Des rapports difficiles au père, des jeunes couples en quête
d’argent facile, la ville, la nuit, les voitures, la France des zones
commerciales aux ronds points encerclés de McDo, la solitude, les petites gens
et leurs petites vies, fatigués, usés avant l’heure, sans illusions. L’amour
qui n’est plus, celui qui ne sera jamais, l’attente du crépuscule, l’aube
brumeuse qui annonce un nouveau jour triste. Sombre aux abords, le passage vers
l’âge adulte n’annonce rien de bon, il confirme surtout la perte définitive de
l’innocence.
Un recueil de nouvelles bâti comme un hommage à l’album
Darkness on The Edge of Town de Bruce Springsteen. Découpé en deux parties (Face
A et beside), chaque texte est présenté à la manière d’une chanson. L’écriture
se veut aussi très musicale. Tempo lent, rythmique traînante comme un vieux
blues lancinant, rock puissant et énervé… Le résultat est surprenant,
déstabilisant, assumé. Comme dans tout album, l’ensemble est inégal, les hits
en puissance côtoient des morceaux moins réussis, proches de l’anecdotique.
Après, chacun aura son titre préféré, le mien s’intitule « Cimenterie »
et raconte une vie de prolo, d’ouvrier du petit jour qui enfile son bleu de
travail et se met au turbin, vaincu par la machine, par l’usine et le grand capital,
comme ses camarades d’agonie.
De la littérature française contemporaine qui sort des
sentiers battus, un auteur de nouvelles construisant son recueil comme un « concept
album », c’est original et ça fait du bien.
Sombre aux abords de Julien D’Abrigeon. Quidam éditeur,
2016. 140 pages. 15,00 euros.