Octobre 2013. La narratrice entend le mot « Lampedusa » au moment où on annonce à la radio le naufrage d'un navire venu de Libye et la mort de plus de 300 migrants. Commence alors une nuit de divagation où ce mot va raviver en elle des évocations de voyages, d’îles, de films, de livres. A chaque stade de la nuit un souvenir remonte, et au fil des heures, au fil des pages, se décline une méditation très personnelle, intime, touchant parfois (et paradoxalement) à l’universel.
A ce stade de mon billet, je me demande pourquoi je vous parle de ce livre. J’ai voulu redonner une chance à Maylis de Kerangal, dont le fameux « Réparer les vivants » ne m’avait pas convaincu, c’est rien de le dire. Je l’avais par la suite découverte dans un registre différent avec l’album « Hors Piste » (sympa sans plus). Jamais deux sans trois…
Ce petit recueil tient pour moi du journal intime qui, par définition, ne regarde que soi. Forcément, du coup, ce partage m’interpelle. Quel est l’intérêt de cet exercice très autocentré ? Je n’arrive pas à répondre à cette question, ce qui est quand même particulièrement embêtant. A part ça l’écriture est belle, le lexique d’une grande richesse, le rythme des phrases parfaitement tenu. Sans compter que l’avant dernier chapitre est splendide, enfin au cœur du sujet si je puis dire. Mais c’est bien le seul dont la divagation m’a touché au cœur et aux tripes. Trop peu trop tard.
A la base, ce texte est le fruit d’une commande passée à l’occasion des 14èmes Rencontres littéraires des pays de Savoie l’an dernier. Le ressortir des tiroirs au moment où la question des réfugiés est d’une brûlante actualité, pourquoi pas, mais personnellement j’y vois une certaine forme d’opportunisme. J’ai peut-être l’esprit mal placé (sans doute même, on n’arrête pas de me le dire), n’empêche…
A ce stade de la nuit de Maylis de Kerangal. Verticales, 2015. 74 pages. 7,50 euros.
jeudi 10 décembre 2015
mercredi 9 décembre 2015
Le grand méchant Renard : édition limitée spéciale Noël - Benjamin Renner
Il suffit de pas grand-chose finalement. Déambuler dans les allées du salon de Montreuil un samedi matin avec Stephie et Noukette par exemple. Tomber sur cette édition limitée du grand méchant Renard. Rester en arrêt devant l’exemplaire, le feuilleter. Se dire que le récit inédit de 60 pages ajouté à ce tirage spécial a l’air drôlement chouette. Se dire aussi qu’il ne serait pas raisonnable de craquer vu que j’ai déjà l’édition « normale » à la maison. Des questions existentielles fondamentales, quoi.
Et puis Noukette prend les choses en main et décide à ma place. Cet album, elle va me l’offrir, comme ça je n’aurais plus de questions à me poser. Noël avant l’heure ! L’histoire aurait pu s’arrêter là mais quelques minutes plus tard on tombe sur Benjamin Renner en pleine séance de dédicace avec une seule et unique personne dans la file d’attente. Autant vous dire que j’ai sauté sur l’occasion ! Bref, il a suffi de pas grand-chose pour que je me retrouve avec une superbe édition limitée ET dédicacée : l’adorable attention d’une très chère amie et un brin de hasard.
Bon, je ne vais pas vous reparler des mésaventures du grand méchant Renard, je vous ai déjà dit tout le bien que j’en pensais il y a près d’un an. La question avec cette édition « augmentée » est de savoir si le récit inédit justifie à lui seul un nouvel investissement pour ceux qui possèdent déjà l’ancienne. Ma réponse sera oui, trois fois oui ! Parce qu’il serait dommage de passer à coté de l’assassinat sanglant du Père Noël par un duo Lapin/Canard totalement crétin. Le Père Noël est en plastique, je vous rassure, mais les deux zigottos sont persuadés d’avoir « accidentellement » tué le vrai. Ils décident donc de le remplacer au pied levé. Évidemment, ça va tourner à la catastrophe, surtout pour le pauvre cochon qui va sans cesse tenter de les ramener à la raison…
Point de Renard dans cette histoire mais c’est toujours aussi drôle et déjanté. Le découpage est toujours aussi dynamique, l’influence du travail dans l’animation de Benjamin Renner (co-réalisateur d’Ernest et Célestine) ressort au cours de chaque scène menée tambour battant. Pour faire court et simple, j’ai kiffé grave !
S’il vous reste un petit cadeau de Noël à offrir, que ce soit pour un enfant ou un adulte, ne cherchez pas plus loin. L‘histoire du grand méchant Renard + un inédit de 60 pages dans une édition cartonnée classieuse avec papier épais, tranchefile et signet, c’est la certitude de faire des heureux. La preuve, Noukette a fait de moi un homme heureux samedi matin.
