Un recueil composé de deux textes. Dans le premier, Bastien vient chaque jour visiter Esra, dans cette clinique où elle tente de se reconstruire après s’être enfin éloignée d’Antoine. Antoine, artiste torturé qui aurait pu être son père et dont l’ado est tombée éperdument amoureuse. Antoine et ses colères, sa folie, sa possessivité. Antoine qui l’a séduite, fascinée et entraînée dans une relation destructrice dont elle peine à se relever. Dans le second, Cyril apprend le suicide de Laura. Il repense à leurs rapports, purement sexuels, sans le moindre affect. Du moins pour lui. Laura et son mutisme, ses secrets bien enfouis. Laura dont il ne s’est jamais préoccupé à vrai dire. Pas question pour autant de culpabiliser, il lui importe plutôt de se dédouaner.
Madeline Roth m’avait ébloui avec son roman précédent, elle confirme ici l’étendue de son talent et la noirceur de son propos. Pour moi, c’est un peu une Antoine Dole au féminin (et croyez-moi, c’est un compliment !). Elle possède la même capacité que l’auteur du terrible « Je reviens de mourir » pour dire le mal être adolescent dans ce qu’il a de plus extrême et dérangeant. Il est question de liaisons toxiques, de passions ravageuses, d’une fragilité que l’homme prédateur entretient et utilise à son profit. C’est tendu et irrespirable, la souffrance suinte de chaque phrase, de chaque page. Ça pourrait être gratuitement morbide mais le désespoir n’a ici rien de sensationnaliste, il traduit une réalité difficilement supportable sans la moindre surenchère.
Et puis j’aime cette écriture simple et directe, ces paragraphes courts et percutants que l’on parcourt en apnée et dont on ressort groggy. Comment survivre quand on aime à la folie sans être aimée en retour ? Peut-on le supporter ? Peut-on s’en remettre ? Autant de questions posées en filigrane, de réponses pour le moins pessimistes. Un recueil qui ébranle, qui bouscule et ne peux pas laisser indifférent. Beaucoup d’audace dans ces deux textes sans concession. J’en suis personnellement ressorti aussi sonné qu’admiratif.
Tant que mon cœur bat de Madeline Roth. Éditions Thierry Magnier, 2016. 96 pages. 9,50 euros.
Une pépite jeunesse que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.