mardi 6 mai 2014

Le premier mardi c'est permis (26) : Sexe, mensonges et banlieues chaudes - Marie Minelli

Je pensais avoir touché le fond en matière de clit lit avec la culotte sale de Mila Braam mais je me rends compte que l’on peut creuser toujours plus profond vers la médiocrité et j’avoue que ça m’affole un peu. Parce que là, franchement, le bouchon est poussé bien trop loin.

Dans ce roman, on suit la vie chiante à mourir trépidante de la  cruche pétillante Sara, richissime jeune femme de Neuilly fiancée à Amaury de Saint Sauveur, futur magnat de la finance. Le mariage avance à grands pas mais Sara s’ennuie ferme et ne voit pas l’avenir sous les meilleurs auspices. Avec Amaury, ce n’est pas vraiment le pied : « j’essaie de me souvenir de la dernière fois que j’ai joui avec Amaury… je crois bien que Whitney Houston était encore vivante et que DSK était considéré comme un espoir de la politique française. »

Prisonnière d’un milieu qu’elle trouve irrespirable, Sara va chercher à s’émanciper en remplissant un formulaire anonyme pour passer un entretien d’embauche à France Télévision. Recrutée pour faire partie d’un programme « spécial diversité », Sara se fait passer pour une marocaine et fréquente pour la première fois de sa vie des gens vivant de l’autre coté du périph. Parmi eux, le beau Djilali qui va faire fondre son petit cœur tout mou…

L’éditeur annonce en 4ème de couv « une comédie made in France avec de vraies scènes de sexe à l’intérieur ». Franchement, il y a tromperie sur la marchandise parce qu’en dehors du « made in France », je me demande où sont cachées la comédie et les vraies scènes de sexe. Bon du sexe, il y en a un peu. Mais ça vole pas haut. Parce qu’une fille qui crie en pleine copulation « Ah oui, oui ! Encore, encore… », c’était bon dans le porno à papa ce genre de choses. Niveau « émoustillage », je n’ai pas ressenti le moindre début de frisson. Les quelques rares « scènes de sexe à l’intérieur » m’ont laissé de marbre. Et pourtant je ne suis pas difficile d’habitude.

Autre énorme problème, les citations permanentes de noms de marques et de personnalités. On appelle ça le « name dropping » et c’est quelque chose qui me sort par les yeux. Là, on est au top du top de la bourgeoisie alors on a droit à du Vuitton, du Gucci et des tas d’autres trucs dont je n’ai jamais entendu parler. Et puis ils boivent des « mimosas » et je ne sais même pas ce que c’est que ce cocktail. M’étonnerait pas qu’il y ait du champagne dedans…

Donc si on fait le point, ça nous donne : du sexe pas émoustillant et une pub géante pour des marques inabordables. Ajoutez un incroyable catalogue de clichés pour faire bonne figure et la potion sera particulièrement amère. Dans le monde de Sara, c’est « grisant de chercher du boulot ». Dans son monde, tous les décorateurs d’intérieur sont gays. Dans son monde, on se demande si « l’amour c’est jouir ensemble ? Ou bien c’est se marier ensemble ? ».  Dans son monde, quand on met un pied dans le 93 c’est pour se retrouver dans une loge VIP du stade de France. Et je vous passe les orgies cocaïnées de la jeunesse dorée du royaume de France…

La cerise sur le gâteau, c’est quand même la platitude totale de l’écriture, malgré quelques passages assez drôles. Et quand on s’apprête à se lancer dans une scène torride, le ridicule n’est jamais loin. Petit exemple éloquent : « Son odeur envahit mes narines. Une odeur de musc, de transpiration, de café fort, bref une odeur de mâle. Je jurerais même qu’il sent un peu la bite. »  Heu, comment dire, là je crois que ça va pas être possible. Sentir un peu la bite ? Quézaco ? Sentir de la bite à la limite je veux bien, et au moins ça me parle. Mais sentir la bite, franchement, ça ne veut strictement rien dire, non ?

Bref, vous aurez compris à quel point j’ai adoré ce roman... Il faut sans doute prendre tout cela au second ou au troisième degré pour en extraire la substantifique moelle mais j’avoue que c’est au dessus de mes forces…

Sexe, mensonges et banlieues chaudes de Marie Minelli. La Musardine, 2014. 180 pages. 14,00 euros.