Le grand méchant Renard : édition limitée spéciale Noël de Benjamin Renner. Delcourt, 2015. 252 pages. 22,95 euros.
Et puis Noukette prend les choses en main et décide à ma place. Cet album, elle va me l’offrir, comme ça je n’aurais plus de questions à me poser. Noël avant l’heure ! L’histoire aurait pu s’arrêter là mais quelques minutes plus tard on tombe sur Benjamin Renner en pleine séance de dédicace avec une seule et unique personne dans la file d’attente. Autant vous dire que j’ai sauté sur l’occasion ! Bref, il a suffi de pas grand-chose pour que je me retrouve avec une superbe édition limitée ET dédicacée : l’adorable attention d’une très chère amie et un brin de hasard.
Bon, je ne vais pas vous reparler des mésaventures du grand méchant Renard, je vous ai déjà dit tout le bien que j’en pensais il y a près d’un an. La question avec cette édition « augmentée » est de savoir si le récit inédit justifie à lui seul un nouvel investissement pour ceux qui possèdent déjà l’ancienne. Ma réponse sera oui, trois fois oui ! Parce qu’il serait dommage de passer à coté de l’assassinat sanglant du Père Noël par un duo Lapin/Canard totalement crétin. Le Père Noël est en plastique, je vous rassure, mais les deux zigottos sont persuadés d’avoir « accidentellement » tué le vrai. Ils décident donc de le remplacer au pied levé. Évidemment, ça va tourner à la catastrophe, surtout pour le pauvre cochon qui va sans cesse tenter de les ramener à la raison…
Point de Renard dans cette histoire mais c’est toujours aussi drôle et déjanté. Le découpage est toujours aussi dynamique, l’influence du travail dans l’animation de Benjamin Renner (co-réalisateur d’Ernest et Célestine) ressort au cours de chaque scène menée tambour battant. Pour faire court et simple, j’ai kiffé grave !
S’il vous reste un petit cadeau de Noël à offrir, que ce soit pour un enfant ou un adulte, ne cherchez pas plus loin. L‘histoire du grand méchant Renard + un inédit de 60 pages dans une édition cartonnée classieuse avec papier épais, tranchefile et signet, c’est la certitude de faire des heureux. La preuve, Noukette a fait de moi un homme heureux samedi matin.
Le grand méchant Renard : édition limitée spéciale Noël de Benjamin Renner. Delcourt, 2015. 252 pages. 22,95 euros.
Les participants à la BD de la semaine sont aujourd'hui chez Stephie |
mardi 8 décembre 2015
La peur au placard - Perrine Leblan
Sur sa fiche de rentrée, à la ligne « objectifs de cette année », Elsa à écrit « comprendre pourquoi ». Bien sûr la prof a tiqué et lui a demandé des éclaircissements. Des éclaircissements qu’elle n’a évidemment pas pu fournir. Comment expliquer en effet que son activité préférée en classe est d’observer en cachette la fille du premier rang. Pourquoi cette attirance, ce besoin irrépressible de tourner son regard vers elle ? Elsa est incapable de le dire de « mettre des mots sur cette chose. Lui donner, du même coup, une réalité ». Et quand les gros lourdauds du collège embêtent Chloé, une nouvelle élève dont le look et l’attitude lui valent d’être étiquetée comme lesbienne, Elsa est mal à l’aise, très mal à l’aise même...
Un joli portrait d’ado qui se cherche. Elsa ne se sent à sa place nulle part. Elle est perdue, elle souffre et ne peut se confier à personne. Face à la bêtise, à la violence, au harcèlement dont ses camarades vont faire preuve envers Chloé, elle n’ose s’interposer. Entre peur, honte et mensonge à soi-même, Elsa s’enfonce peu à peu dans l’obscurité. Heureusement Phil, l’ami homo de sa mère, est là pour l’écouter et lui faire partager se propre expérience. Heureusement Chloé est une fille forte qui deviendra un exemple à suivre. Heureusement, il est des épreuves que l’on parvient à surmonter lorsque l’on se décide à y faire face.
J’ai beaucoup aimé ce court roman qui ne met le couvercle sur aucun des problèmes auxquels sont souvent confrontés les jeunes en plein questionnement face à leur identité sexuelle. C’est peut-être parfois un peu pédagogique et un poil caricatural mais le message de tolérance passe sans trop enfoncer des portes déjà grandes ouvertes, c'est l'essentiel. Beaucoup d’empathie et beaucoup d’espoir au final (« j’ai eu la surprise de trouver, tapie dans un recoin de mon ventre, la certitude que tout irait bien – en dépit de tout ce qui irait de travers ») c'est ce que je retiendrais en priorité de ce texte.
