis que le vrai coupable est connu, la belle-sœur et la nièce de Greg, considérées comme des proches du « monstre », vivent un véritable enfer. Il faut dire que la victime avait été retrouvée lardée de soixante-sept coups de ciseaux à bois, à tel point que son corps avait « plus de blessures que de chair intacte ». Au fil des jours, Greg trouve son statut d’innocent de plus en plus pesant. Hanté par la présence permanente de sa femme défunte, conscient qu’il lui sera impossible de retrouver sa place parmi les hommes après tant d’années de solitude et détenteur d’une vérité qu’il est le seul à connaître, il lui semble préférable de disparaître à nouveau…

Un album où l’on convoque les fantômes, les secrets de famille et la lâcheté ordinaire, où l’ambiance délétère d’une petite localité de Nouvelle-Galles du Sud devient davantage poisseuse à chaque page. Le bal des faux-culs et le poids de non-dits entraînent chacun vers sa perte. Avec une mécanique narrative sans faille, Zidrou amène ses personnages au bord du gouffre, aussi lentement que sûrement, tout en proposant une réflexion complexe et profonde sur la notion de culpabilité.

Graphiquement, dans cette Australie des années 60 aux faux airs de Texas, la brutalité affleure en permanence sous le calme apparent. Une atmosphère parfaitement retranscrite par le trait élégant et les couleurs lumineuses d’un Berthet en très grande forme. Un récit noir à l’esthétique Old School qui démontre s’il en était encore besoin que chacun de nous possède une face cachée, une part sombre qu’il serait préférable de ne jamais mettre en pleine lumière. « Les hommes, ils font ce qu’ils peuvent les hommes ! ». Pour le meilleur et pour le pire.

Le crime qui est le tien de Philippe Berthet et Zidrou. Dargaud, 2015. 64 pages. 15,00 euros.



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mardi 13 décembre 2016

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire - Gilles Abier

« Je n’ai pas la force de quitter mon lit. Aucune envie de me lever. J’aimerais dormir toute la journée, un mois entier, une année. Que tout s’arrête. Que ça revienne comme avant. Je suis prêt à me contenter de l’ordinaire. Être un gamin quelconque, un brin malingre, pas trop idiot, qui vise la périphérie. À quoi bon vouloir se tenir au centre, au-dessus de la mêlée ? C’est bien une vie rangée. On est moins déçu quand on rêve de ce qu’on peut atteindre. »

Elias est persuadé qu’il lui arrivera un jour un truc extraordinaire. En attendant il s’invente des histoires : dompteur de tigre du Bengale, chanteur de R&B, créateur de jeux vidéo à succès, champion de judo, pâtissier de génie ou illustrateur dont les galeries d’art s’arrachent les œuvres. En vrai il est maigrichon et pâlot, à 13 ans il en paraît 9. En vrai il habite avec sa mère et son beau-père et ce n’est pas la joie. En vrai, il va devoir arrêter de ne vivre que dans sa tête et regarder la réalité en face. Sauf que depuis peu, il rêve qu’il est un oiseau. Et il constate à chaque réveil que son corps se transforme en celui d’un corbeau. Pour de vrai…

Ah, Gilles Abier ! Plonger dans un de ses romans est décidément une expérience à part, une expérience dont il est difficile de se remettre. Depuis « La piscine était vide » j’admire sans réserve sa capacité à dire les maux de l’enfance avec une distance, une retenue et une finesse qui ne cesse de me surprendre. Il s’amuse à semer des petits cailloux comme autant d’indices sur le chemin du lecteur avant de brouiller les pistes, il se garde d’annoncer les choses « frontalement » pour mieux rester dans la suggestion, il sait merveilleusement ménager ses effets et cultive un art de la chute qui me laisse à chaque fois sans voix. Ici, il oscille entre rêve et réalité, joue sur le registre de la folie et de l’hallucination, flirte avec le fantastique pour revenir à un pragmatisme qui fait froid dans le dos et nous cloue sur place dans les dernières pages.