Une participation de plus à l'incontournable rendez-vous de Stephie et une lecture commune que je partage avec Hélène et Leiloona.







lundi 5 mai 2014

Théorie générale de l’oubli - José Eduardo Agualusa

Luanda, capitale de l’Angola, en 1975. Alors que la guerre d’indépendance éclate, Ludovica, venue du Portugal pour s’installer avec sa sœur et son beau frère dans un grand appartement avec terrasse, se retrouve seule du jour au lendemain. Sa peur du dehors la pousse à « s’emmurer » avec son berger allemand pour se protéger de l’extérieur. Elle restera enfermée pendant près de trente ans dans cet appartement, sans aucun contact avec qui que ce soit, survivant, entre autres,  grâce au potager créé sur le balcon, à quelques poules volées à ses voisins et à de nombreux pigeons piégés à l’aide de pierres précieuses.

Dans une note préliminaire, l’auteur indique que Ludovica Fernanes Mano à vraiment existé. Décédée en octobre 2010, à l’âge de 85 ans, elle a laissé des cahiers dans lesquels elle a consigné son journal. Et lorsque le papier et les stylos ont manqué, elle a continué d’écrire sur les murs avec du charbon de bois. L’histoire est donc à la base réelle mais José Eduardo Agualusa précise à ses lecteurs : « ce que vous lirez est de la fiction. De la pure fiction. »

Non content de se focaliser sur la recluse volontaire, l’auteur a imaginé la vie de nombreux personnages ayant traversé cette période trouble de l’histoire angolaise. Des personnages aux destins chaotiques, enfant des rues ou infirmière, journaliste ou ancien bourreau de la police politique. Des personnages reliés à Ludovica et à son appartement par un fil parfois ténu. C’est là que tient le sel du récit, c’est là que l’écrivain s’est emparé d’un fait divers et l’a transformé en matériau romanesque. Il a savamment tissé sa toile, créant une architecture narrative implacable, sortant de la confusion géopolitique et de l’instabilité permanente des existences qui incarnent, chacune à leur manière, la complexité d’un pays au bord du gouffre. L’exercice est brillant et m’a enchanté.

Théorie générale de l’oubli de José Eduardo Agualusa. Métailié, 2014. 172 pages. 17,00 euros.

Une lecture commune que je partage une fois encore avec Noukette.

L'avis de Valérie





vendredi 25 avril 2014

Ma cousine Rachel - Daphné Du Maurier

Un monumental manoir des Cornouailles. Philip y a été élevé par son cousin Ambroise depuis la mort de ses parents. Les deux hommes vivent dans leur domaine comme des vieux garçons totalement désintéressés par une quelconque présence féminine. Mais lors d’un séjour à Florence, Ambroise rencontre Rachel, une lointaine cousine. Tombé fou amoureux, il l’épouse dans la foulée et s’installe en Italie. Quelques temps plus tard, Philip reçoit une lettre d’Ambroise lui indiquant qu’il soupçonne sa femme de vouloir l’empoisonner. Prenant cette menace pour argent comptant, il se rend à Florence et découvre que son parent est mort depuis trois semaines. La cousine Rachel, elle, semble s’être volatilisée. Philip jure de venger Ambroise mais lorsque Rachel débarque au manoir, elle ne semble pas du tout être la femme machiavélique qu’il imaginait…

Un roman que m’a offert Athalie et une lecture prévue de très longue date avec Ingannmic. Heureusement d’ailleurs que j’avais cet engagement parce que j’avoue que sinon j’aurais eu du mal à m’y mettre et je serais passé à coté d’un excellent moment de lecture. Pensez donc, une sorte de suspens psychologique en pleine campagne anglaise, un huis clos entre un richissime rentier, naïf comme c’est pas permis, et une manipulatrice sans vergogne. Il y avait tous les éléments pour que je m’ennuie ferme.