La peur au placard de Perrine Leblan. Oskar, 2015. 78 pages. 7,00 euros. A partir de 12 ans.
Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette.
Un joli portrait d’ado qui se cherche. Elsa ne se sent à sa place nulle part. Elle est perdue, elle souffre et ne peut se confier à personne. Face à la bêtise, à la violence, au harcèlement dont ses camarades vont faire preuve envers Chloé, elle n’ose s’interposer. Entre peur, honte et mensonge à soi-même, Elsa s’enfonce peu à peu dans l’obscurité. Heureusement Phil, l’ami homo de sa mère, est là pour l’écouter et lui faire partager se propre expérience. Heureusement Chloé est une fille forte qui deviendra un exemple à suivre. Heureusement, il est des épreuves que l’on parvient à surmonter lorsque l’on se décide à y faire face.
J’ai beaucoup aimé ce court roman qui ne met le couvercle sur aucun des problèmes auxquels sont souvent confrontés les jeunes en plein questionnement face à leur identité sexuelle. C’est peut-être parfois un peu pédagogique et un poil caricatural mais le message de tolérance passe sans trop enfoncer des portes déjà grandes ouvertes, c'est l'essentiel. Beaucoup d’empathie et beaucoup d’espoir au final (« j’ai eu la surprise de trouver, tapie dans un recoin de mon ventre, la certitude que tout irait bien – en dépit de tout ce qui irait de travers ») c'est ce que je retiendrais en priorité de ce texte.
La peur au placard de Perrine Leblan. Oskar, 2015. 78 pages. 7,00 euros. A partir de 12 ans.
Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette.
dimanche 6 décembre 2015
Invisible - Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini
Marie, c’est l’ado invisible. Gentille, serviable, mais
hyper timide et renfermée. A la maison, ils sont trois et ses parents n’en ont
que pour le petit dernier. Au collège, elle rase les murs et n’a pas d’amis
proches, même si son cœur bât la chamade pour Soan. Un mal être qui se traduit
par un besoin permanent de nourriture et une silhouette qui ne cesse d’épaissir.
Quand la prof de théâtre lui propose de créer les costumes de la pièce qui sera jouée en fin d'année, elle accepte, surtout
parce que Saon fait partie du casting. Le garçon semble d’ailleurs s’intéresser
à elle. Le miracle semble en marche. Sauf que. Plus dure sera la chute…
Après Alex, Léa et Chloé, Charlotte Bousquet et Stéphanie
Rubini mettent en scène un nouveau personnage d’ado en plein tourment. Toujours
dans le même établissement, toujours autour de thématiques sensibles et propre
à cet âge si compliqué où des enfants qui ne le sont plus vraiment sont
confrontés pour la première fois à la dureté du monde et de ses jugements. Marie souffre. Elle ne parvient pas à s’intégrer, se sent rejetée, n’a personne à qui
se confier. Il suffit pourtant d’une petite lumière dans sa grisaille pour que
l’espoir naisse et gonfle, pour qu’elle décide de se prendre en main et gagne
un peu de confiance en elle. Mais le soufflé va vite retomber et Marie va
plonger…
J’ai trouvé la fin terrible, extrêmement sombre mais en même
temps tellement plausible. Parce que chez les plus fragiles, les petits riens
peuvent prendre des proportions inimaginables, cet album tout en délicatesse nous
rappelle à quel point il importe d’être attentif et à l’écoute de nos ados. Une
sorte d’appel à la vigilance, salutaire sans jamais être donneur de leçon.
Invisible de Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini. Gulf
Stream, 2015. 72 pages. 15,00 euros.
vendredi 4 décembre 2015
Fable d’amour - Antonio Moresco
« Par une fin d’après-midi pluvieuse, assise sur une chaise à regarder la pluie couler sur la vitre de sa fenêtre, se sentant loin de tout et de tous et complètement seule et vide, elle se souvint tout à coup de ce vieux fou et de leur amour impossible. Elle se souvint que, dans sa vie, un temps, il y avait eu cette inconcevable rencontre et qu’elle avait cru, elle aussi, que l’impossible était possible, que c’était là la seule chose possible pour pouvoir vivre dans un monde pareil. »
Antonio et Rosa. Le vieux fou et la fille merveilleuse. La belle et le clochard. Elle le ramasse dans la rue, crasseux, infesté de parasites, dormant sur des cartons, se nourrissant dans les poubelles, avec sur le dos des vêtements récupérés dans des conteneurs. Elle le ramène chez elle après avoir prononcé un seul mot : « viens ». Elle le lave, l’épouille, l’habille. Elle lui accorde une place dans son lit. Ils s’aiment. Puis elle le rejette avec une infinie violence. De retour dans la rue, le vieux fou se laisse mourir. Et pourtant, leur histoire ne fait que commencer…
A lire mon résumé comme ça, on dirait du Musso ! Sauf que non. Du tout (et encore heureux). En fait à première vue ce texte, c’est à n’y rien comprendre. Du moins si on reste les pieds sur terre, engoncé dans une vision prosaïque des choses. Mais si on se laisse prendre par la main, emmené dans cet univers hors du temps et de la réalité la plus concrète, si l’on accepte l’aspect invraisemblable de la situation et de ses rebondissements, l’enchantement nous guette.