Je n’ai pas envie d’en dire plus, c’est un roman qui se vit plutôt qu’il se raconte, c’est une plongée aussi intime que touchante dans le quotidien d’un garçon perdant peu à peu pied, perdant peu à peu le contrôle de lui-même. Du grand art.

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire de Gilles Abier. La joie de lire, 2016. 156 pages. 14,00 euros. A partir de 11-12 ans.


Une pépite jeunesse que partage une fois encore avec Noukette.


samedi 10 décembre 2016

Les lectures de Charlotte (29) : Gloups ! J’ai avalé Cornebidouile ! - Pierre Bertrand et Magali Bonniol

J’espère que vous connaissez tous Cornebidouille. Si ce n’est pas le cas il faut réparer cette erreur au plus vite tant cette affreuse sorcière gagne à être connue.

Appelée par les parents de Pierre pour le forcer à manger sa soupe, elle ne parvient jamais à ses fins et subit systématiquement une déroute aussi pathétique qu’humiliante. Dans le premier volume, elle finissait emportée par la chasse d’eau des toilettes, dans le second elle était transformée en citrouille et dans le troisième, après s’être dédoublée, elle se voyait jetée à la poubelle. Au début de cette nouvelle histoire, Cornebidouille, devenue aussi petite qu’un grain de poussière, saute dans la bouche de Pierre qui l’avale d’une traite. Une fois dans son ventre, elle met à exécution un plan diabolique qui devrait enfin lui permettre de se venger. Sauf que le garçon a plus d’un tour dans son sac et qu’il va, comme d’habitude, retourner la situation à son avantage et punir chèrement sa « meilleure » ennemie.

Pierre et Cornebidouille, c’est le duo préféré de Charlotte. Elle adore leurs disputes, leurs joutes verbales piquantes, le bagout du garçon, jamais impressionné par son adversaire. Tout simplement, je crois qu’elle admire Pierre le malicieux et sa répartie cinglante bien cachée sous ses lunettes de premier de la classe. Il suffit de l’entendre éclater de rire lorsque l’insolence du garçon offusque la sorcière pour comprendre à quel point il lui fait de l’effet. Exemple :

- « Même pas peur, grosse momoche à vapeur ! Vous n’êtes qu’une margoulette en jupette. »
- « Comment ! »
- « Une triplette de vieille biquette à sonnette ! »
- « Comment ! »
- « Une mémé poulette qui pue et qui pète »
- « Comment ! »



Ce genre d’échange est la marque de fabrique de la série, ce sont des passages que Charlotte finit par connaître par cœur. Au-delà du texte, le dessin hyper expressif de Magali Bonniol participe grandement à l’atmosphère déjantée qui rythme l’histoire. Et puis chaque album s’ouvre sur la situation embarrassante  dans laquelle s’est empêtrée Cornebidouille à la fin du précédent, c’est une mécanique narrative qui fidélise le lecteur car elle lui permet de retrouver les personnages où il les a laissés.   

Bref, la recette fonctionne à merveille et le duo Pierre/Cornebidouille emporte une fois de plus tout sur son passage.  Vivement le prochain épisode !


Gloups ! J’ai avalé Cornebidouile ! de Pierre Bertrand et Magali Bonniol. L’école des loisirs, 2016. 32 pages. 12,20 euros. A partir de 4-5 ans.    





vendredi 9 décembre 2016

Felix Funicello et le miracle des nichons - Wally Lamb

New London, Connecticut, 1964. Kennedy a été assassiné, les Beatles sont à leur sommet et les Funicello vivent le rêve américain. Les parents tiennent le buffet de la gare routière, leurs deux grandes filles sont au lycée et Felix, le petit dernier, attaque son année de CM2 à l’école Saint-Louis de Gonzague. Catholiques pratiquants, bien installés dans leur communauté, ils ont tout pour être heureux. Mais Felix s’ennuie à mourir en classe où, cerise sur le gâteau, la redoutable sœur Dymphna fait régner la terreur. Une sombre histoire de chauve-souris va pousser cette dernière au repos forcé. Sa pétillante remplaçante Mlle Marguerite, québécoise, laïque et surtout bien plus sympa, va lui redonner le sourire. Un sourire renforcé par l’arrivée peu après d’une nouvelle élève venue de Russie qui va faire connaître au garçon ses premiers émois sexuels. Car derrière son accent chantant et sa répartie, Zhenya fait rapidement comprendre à chacun qu’elle n’a pas froid aux yeux.

