Grégoire aime se coucher tôt. Grégoire aime aller au cinéma,
surtout pour voir les paysages. Grégoire aime aussi aller au bureau chaque
matin. Grégoire prépare les repas d’Agathe, la prof de philo qui partage sa vie.
Agathe, il trouve qu’elle fume trop, qu’elle ne mange
ni ne dort pas assez. Pour autant, il n’ose pas lui dire. Grégoire n’est pas
contrariant, il est toujours d’accord. Grégoire parle peu, il ne veut pas
déranger. Grégoire est un gentil, un vrai. Mais avec le décès soudain du
président de la république et la présence de plus en plus régulière de Vivien,
un collègue d’Agathe, le monde bien ordonné de Grégoire va s’écrouler peu à peu,
sans qu’il s’en rende vraiment compte…
Impayable ce Grégoire ! Élevé par une maman solo
cafardeuse qui lui sortait des phrases telles que « Tu n’y peux rien Minou,
mais j’aurais préféré que tu restes ou tu étais » ou encore « Je t’aurais
pas connu, tu m’aurais pas manqué », le garçon est devenu un adulte aussi routinier
que prévisible. Un cœur simple à la logique parfois décalée. Un homme tellement
gentil qu’il en deviendrait presque inquiétant.
Un texte à la première personne qui retranscrit les
événements à travers le regard innocent d’un antihéros ne pensant jamais à mal.
Grégoire est drôle malgré lui. A première vue transparent, il perçoit les
choses de façon originale, avec beaucoup de sensibilité, ce qui le rend très
attachant. Il serait facile de se moquer ou d’être agacé par cette normalité
poussée à l’extrême, cette insignifiance permanente, mais au final je suis tombé
sous le charme de cette voix et de ce comportement en apparence (je dis bien en
apparence !) inoffensifs.
Je suis très sensible d’Isabelle Minière. Serge Safran
éditeur, 2014. 170 pages. 14,50 euros.
Un ouvrage lu dans le cadre de l'opération "La voie des indés" de Libfly |