Moresco est un conteur qui s’autorise toutes les libertés sans perdre de vue le sens de son propos. Sa fable d’amour possède des accents métaphysiques et une construction créative où, comme il le dit lui-même dans la postface, « la cruauté et la douceur, la désolation et l'enchantement, la réalité et le rêve, la vie et la mort », finissent par se confondre. J’ai adoré la clarté, la limpidité de son écriture. Interrogé par « Le matricule des anges » en septembre dernier, son traducteur Laurent Lombard parle d’une voix « pas complètement enfantine ni adulte », et je crois que c’est exactement ça.
Qu’il fait du bien ce conte de fées moderne avec un happy end aussi improbable que revigorant ! Allez, je laisse le dernier mot au traducteur : « Dans ce roman […] s’estompent la réalité et le réalisme, jaillit l’énergie de la fable et de l’impossible, bouillonne le désordre que nous portons en nous. » Pas mieux !
Fable d’amour d’Antonio Moresco. Verdier, 2015. 125 pages. 14,00 euros.
Les avis d’Aifelle, Alex, Mirontaine et Pativore.
Antonio et Rosa. Le vieux fou et la fille merveilleuse. La belle et le clochard. Elle le ramasse dans la rue, crasseux, infesté de parasites, dormant sur des cartons, se nourrissant dans les poubelles, avec sur le dos des vêtements récupérés dans des conteneurs. Elle le ramène chez elle après avoir prononcé un seul mot : « viens ». Elle le lave, l’épouille, l’habille. Elle lui accorde une place dans son lit. Ils s’aiment. Puis elle le rejette avec une infinie violence. De retour dans la rue, le vieux fou se laisse mourir. Et pourtant, leur histoire ne fait que commencer…
A lire mon résumé comme ça, on dirait du Musso ! Sauf que non. Du tout (et encore heureux). En fait à première vue ce texte, c’est à n’y rien comprendre. Du moins si on reste les pieds sur terre, engoncé dans une vision prosaïque des choses. Mais si on se laisse prendre par la main, emmené dans cet univers hors du temps et de la réalité la plus concrète, si l’on accepte l’aspect invraisemblable de la situation et de ses rebondissements, l’enchantement nous guette.
Moresco est un conteur qui s’autorise toutes les libertés sans perdre de vue le sens de son propos. Sa fable d’amour possède des accents métaphysiques et une construction créative où, comme il le dit lui-même dans la postface, « la cruauté et la douceur, la désolation et l'enchantement, la réalité et le rêve, la vie et la mort », finissent par se confondre. J’ai adoré la clarté, la limpidité de son écriture. Interrogé par « Le matricule des anges » en septembre dernier, son traducteur Laurent Lombard parle d’une voix « pas complètement enfantine ni adulte », et je crois que c’est exactement ça.
Qu’il fait du bien ce conte de fées moderne avec un happy end aussi improbable que revigorant ! Allez, je laisse le dernier mot au traducteur : « Dans ce roman […] s’estompent la réalité et le réalisme, jaillit l’énergie de la fable et de l’impossible, bouillonne le désordre que nous portons en nous. » Pas mieux !
Fable d’amour d’Antonio Moresco. Verdier, 2015. 125 pages. 14,00 euros.
Les avis d’Aifelle, Alex, Mirontaine et Pativore.
mercredi 2 décembre 2015
Desseins - Olivier Pont
Pas facile, la nouvelle en bande dessinée. Chabouté s’y est frotté avec brio dans « Fables amères ». Ma dernière bonne surprise dans le domaine remonte à cet été avec le suédois Pelle Forshed et ses « Histoires de famille ». En fait, pour que cela fonctionne, il faut un fil conducteur, une thématique récurrente qui donne de la profondeur à l’ensemble. Olivier Pont l’a bien compris et il signe ici un superbe recueil consacré aux femmes dans toute leur diversité.