Un roman frais, léger et sympathique proposant un récit d’enfance qui joue sur le registre de l’humour en appuyant sur quelques points douloureux de l’éducation catholique à l’américaine (bigoterie excessive et sans nuance, rigidité des apprentissages, passage obligatoire à confesse, spectacle de Noël mettant en scène des tableaux biblique, etc.). Felix porte un regard naïf sur les événements tandis que les situations cocasses et pour le moins embarrassantes s’enchaînent, provoquant le sourire.

Après, tout dépend de ce que l’on cherche mais la légèreté possède son revers. La veine enfantine présentée ici manque singulièrement de profondeur. Impossible de ne pas penser au Petit Nicolas en découvrant Felix et ses camarades. Loin de moi l’idée de considérer cette référence comme négative mais en ce qui me concerne, une jeunesse italo-américaine dans l’Amérique de l’après-guerre me ramène davantage au Bandini de John Fante. Et pour le coup le personnage de Wally Lamb ne tient pas la comparaison une seconde. Bien trop mièvre, bien trop gentillet, bien trop lisse. Comble du comble, les nichons annoncés dans le titre ne pointent pas le bout de leurs tétons et laissent au final en bouche un arrière-goût de tromperie sur la marchandise.

Sympa sans plus, donc. Il me semble que Wally Lamb a écrit des romans bien meilleurs, je vais donc me pencher de près sur sa bibliographie, je penser y trouver des choses plus à même de me convenir.

Felix Funicello et le miracle des nichons de Wally Lamb. Belfond, 2016. 245 pages. 18,00 euros.









mercredi 7 décembre 2016

Kodhja - Thomas Scotto et Régis Lejonc

Le garçon arrive devant les remparts de Kodhja. Il franchit la lourde porte et s’avance. Un enfant à la voix grinçante l’accueille. Le garçon lui explique qu’il est là pour voir le roi, seule personne à même de répondre à ses questions. L’enfant lui répond qu’il veut bien l’accompagner mais que le chemin sera long car « Kodhja est un vrai casse-tête ». Ensemble, ils commencent alors un voyage étrange au cœur d’un improbable labyrinthe.

Étrange, c’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on tourne les pages de cet album aussi impressionnant par sa taille que par son contenu. Un album que m’a offert Moka samedi dernier à Montreuil, parce qu’elle l’a adoré et qu’elle tenait absolument à me le faire découvrir. Tout en me précisant d’emblée que, connaissant mes goûts, ce serait du quitte ou double. Tout en sachant aussi que j’ai une tendresse particulière pour le travail de Régis Lejonc et que je ne suis pas insensible à la poésie des textes de Thomas Scotto. Bref, elle me connait bien, très bien même, et les risques étaient calculés malgré ses précautions d’usage.

J’ai donc suivi les pas du garçon et de l’enfant. Avec eux j’ai monté d’immenses escaliers, découvert trois curieuses personnes assises dans un renfoncement, longé des rues étroites, admiré une majestueuse fontaine et « la façade de granit d’une maison immense et sans porte ». Je suis tombé dans un trou, j’ai mis fin à une dispute, j’ai vu des créatures hideuses et traversé un champ de cailloux avant d’arriver enfin face à la tour du roi.

