Le jour où il rencontre Emile, nouveau préposé à la gestion des poubelles au « niveau zéro », sa vie change. Emile est un idéaliste qui s’est fait embaucher à ce poste ingrat pour mener une enquête sur le gaspillage dans les grandes surfaces et dénoncer le scandale dans les médias, photos à l’appui. Emile est aussi un lettré dont la liberté d’esprit va peu à peu influencer la vision du monde du naïf Charlie.
Un premier roman venu de Suisse qui offre une vision décalée du monde du travail. Charlie est un esprit simple qui porte un regard sans filtre sur son environnement et son statut d’employé. Mais sa candeur a aussi des limites, notamment face à l’indifférence et au manque de politesse : « C’est vrai qu’après le dix-huitième client qui ne dit pas au revoir bonne journée quand on lui donne son sac sous vide avec le poisson dedans, le dix-neuvième qui me sourit et puis m’adresse juste la parole pour me dire une banalité, je pourrais lui sauter au cou de joie. Ça fait simplement du bien de sentir qu’on existe. Qu’on est autre chose que le gardien d’une proie appétissante. Autre chose qu’une machine, qu’un distributeur, qu’un automate. Parfois j’ai l’impression que les clients, ils nous regardent moi et les autres employés du Grand Magasin comme de la marchandise. »
Un texte qui tient presque de la fable. Ni glorification ni condamnation de la grande distribution, la vision en apparence naïve de Charlie, ses mots simples ont une portée bien plus efficace que n’importe quel discours militant. Et Charlie le vrai gentil ne vous fera plus jamais regarder les employés de supermarché du même œil.
L’œil de l’espadon d’Arthur Brügger. Zoé, 2015. 154 pages. 15,50 euros.