Et bien je ne me suis pas ennuyé une seconde. D’abord parce que les personnages principaux et secondaires sont parfaitement campés. Ce grand couillon de Philip, qui, à bientôt 25 ans, ne connaît rien aux femmes et va se laisser embobiner comme un bleu par la magnifique Rachel, impulsive et retorse, dont on ne cesse de se demander s’il faudrait lui donner le bon dieu sans confession ou si au contraire elle n’est rien d’autre qu’une machiavélique diablesse. Ensuite, ce n’est pas ennuyeux parce que l’intrigue avance en permanence et ne tourne pas en rond. A chaque chapitre un élément nouveau, une pièce supplémentaire du puzzle qui s’imbrique pour nous mener vers un dénouement vraiment bien trouvé. Enfin, on ne s’ennuie pas une seconde parce que les rapports humains sont tricotés serrés-serrés, tout se tient merveilleusement bien, sans aucune fausse note. Bien sûr l’intrigue se déroule dans l’atmosphère lente, engoncée et poussiéreuse propres aux grandes fortunes anglo-saxonnes mais, à ma grande surprise, j’ai pris un vrai plaisir à fréquenter ces gens de la haute dont les comportements sont régis par le respect de l’étiquette.  

Finalement, on referme le roman en se demandant qui est vraiment Rachel. Une âme pure ou un succube ? Personnellement, je la verrais bien un tantinet schizophrène. Et pas qu’un peu à vrai dire…

Merci à Athalie pour cette superbe découverte. Un vieux (et stupide) réflexe de mon passé ouvrier m’interdisait jusqu’alors de lire un auteur à particule. Grâce à elle, j’ai franchi le cap. Bon, pour autant, pas demain la veille que je lirai d’Ormesson ou Poivre d’Arvor…

Ma cousine Rachel de Daphné Du Maurier. Le livre de poche, 2009. 382 pages. 7,10 euros.

Un lecture commune que j'ai donc le plaisir, vous l'aurez compris, de partager avec Ingannmic.




jeudi 24 avril 2014

Passe-passe - Delphine Cuveele et Dawid

Une grand-mère et sa petite fille sur un banc. Un papillon se pose sur le crâne de la grand-mère et le récit commence. Cinq moments clés de l’histoire commune de l’enfant et de la vieille femme vont marquer la disparition progressive de cette dernière.

La mamy perd peu à peu couleurs et vitalité pour les transmettre au papillon. Au final on assiste à une « évaporation graphique » tout en douceur, un tour de passe-passe magique, sans un mot, qui en dit bien plus que de longs discours.

Je suis toujours fasciné par la narration sans texte. Tout tient dans un découpage où la lisibilité de l’image est le seul maître mot. En jouant sur le cadrage, le mouvement, l’alternance entre les grandes cases, les illustrations pleine page et les plans resserrés, il faut parvenir à donner du rythme en gardant le propos parfaitement compréhensible. Un tour de force qui, lorsqu’il est réussi comme c’est le cas ici, émerveille.

Une façon magistrale d’aborder le deuil, le souvenir et le temps qui passe. La nostalgie n’est pas triste et l’absence est comblée par les joyeuses réminiscences. Il est finalement très lumineux cet album.

J’ai l’impression de me répéter à chaque fois que je présente un ouvrage des éditions de La gouttière mais je n’y peux rien si le catalogue de cet éditeur ne propose que des pépites, des BD jeunesse d’une qualité rare que j’ai envie de faire découvrir au plus grand nombre. Et celui-là ne fera évidemment pas exception à la règle.

Passe-passe de Delphine Cuveele et Dawid. Éditions de la gouttière, 2014. 36 pages. 9,70 euros. A partir de 6-7 ans.

Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette et Moka.

L’album sort aujourd’hui. Plus d’infos sur le site des éditions de la gouttière.

L'avis de Lunch






mercredi 23 avril 2014

L’assassin qu’elle mérite T1 et T2 - Corboz et Lupano

Vienne, 1900. Prenez un gamin des rues pur et innocent et plongez-le dans le luxe d’une maison close avec crédit illimité. Initiez-le aux charmes de l’oisiveté et de l’argent facile, donnez-lui accès à des choses qui lui sont inabordables puis coupez-lui les vivres sans crier gare. Tel est le projet d’Alec, jeune dandy capricieux, irresponsable et tête à claque voulant transformer un gavroche en ennemi public numéro 1. Le but ultime étant de le façonner comme une œuvre d’art, une œuvre d’art « subversive et véritablement décadente ». Victor sera la victime désignée d’Alec. Un gosse pas verni par la vie, maltraité par un père à la main lourde et dont la carrière de tailleur de pierres qui l’attend ne l’enchante guère. Avec Alec, il va découvrir un train de vie dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Mais le choc est rude, trop rude. Et le pétage de plombs inévitable…

Pour ce scénario, Lupano s’est inspiré de « L’assassinat considéré comme un des beaux-arts » de Thomas De Quincey et surtout d’un passage de « A rebours » de Joris-Karl Huysman dans lequel l’auteur déclare vouloir changer brutalement la vie d’un homme pauvre afin de « créer un gredin de plus pour la société et lui donner l’assassin qu’elle mérite ». Entraîné dans quelque chose  qu’il ne maîtrise pas, dépassé par ce qui lui arrive, Victor va devenir incontrôlable, allant bien au-delà des espoirs placés en lui par son pygmalion.

