Les grands espaces, quelques vaches à l’étable, la compagnie d’un chien, d’un fusil et d’un voisin taciturne avec lequel on partage parfois une affreuse piquette, tel est l’univers de Gus. Il est né et a grandi dans ce Gévaudan Cévenol qui lui ressemble : sauvage, isolé, rugueux. Avec son voisin Abel, il cultive une amitié bourrue basée sur l’entraide et le besoin occasionnel de tromper une solitude pesante. Mais au cours de ce rude hiver, les deux hommes vont devoir se rapprocher malgré eux, parce que certains cadavres sortent du placard, certains secrets de famille enfouies depuis des décennies resurgissent et mettent le feu aux poudres.
Une magnifique surprise. L’écriture de Franck Bouysse est un enchantement. Il décrit à merveille les gestes précis du quotidien paysan, il dit l’odeur du foin, de la terre mouillée, des troncs d’arbre fraîchement coupés, de la truite grésillant dans la poêle. Mais il exprime aussi les silences, les non-dits et la misère affective des gens de peu. Sans un mot de trop, avec une économie de moyens et d’effets absolument remarquable.
Polar régionaliste ? Nature Writing ? A vrai dire peu importe, je n’ai envie de faire rentrer ce texte dans aucune case. Je sais juste que c’est un roman âpre et tendu aux accents élégiaques, et je sais juste que j’ai pris un immense plaisir à le lire. Et puis j’aime ce titre superbe qui prend toute son sens dans les dernières pages.
Grossir le ciel de Franck Bouysse. La manufacture des livres, 2014. 200 pages. 16,90 euros.
Les avis de Au pouvoir des mots et Dominique