Elles s’appellent Chloé, Mathilde, Alison, Sylvia, Fanny, Elikya, Fleur. Elles souffrent d’un complexe ou d’un cancer, se libèrent d’un mari triste ou se vengent d’un mari volage, luttent pour garder une boutique de lingerie face à des promoteurs sans scrupules, refusent de continuer à montrer leurs corps dans des films X, deviennent les muses d’un sculpteur et sauvent un village africain de la sécheresse. Sept parcours, sept tranches de vie formant à leur manière le panorama d'une condition féminine qui dit non, qui résiste, s’émancipe et œuvre à la démolition de préjugés sexistes d’un autre âge.
Des histoires simples, pudiques, jamais graveleuses. Les femmes ne sont pas ici des pin-up ou des gravures de modes. Vieilles ou jeunes, grosses ou maigres, elles ne ressemblent en rien à de viles manipulatrices ou à des veuves noires calculatrices. Toutes sont belles à leur manière, touchantes, pleines de vie. Elles rejettent les contraintes, sont en quêtes d’autonomie, de liberté. Elles assument et s’assument sans en rajouter, fières et indépendantes.
Graphiquement c’est un vrai bonheur de retrouver le trait souple, sensuel et si caractéristique d’Olivier Pont dix ans après le fabuleux « Où le regard ne porte pas ». Un trait parfaitement mis en valeur par les couleurs à la fois chaudes et tendres de Laurence Croix.
Une déclaration d’amour au sexe dit faible d’une rare subtilité, et qui fait le plus grand bien. D’ailleurs, ce n’est pas Noukette, avec qui j’ai le plaisir de partager cette lecture commune, qui me contredira.
Desseins d’Olivier Pont. Dargaud, 2015. 96 pages. 17,95 euros.
Elles s’appellent Chloé, Mathilde, Alison, Sylvia, Fanny, Elikya, Fleur. Elles souffrent d’un complexe ou d’un cancer, se libèrent d’un mari triste ou se vengent d’un mari volage, luttent pour garder une boutique de lingerie face à des promoteurs sans scrupules, refusent de continuer à montrer leurs corps dans des films X, deviennent les muses d’un sculpteur et sauvent un village africain de la sécheresse. Sept parcours, sept tranches de vie formant à leur manière le panorama d'une condition féminine qui dit non, qui résiste, s’émancipe et œuvre à la démolition de préjugés sexistes d’un autre âge.
Des histoires simples, pudiques, jamais graveleuses. Les femmes ne sont pas ici des pin-up ou des gravures de modes. Vieilles ou jeunes, grosses ou maigres, elles ne ressemblent en rien à de viles manipulatrices ou à des veuves noires calculatrices. Toutes sont belles à leur manière, touchantes, pleines de vie. Elles rejettent les contraintes, sont en quêtes d’autonomie, de liberté. Elles assument et s’assument sans en rajouter, fières et indépendantes.
Graphiquement c’est un vrai bonheur de retrouver le trait souple, sensuel et si caractéristique d’Olivier Pont dix ans après le fabuleux « Où le regard ne porte pas ». Un trait parfaitement mis en valeur par les couleurs à la fois chaudes et tendres de Laurence Croix.
Une déclaration d’amour au sexe dit faible d’une rare subtilité, et qui fait le plus grand bien. D’ailleurs, ce n’est pas Noukette, avec qui j’ai le plaisir de partager cette lecture commune, qui me contredira.
Desseins d’Olivier Pont. Dargaud, 2015. 96 pages. 17,95 euros.
mardi 1 décembre 2015
Le premier mardi c'est permis (43) : Esmera - Vince et Zep
Zep qui s’encanaille, j’avoue, ça m’intriguait. Il l’avait déjà plus ou moins fait dans « Happy sex » mais le registre restait humoristique (et le résultat était assez moyen je dois dire). Alors que là, avec Esmera, il donne dans le « porno chic », et même s’il ne signe que le scénario, j’avais hâte de savoir si le papa Titeuf allait lâcher les chevaux.
Verdict ? Du classique, pas transcendant mais plaisant, sans plus. L’histoire lorgne du coté du fantastique à la Manara. Esmera suit sa scolarité dans une école catholique italienne, à Gênes. Nous sommes en 1965 et la jeune fille, après avoir perdu sa virginité à la va vite dans un bal de village, découvre le plaisir avec sa compagne de chambre. Une révélation qui tourne à la stupéfaction lorsqu’elle se rend compte que chaque orgasme la fait changer de sexe ! Une situation difficile à vivre dont elle tirera partie avec plus ou moins de bonheur au fil du temps, de ses études à la Sorbonne à un passage éclair dans une communauté hippie d’Ibiza, des années sida à 2015, le tout sans prendre une ride puisque son étrange pouvoir l’empêche de vieillir. Des décennies jalonnées d’étreintes plus torrides les unes que les autres où Esmera, tantôt homme, tantôt femme, prendra le plaisir comme il vient sans trop se poser de questions…
Un album « pour public averti » enchaînant des cabrioles plus explicites les unes que les autres. Alors oui, Zep lâche les chevaux sans tricher. Aux crayons, Vince s’en sort avec les honneurs. Son trait réaliste en noir et blanc teinté de sépia rend un bel hommage aux courbes féminines et ses scènes de sexe, même lorsqu’elles offrent quelques gros plans, ne sombrent jamais dans le vulgaire.