Une série à l’atmosphère délicieusement sulfureuse. Lupano montre la bourgeoisie viennoise engoncée dans ses certitudes d’un autre temps, incapable d’anticiper les catastrophes à venir alors que la pauvreté, le chômage de masse et l’antisémitisme galopant transforment en profondeur la société. Avec Victor, il procède à une métamorphose violente. Une personnalité simple et neutre qu’Alec a besoin de totalement effacer pour la réécrire à sa guise. C’est une expérience sans filet, un mélange qui devient aussi dangereux qu’explosif…

Que dire du dessin de Corboz, si ce n’est qu’il représente à merveille la Vienne de l’époque. L’architecture, l’opéra, les brasseries, les quartiers populaires, tout est fidèlement resitué. Son trait réaliste campe avec conviction les différents personnages et affirme le caractère de chacun.

Une superbe série, tant sur le fond que sur la forme. Le troisième volume paraîtra le 21 mai, je vais me faire un plaisir de le dévorer dès sa sortie.

L’assassin qu’elle mérite T1 : Art nouveau de Corboz et Lupano. Vents d’ouest, 2010. 56 pages. 13,90 euros.
L’assassin qu’elle mérite T2 : La fin de l’innocence de Corboz et Lupano. Vents d’ouest, 2012. 56 pages. 13,90 euros.


Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette.



mardi 22 avril 2014

On nous a coupé les ailes - Fred Bernard et Émile Bravo

Il était une fois un gamin de 8 ans qui, au tournant du 20ème siècle, passait de merveilleux étés avec ses frères et son cousin Firmin à faire les quatre cents coups dans une parfaite insouciance. Un gamin prénommé René, rêveur patenté, fasciné par l’apparition des premiers avions. Un gamin persuadé que quand il serait grand, il volerait lui aussi et pourrait caresser les nuages. Un gamin heureux, conscient de la magie de l’enfance et confiant en l’avenir.

Il était une fois ce même gamin, en octobre 1914, écrivant à sa mère : « J’ignore ce que l’on sert à nos officiers, Maman, mais mon ventre crie souvent famine ici. […] Voila maintenant des semaines que l’armée allemande est bloquée à 40 kilomètres de Paris, mais il s’en est fallu de peu pour qu’elle nous déborde… Alors elle se venge et nous pilonne au canon, nous déchiquette à la mitraillette. Nous on creuse, on s’enterre et on s’enfonce dans la Marne. A perte de vue, de la boue et des cadavres, des chevaux gonflés par la putréfaction, […] des villages rasés et des arbres noirs ébranchés. »

Le gamin devenu un jeune adulte découvre l’horreur du front. Il apprend la mort du cousin Firmin et de son frère Eugène, il s’évade en repensant aux instants joyeux partagés avec eux par le passé et en regardant les avions tournoyer dans le ciel, toujours plus rapides et plus flamboyants…

J’avais peur que le propos insiste trop sur l’histoire de l’aéronautique. Il y a certes quelques termes techniques et la présentation d’incontournables pionniers de la conquête de l’air mais le cœur de l’album ne se focalise pas sur ce sujet. A travers l’histoire de René, les auteurs parlent avec finesse de ses hommes auxquels la guerre a coupé les ailes. L’alternance entre l’enfer des tranchées et le paradis de l’enfance montre à quel point ce monstrueux conflit a brisé des millions de vies et autant de rêves d’avenir.

Un texte sobre et touchant, des illustrations parfaites d’Émile Bravo, cet album est un petit bijou absolument tout public, à lire dès dix ans selon moi.

On nous a coupé les ailes de Fred Bernard et Emile Bravo. Albin Michel, 2014. 56 pages. 11,50 euros. A partir de 9 ans.

Une nouvelle pépite jeunesse que j'ai le plaisir de partager avec Noukette, comme chaque mardi.

