Il a quitté le centre pour mineurs où on l’avait placé après une succession d’échecs dans des familles d’accueil. Ce centre, dernière case avant celle de la prison, il l’a fui parce qu’il n’en supportait plus les règles et l’encadrement. Sa colère en bandoulière, Kader se retrouve sur une aire d’autoroute. Il monte dans un énorme camion rouge laissé ouvert par sa propriétaire, s’installe sur la couchette et s’endort. Quand Marje la routière le découvre dans son habitacle, elle le fiche dehors sans ménagement, et sans se douter que l’adolescent va bientôt bouleverser son quotidien et ses petites habitudes...
Comme beaucoup d’auteurs jeunesse l’ont fait avant elle (cf. notre pépite de la semaine dernière par exemple), Anne Loyer relate l’histoire d’une rencontre. Une rencontre improbable et une relation qu’aucun des protagonistes ne semble avoir envie de nouer. Sauf que. Un concours de circonstances et un brin de curiosité mal placée suffisent pour entamer le voyage. La promiscuité, la monotonie de la route, les bribes de phrases lâchées par l’un et l’autre entraînent un début d’échange. Même si personne ne se livre vraiment, recroquevillé derrière une carapace dont rien ne filtre. Mais avec le temps, la confiance naissante, la découverte de l’autre, le respect de ses silences et de ses secrets, la carapace se fendille, les confidences affleurent, les liens se tissent.
J’ai aimé la façon dont les rapports entre Marje et Kader évoluent. Une communication compliquée, un parcours sinueux, qui n'a rien d'un long fleuve tranquille. Deux animaux solitaires qui s’apprivoisent mutuellement, sans aucune facilité. Deux grandes gueules seules contre tous, se frayant un chemin malgré les embûches et un passé douloureux. Ils sont touchants l’un comme l’autre, à leur façon. La rage d’un Kader remonté contre la terre entière, la mélancolie et la bienveillance d’une Marje profondément enfouies sous ses faux airs d’ours mal léchée. Des personnages incarnés, une écriture efficace aux dialogues réalistes, une tendresse sans mièvrerie et une fin ouverte vers un avenir incertain mais porteur d’espoir, il n’en fallait pas plus pour que je tombe sous le charme de ce très joli roman maîtrisé de bout en bout.
La Belle rouge d’Anne Loyer. Alice, 2015. 134 pages. 12,00 euros. A partir de 13 ans.
Une nouvelle pépite jeune que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.