Pas un chef d’œuvre, loin de là, mais une lecture agréable. Le vrai problème, c'est que ce « conte pornographique », comme le qualifie Zep, se révèle bien trop sage au niveau du scénario pour renouveler le genre. Dommage…
Impossible de finir ce billet sans pousser un gros coup de gueule par rapport au prix prohibitif de cet album. 24 euros pour 78 pages de BD, je m’étrangle, je m’insurge, je hurle à l’escroquerie ! Rien de particulier dans la fabrication, tant au niveau du format que de la qualité du papier, à peine peut-on souligner un cahier cousu et non collé. Même pas un dos toilé ou un ex-libris, même pas un cahier graphique en bonus, juste un album tout ce qu’il y a de plus banal qui ne devrait pas dépasser les 16 euros. Franchement, l'éditeur exagère.
Esmera de Vince et Zep. Glénat, 2015. 78 pages. 24,00 euros.
Verdict ? Du classique, pas transcendant mais plaisant, sans plus. L’histoire lorgne du coté du fantastique à la Manara. Esmera suit sa scolarité dans une école catholique italienne, à Gênes. Nous sommes en 1965 et la jeune fille, après avoir perdu sa virginité à la va vite dans un bal de village, découvre le plaisir avec sa compagne de chambre. Une révélation qui tourne à la stupéfaction lorsqu’elle se rend compte que chaque orgasme la fait changer de sexe ! Une situation difficile à vivre dont elle tirera partie avec plus ou moins de bonheur au fil du temps, de ses études à la Sorbonne à un passage éclair dans une communauté hippie d’Ibiza, des années sida à 2015, le tout sans prendre une ride puisque son étrange pouvoir l’empêche de vieillir. Des décennies jalonnées d’étreintes plus torrides les unes que les autres où Esmera, tantôt homme, tantôt femme, prendra le plaisir comme il vient sans trop se poser de questions…
Un album « pour public averti » enchaînant des cabrioles plus explicites les unes que les autres. Alors oui, Zep lâche les chevaux sans tricher. Aux crayons, Vince s’en sort avec les honneurs. Son trait réaliste en noir et blanc teinté de sépia rend un bel hommage aux courbes féminines et ses scènes de sexe, même lorsqu’elles offrent quelques gros plans, ne sombrent jamais dans le vulgaire.
Pas un chef d’œuvre, loin de là, mais une lecture agréable. Le vrai problème, c'est que ce « conte pornographique », comme le qualifie Zep, se révèle bien trop sage au niveau du scénario pour renouveler le genre. Dommage…
Impossible de finir ce billet sans pousser un gros coup de gueule par rapport au prix prohibitif de cet album. 24 euros pour 78 pages de BD, je m’étrangle, je m’insurge, je hurle à l’escroquerie ! Rien de particulier dans la fabrication, tant au niveau du format que de la qualité du papier, à peine peut-on souligner un cahier cousu et non collé. Même pas un dos toilé ou un ex-libris, même pas un cahier graphique en bonus, juste un album tout ce qu’il y a de plus banal qui ne devrait pas dépasser les 16 euros. Franchement, l'éditeur exagère.
Esmera de Vince et Zep. Glénat, 2015. 78 pages. 24,00 euros.
lundi 30 novembre 2015
Une vie entière - Robert Seethaler
« Comme tous les êtres humains, il avait, lui aussi, nourri en son for intérieur, pendant sa vie, des idées et des rêves. Il en avait assouvi certains, d’autres lui avaient été offerts. Beaucoup de choses étaient restées inaccessible ou lui avaient été arrachées à peine obtenues. Mais il était toujours là. »
Andreas Egger, né en 1898. Orphelin élevé à la dure par un fermier qui le battait comme plâtre, au point de le rendre définitivement boiteux un soir de dérouillée plus appuyée que les autres. Le lecteur le découvre à 33 ans, au moment où il rencontre Marie, qui deviendra sa femme. Dans ces montagnes autrichiennes où il passa sa vie, Andreas connut l’amour, une avalanche dévastatrice, l’arrivée du progrès et la construction des premiers téléphériques à laquelle il participa activement. Puis vint la guerre. Envoyé sur le front de l’Est, il fut prisonnier dans un camp russe et ne rentra chez lui qu’en 1951, pour devenir guide de montagne.