L'avis d'Ys





Ma troisième participation
au challenge de Stephie 





lundi 21 avril 2014

Où est donc ma maison ? - Françoise Laurent et Emmanuelle Houssais

Puisque c’est le week-end de Pâques, je vais vous parler d’un petit poussin nommé Valentin. Un poussin qui a perdu sa maison et va interroger ses voisins pour tenter de la retrouver. Dès qu’il aperçoit une nouvelle demeure, il croit être rentré chez lui. Mais le chien, le cheval, les grenouilles, les abeilles, les oiseaux, les lapins, la taupe et même le loup lui répondent à chaque fois qu’il se trompe.

Encore un album en randonnée (décidément, c’est à croire que c’est le seul schéma narratif à proposer aux tout-petits). Le poussin chemine d’animal en animal sans trouver de solution à son problème, jusqu’au dénouement heureux. L’intérêt ici est que l’on découvre les habitations propres à chaque espèce, ce qui permet d’enrichir le vocabulaire. De la niche à la ruche en passant pas le clapier, l’écurie, le terrier, le nid, la tanière ou l’aquarium, l’éventail est très large.

Les illustrations sont simples et colorées, avec une mention spéciale pour la taupe que j’ai trouvée trop choupi.

Les pages de garde finales proposent en outre le « jeu de poussin Valentin », qui n’est autre qu’un jeu de l’oie revisité où l’on retrouve tous les animaux croisés dans le livre.

Un fort joli album plein de fraîcheur mettant en scène un petit poussin craquant comme tout. J'en connais une qui va adorer le découvrir d'ici peu.


Où est donc ma maison ? de Françoise Laurent et Emmanuelle Houssais. Ricochet, 2014. 32 pages. 11,00 euros. A partir de 3 ans.

samedi 19 avril 2014

La dame à la camionnette - Alan Bennett

Le dramaturge et homme de radio anglais Alan Bennett raconte ici vingt ans de cohabitation avec une SDF. En 1969, Miss Shepherd installe sa camionnette en face de chez lui, dans un quartier calme de Londres. Une camionnette dans un état aussi déplorable que sa propriétaire, dont c’est la seule demeure. L’arrivée de la squatteuse ne va évidemment pas plaire à tout le monde. Sommée par la municipalité de quitter les lieux, souvent embêtée par quelques vauriens, la vieille femme subit sans véritablement broncher. Dans un élan de compassion, Bennett lui propose d’installer son tas de boue dans son jardin. Elle ne le quittera plus jusqu'à sa mort, en 1989.

Au final, la charité de Bennett aura été bien mal récompensée. Tyrannique, ultraconservatrice, n’en faisant qu’à sa tête, d’une saleté innommable et passant son temps à se plaindre ou à proposer des projets d’émission foireux, la clocharde est une emmerdeuse de première. Vingt ans d’un quotidien houleux déroulés en quelques tableaux, en divers moments marquants, parfois drôles, le plus souvent anecdotiques et je dirais presque sans intérêt.

Oui, je l’avoue, je n’ai pas trouvé grand chose d’intéressant dans ce témoignage. Les petits épisodes s’enchaînent, relatant des échanges sans saveur, dignes de ceux que l’on pourrait tenir avec son voisin (même si je ne souhaite à personne d’avoir une voisine comme Miss Shepherd !). On sait finalement très peu de choses sur elle, ce qui donne à ce portrait un désagréable coté superficiel. Je me suis interrogé sur le but d’un tel témoignage, que je n’ai à aucun moment trouvé touchant. J’en suis même venu à me demander si l’auteur ne voulait pas simplement passer pour un bon samaritain auquel chaque lecteur devrait dresser des lauriers, mais je ne pense sincèrement pas que ce soit le cas. Heureusement, un post-scriptum rajouté cinq ans après la première publication nous en apprend beaucoup plus sur la vie de Miss Shepherd avant qu’elle ne tombe dans la marginalité. C’est, et de loin, la partie la plus attrayante de l’ouvrage.

La dame à la camionnette d’Alan Bennett. Buchet Chastel, 2014. 114 pages. 9,00 euros.