J’ai retrouvé dans cet album l’esprit des ouvrages de Mélanie Rutten. Un propos qui peut apparaître au premier abord obscur mais qui se révèle au final d’une totale limpidité. Un livre qui se mérite, où le lecteur est acteur, où il doit en permanence être actif, donner du sens. Un récit initiatique bourré d’implicite et ouvert aux multiples interprétations pour les jeunes lecteurs, c’est rare et précieux. Kodhja, c’est un condensé d’enfance où règnent l’imagination, les hésitations, la colère, les chagrins, les souvenirs, la mémoire. Kodhja, c’est autant d’épreuves à franchir pour continuer sereinement sa route, pour ajouter une nouvelle pierre à notre édifice et « apprendre le reste de la vie ».

Rarement texte et dessins auront dégagé une telle osmose, ne cessant de se répondre, de se compléter, de se sublimer. Le trait de Régis Lejonc me fascine depuis ma découverte du Phare des sirènes. Une impression confirmée avec La promesse de l’ogre et renforcée ici, où le format XXL magnifie chaque illustration. Entre ombre et lumière, couleurs chaudes et douces, illustrations pleine page et gaufrier de petites cases, le voyage graphique se révèle d’une infinie richesse.

Exigeant, poétique et profond. Sublime, quoi. Et un album forcément spécial pour moi puisqu’il m’a été offert au cours d’une bien belle journée, par une bien belle personne ❤


Kodhja de Thomas Scotto et Régis Lejonc. Thierry Magnier, 2015. 44 pages. 20,50 euros.



Les avis de Bouma, Moka et Noukette



mardi 6 décembre 2016

Le vrai sexe de la vraie vie - Cy

Ce mois-ci, j’étais parti pour lire ça. Une femme, prix Goncourt, qui annonce « Un petit traité d’éducation lubrique », je m’en régalais à l’avance. Sauf que j’ai vite déchanté. En fait j’ai pas compris le but recherché. C’est bien écrit, il y a un vrai sens de la formule et des tas de citations littéraires mais au final le plat servi est bien fade. Quand je me lance dans une telle lecture et que je passe mon temps à piquer du nez plutôt que de me redresser du gland, il y a un vrai problème. Du coup, ni une ni deux, j’ai abandonné à la moitié. Pas pour moi, tout simplement. Et pas la peine d’insister.

Petit traité d'éducation lubrique de Lydie Salvaire. Points, 2016. 120 pages. 10,00 euros.



J’ai donc changé mon fusil d’épaule pour plonger dans cette BD qui m’a bien plus intéressé et accessoirement fait bien plus d’effet, ce qui n’était pas très difficile cela dit. Au moins ici le titre n’est pas trompeur. Le vrai sexe de la vraie vie, c’est un plan à trois pas folichon, c’est ta femme qui te surprend en train de t’astiquer le manche, c’est l’échangisme, c’est le sexe pendant la grossesse, c’est l’amour en mer, pas aussi glamour et excitant qu’on l’avait imaginé, c’est les anecdotes les plus embarrassantes partagées entre amis, c’est l’achat du premier sextoy en boutique. C’est du vrai plaisir et des expériences moins réussies. Protection, complicité, connivence, consentement, désir et amour restent les maîtres mots d’une sexualité qui, même si elle n’est pas forcément épanouie, se vit sans stress et avec simplicité.

Les situations présentées ne sont que des exemples parmi tant d’autres. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la démarche de Cy par rapport à la question. Elle est consciente de ne montrer qu’une infime partie des variations possibles autour du sexe, des « échantillons » comme elle dit. Pas question de rechercher une quelconque universalité, « parlons de sexe, montrons le sexe, et surtout découvrons des sexualités au pluriel, accordées à tous les genres ou à aucun, selon une palette infinie et sans se limiter à seulement cinquante nuances ».  Voila un beau programme auquel j’adhère à 100% !




Du sexe sans complexe et sans contraintes, loin des conventions sociales et des tabous que l’on voudrait nous imposer. Une excellente BD, entre pédagogie et coquineries. Comme quoi, l’alliance des deux est possible.

Le vrai sexe de la vraie vie de Cy. Editions Lapin, 2016. 224 pages. 18,00 euros

Et puisqu'aujourd'hui chez Stephie c'est permis, je partage cette lecture commune avec Noukette (comme chaque mardi ou presque^^).