J’ai bien fait d’écouter Le petit carré jaune qui m’a chaudement recommandé ce roman. Forcément j’ai aimé ces petits riens d’une petite vie. Le destin d’apparence minuscule d’un taiseux épris de silence et de solitude ne pouvait que me parler. L’écriture se veut discrète, épurée à l’extrême, cheminant à son rythme, sans esbroufe. Un dépouillement proche d’une forme d’humilité bien loin des modes actuelles, et qui m’a parfois rappelé le meilleur de De Luca.
Une vie entière loin de la clameur du monde, à la fois heureuse et douloureuse, comme toute vie qui se respecte. Une vie d’isolement au cœur des montagnes, dont la beauté est restituée avec une touchante sobriété. Et puis ces dernières phrases, que j’aimerais faire miennes au soir de ma propre vie : « Il ne s’était jamais trouvé dans l’embarras de croire en Dieu, et la mort ne lui faisait pas peur. Il ne pouvait pas se rappeler d’où il venait, et en fin de compte ne savait pas où il irait. Mais, à cet entre-temps qu’était sa vie, il repensait sans regret, avec un petit rire saccadé et un immense étonnement. »
Un roman magnifique, tout en simplicité et en retenue.
Une vie entière de Robert Seethaler. Sabine Wespieser, 2015. 160 pages. 18,00 euros.
Andreas Egger, né en 1898. Orphelin élevé à la dure par un fermier qui le battait comme plâtre, au point de le rendre définitivement boiteux un soir de dérouillée plus appuyée que les autres. Le lecteur le découvre à 33 ans, au moment où il rencontre Marie, qui deviendra sa femme. Dans ces montagnes autrichiennes où il passa sa vie, Andreas connut l’amour, une avalanche dévastatrice, l’arrivée du progrès et la construction des premiers téléphériques à laquelle il participa activement. Puis vint la guerre. Envoyé sur le front de l’Est, il fut prisonnier dans un camp russe et ne rentra chez lui qu’en 1951, pour devenir guide de montagne.
J’ai bien fait d’écouter Le petit carré jaune qui m’a chaudement recommandé ce roman. Forcément j’ai aimé ces petits riens d’une petite vie. Le destin d’apparence minuscule d’un taiseux épris de silence et de solitude ne pouvait que me parler. L’écriture se veut discrète, épurée à l’extrême, cheminant à son rythme, sans esbroufe. Un dépouillement proche d’une forme d’humilité bien loin des modes actuelles, et qui m’a parfois rappelé le meilleur de De Luca.
Une vie entière loin de la clameur du monde, à la fois heureuse et douloureuse, comme toute vie qui se respecte. Une vie d’isolement au cœur des montagnes, dont la beauté est restituée avec une touchante sobriété. Et puis ces dernières phrases, que j’aimerais faire miennes au soir de ma propre vie : « Il ne s’était jamais trouvé dans l’embarras de croire en Dieu, et la mort ne lui faisait pas peur. Il ne pouvait pas se rappeler d’où il venait, et en fin de compte ne savait pas où il irait. Mais, à cet entre-temps qu’était sa vie, il repensait sans regret, avec un petit rire saccadé et un immense étonnement. »
Un roman magnifique, tout en simplicité et en retenue.
Une vie entière de Robert Seethaler. Sabine Wespieser, 2015. 160 pages. 18,00 euros.
samedi 28 novembre 2015
Les lectures de Charlotte (12) : Au creux de mon arbre - Britta Teckentrup
Bientôt le printemps. « Dans la forêt calme et silencieuse, rien ne bouge, pas un bruit... Au creux de son arbre, Hibou se réveille du long sommeil de l'hiver. Déjà, la neige commence à fondre, les premières fleurs sortent de terre. » Les oursons fêtent le retour des beaux jours, les écureuils sautillent, les oiseaux font leur nid. Quand l’été arrive, « le soleil est haut dans le ciel, les abeilles bourdonnent joyeusement, les pommes juteuses et sucrées sont prêtes à être croquées. » Les premiers nuages d’automne annoncent des nuits plus froides, tandis que les arbres se parent de feuilles rouges et or. Les animaux font des réserves avant que le vent du nord se lève et que la neige revienne. Au creux de son arbre, hibou se blottit, prêt à affronter à nouveau l’hiver…
Un album à découpes qui laissent apparaître et disparaître les animaux dans le tronc et les branches d’un arbre entre le printemps et l’hiver. Toujours le même arbre, seuls changent son environnement et les pensionnaires qui viennent l’habiter.
Visuellement, c’est superbe ! Le texte, à la fois poétique et précis, tient en deux lignes sous chaque illustration. L’évolution de ce décor identique au fil des pages permet à l’enfant de comprendre le temps qui passe et les saisons. Simple et enchanteur, un album aux accents vintage et à la finition très soignée qui, à la maison, a ravi petits et grands.