Les avis de Canel, Clara et Zazy


vendredi 18 avril 2014

Notre histoire commence - Tobias Wolff

Un fait divers évité de justesse dans la chambre d’hôtel minable de journaliers mexicains. Un fils quittant le chevet de sa mère mourante pour établir un devis dans un funérarium. Une enseignante prise en otage par un parent d’élève mécontent. Un soldat qui vient vaguement en aide à la sœur d’un camarade parti en Irak. Une étudiante fascinée par la confession intime de l’une de ses profs. Un homme qui promène le chien de sa compagne disparue. Un père amenant de force son fils dans un collège militaire. Un américain victime d’un pickpocket gitan en Italie. Un mari qui ne peut oublier cette fille embrassée trente ans plus tôt… Dix nouvelles en tout. Dix petits riens, dix moments fugaces comme autant d’instantanés pris sur le vif. Des hommes et des femmes fragiles, en proie au doute.

Soyons clair : si vous êtes allergique à Carver (j’en connais certaines, elles se reconnaîtront), passez votre chemin. Mais si vous êtes comme moi amoureux de la prose minimaliste du grand Raymond, vous allez vous régaler. Tout est banal dans ce recueil. Parfaitement banal. Ces nouvelles sont un peu comme des bribes de tableaux impressionnistes construits par petites touches, à peine esquissés. Des scènes relevant de l’insignifiant, des histoires sans véritable chute.

Je suis clairement fan de ce genre épuré à l’extrême, de cette représentation du grand ordinaire de nos existences avec trois fois rien. La normalité, voila de quoi parle ce recueil. Une normalité à peine bousculée, une atmosphère suspendue quelques minutes ou quelques heures, quand survient un frémissement qui, peut-être, sera annonciateur d’une forme de basculement. La vie, quoi.

Notre histoire commence de Tobias Wolff. Bourgois, 2014. 178 pages. 15,00 euros.











jeudi 17 avril 2014

Un peu de tendresse dans un monde de brutes...

Je ne sais pas si c’est le printemps ou quoi mais j’ai comme des envies de câlins et de douceur en ce moment. Du coup je vais vous parler de deux albums doudous, des albums tendres, sucrés et moelleux comme un chamallow.

Cet album est une merveilleuse déclaration d’amour qui se déroule au fil des pages. "Comment te dire… je t’aime". C’est simple et poétique. Ça pourrait tomber dans le très cucul mais ce n’est pas du tout le cas parce que le texte dégage une vraie musicalité et se lit un peu comme une seule, longue et belle phrase.

Les illustrations sont douces, colorées et particulièrement évocatrices. C’est un album à lire à ses enfants bien sûr, mais ça ferait aussi un magnifique cadeau pour celui ou celle qui occupe toute la place dans notre cœur. Bien plus touchant selon moi qu’un bouquet de fleurs ou une boîte de chocolats…

Comme te dire ? d’Edwige Planchin et Anne Cresci. Fleur de ville, 2014. 32 pages. 12,90 euros. A partir de 3 ans.





Un câlin ? Pour quoi faire ?

Parce qu’on se sépare, parce qu’on se retrouve, parce qu’on a du chagrin, parce qu’on est tombé, parce qu’on est fatigué, etc. Surtout, un câlin parce que c’est bien. Parce que c’est doux, parce qu’on peut l’accompagner d’un bisou et d’une caresse dans les cheveux, parce que pendant un câlin on est seuls au monde, dans une bulle, intouchables et sereins. Parce que les câlins sont nécessaires, que l’on soit petit ou grand. C’est vital un câlin, l’air de rien. C’est une preuve d’amour, un besoin d’être avec l’autre. Un câlin c’est aussi un instant de complicité partagée. Et puis pour les plus grands, il y a les câlins coquins, j’aime bien aussi, mais je m'égare…

Bref, j'ai beau être un gros dur tatoué, ça ne m'empêche pas d'être fan des câlins. Pas avec n'importe qui, hein, entendons-nous. Et je dois dire que je suis privilégié parce qu’à la maison tout le monde aime ça. Même ma collégienne vient souvent faire un câlin à son papounet. Et ne parlons pas de bébé Charlotte. Quand vous la sortez de son lit et qu’elle niche sa tête contre votre épaule, c’est indescriptible. Et puis maintenant elle commence à faire des bisous et là, je fonds complètement. Ok, je suis gaga… j’assume.

Cet album très épuré est un bijou de douceur. Un bonbon fondant à partager avec vos petits bouts, pour passer avec eux un vrai beau moment de tendresse. Juste incontournable...

Un câlin de Malika Doray. MeMo, 2014. 28 pages. 15 euros. A partir de 2 ans.