Au creux de mon arbre de Britta Teckentrup. Hatier, 2015. 32 pages. 13,80 euros. A partir de 3 ans.
Un album à découpes qui laissent apparaître et disparaître les animaux dans le tronc et les branches d’un arbre entre le printemps et l’hiver. Toujours le même arbre, seuls changent son environnement et les pensionnaires qui viennent l’habiter.
Visuellement, c’est superbe ! Le texte, à la fois poétique et précis, tient en deux lignes sous chaque illustration. L’évolution de ce décor identique au fil des pages permet à l’enfant de comprendre le temps qui passe et les saisons. Simple et enchanteur, un album aux accents vintage et à la finition très soignée qui, à la maison, a ravi petits et grands.
Au creux de mon arbre de Britta Teckentrup. Hatier, 2015. 32 pages. 13,80 euros. A partir de 3 ans.
vendredi 27 novembre 2015
La promesse de l’ogre - Rascal et Régis Lejonc
J’ai ressenti une belle émotion en découvrant les noms de Rascal et de Régis Lejonc sur la couverture de cet album. Un duo d’auteur que je rêvais de croiser à nouveau depuis le fabuleux « Phare des sirènes » (et encore, fabuleux n’est pas un adjectif assez fort pour qualifier ce bijou !) publié il y a bientôt dix ans.
Un ogre veuf et son fils vivaient dans une cabane au fond des bois. « Sans crainte de se tromper, l’on pouvait dire que le père et le fils s’aimaient ». Un seul différend notable causait une certaine tension entre eux : lorsqu’il y avait de l’enfant au menu, le jeune garçon refusait d’en manger. Et à chaque fois que l’ogre revenait de la chasse avec dans son sac une proie humaine, son fils le suppliait en vain de lui laisser la vie sauve. L’ogre finit par céder et déclara à son rejeton : « Je te fais la promesse de ne plus jamais manger de petits ». A partir de ce jour, le bonheur rayonna sans partage dans la maisonnée. Mais par un matin froid et pluvieux, l’ogre, cédant à ses plus bas instincts, rompit sa promesse…
Une énorme claque ! J’avais beau m’y attendre, je ressors tout chamboulé de ce récit bouleversant. Rascal raconte avec une poésie et une force incroyable cette histoire d’amour tragique entre un père et son fils. Tout est dans le titre : il n’est jamais anodin de ne pas respecter la parole donnée, de ne pas tenir une promesse faite à son propre enfant.
Si l’écriture est d’une rare beauté, que dire des tableaux flamboyants de Régis Lejonc ! L’ouvrage s’organise en double page avec, à gauche le texte, et à droite une magnifique illustration pleine page. L’alchimie fonctionne parfaitement, les mots trouvant une résonance particulière en écho de chaque dessin.
La promesse de l’ogre de Rascal et Régis Lejonc. Pastel, 2015. 40 pages. 13,70 euros.
Un ogre veuf et son fils vivaient dans une cabane au fond des bois. « Sans crainte de se tromper, l’on pouvait dire que le père et le fils s’aimaient ». Un seul différend notable causait une certaine tension entre eux : lorsqu’il y avait de l’enfant au menu, le jeune garçon refusait d’en manger. Et à chaque fois que l’ogre revenait de la chasse avec dans son sac une proie humaine, son fils le suppliait en vain de lui laisser la vie sauve. L’ogre finit par céder et déclara à son rejeton : « Je te fais la promesse de ne plus jamais manger de petits ». A partir de ce jour, le bonheur rayonna sans partage dans la maisonnée. Mais par un matin froid et pluvieux, l’ogre, cédant à ses plus bas instincts, rompit sa promesse…
Une énorme claque ! J’avais beau m’y attendre, je ressors tout chamboulé de ce récit bouleversant. Rascal raconte avec une poésie et une force incroyable cette histoire d’amour tragique entre un père et son fils. Tout est dans le titre : il n’est jamais anodin de ne pas respecter la parole donnée, de ne pas tenir une promesse faite à son propre enfant.
Si l’écriture est d’une rare beauté, que dire des tableaux flamboyants de Régis Lejonc ! L’ouvrage s’organise en double page avec, à gauche le texte, et à droite une magnifique illustration pleine page. L’alchimie fonctionne parfaitement, les mots trouvant une résonance particulière en écho de chaque dessin.
Un album qui a le goût, l’odeur et la patine des
contes d’antan. Vous savez, ceux où une petite fille en rouge ne sortait pas vivante du
ventre du loup après avoir été dévorée, par exemple. Un conte cruel quoi. Cruel mais somptueux. Et absolument inoubliable.
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