En décembre dernier j'ai eu la chance de gagner une liseuse Kobo grâce aux "Matchs de la rentrée littéraire de Priceminister". Un beau cadeau de Noël. Pas que je souhaitais particulièrement en acquérir une mais j'étais curieux de voir ce que pouvait donner la lecture sur un tel support. Trois mois après, force est de constater que la greffe vers le livre numérique n'a pas prise en ce qui me concerne.
Si je devais lister les inconvénients, je mettrais en premier l’aspect périssable de l’objet (qui existe aussi avec le livre papier évidemment, mais en général on abîme qu’un livre à la fois alors que si la liseuse vous lâche...), son obsolescence programmée aussi. Et puis sa fragilité (je n’emmènerai jamais ma liseuse à la plage, entre le sable et la chaleur...). Sans compter les difficultés de téléchargement que j’ai déjà vécues et qui m’ont juste donné envie de jeter la liseuse contre un mur. Il y a aussi un problème de tarif. Le prix du numérique reste trop proche de la version papier. A 2 ou 3 euros près, je ne vois pas l’intérêt de payer pour du virtuel. L'absence de couleur rend par ailleurs impossible la lecture de BD. Et puis en littérature jeunesse, tous ces albums incroyables au formats atypiques ne peuvent pas être transférés sur une liseuse, ils perdraient leur raison d'être. Mais le plus important pour moi est l’absence totale de plaisir dans la manipulation de la liseuse. En fait, pour de la lecture « fonctionnelle » (presse, recettes, blogs, etc) le numérique ne me pose aucun problème. Mais pour la lecture « fictionnelle » j’ai besoin de contact, de toucher le papier, de caresser la couverture (le dernier exemple en date me concernant est « Mailman » parce que chez Toussaint Louverture, les romans sont de véritables objets-livres qui participent grandement au plaisir de la lecture). Finalement c’est ça mon problème, je vois la liseuse comme un objet utilitaire alors que dans mon esprit le livre est tout sauf utilitaire. Je crois que je suis juste un vieux réac.
Après il y aussi des avantages. Tous ces classiques que l’on peut télécharger gratuitement, l’éclairage d’excellente qualité qui permet de lire en pleine nuit sans réveiller la personne qui est à coté de vous (c’est l’avantage majeur pour moi, surtout que bébé dort encore dans notre chambre et que je ne pouvais plus lire dans mon lit depuis presque un an. Grâce à la liseuse, j’ai à nouveau pu goûter à ce plaisir). Mais clairement, si je ne l’avais pas gagnée, jamais je ne m'en serais acheté une. D’ailleurs je ne l’ai pas allumée une seule fois depuis au moins deux mois, c’est dire.
Conclusion, ma liseuse et moi, on n'est pas fait pour s'entendre. Elle est trop jeune, trop moderne, trop dans l'air du temps, elle n'est pas assez chaleureuse, elle manque de douceur. Et puis elle manque aussi d'expérience, elle a encore tant de choses à améliorer. Bref, elle ne m'a pas séduit, loin de là. Il faut dire aussi que je ne suis pas un homme facile...
Une réflexion autour de la liseuse que j'ai le plaisir de partager avec George, Noukette, Saxaoul et Valérie.
samedi 8 mars 2014
vendredi 7 mars 2014
Mailman - J. Robert Lennon
Albert Lippincott, dit Mailman, est facteur à Nestor, petite
bourgade de l’état de New York. Mais Mailman n’est pas un facteur
comme les autres. C’est un facteur qui aime lire le courrier avant de le
distribuer. Il photocopie les missives après les avoir ouvertes à la vapeur.
Une sale manie qui va bien sûr entraîner sa perte. Il faut dire que Mailman est
un excentrique doublé d’un maniaque. Il a séjourné quelques temps à l’hôpital
psychiatrique, où il a rencontré une infirmière qui est devenue sa femme avant
de divorcer et de refaire sa vie avec un médecin. Il entretient une relation
particulièrement ambiguë avec sa grande sœur, il déteste les chats, qui le lui
rendent bien, il s’est lancé un temps dans l’humanitaire au Kazakhstan (le
fiasco total) et il sent depuis peu une grosseur sous son bras qui l’inquiète
au plus haut point. Bref, Mailman est un drôle de loustic un peu paumé, un
homme qui semble ne rien comprendre au monde et aux gens.
« Il se dit qu’il n’a ni passé ni avenir, qu’il n’y a
plus de kilomètres parcourus ni de kilomètres à parcourir, qu’il n’attend plus
rien, qu’il n’a plus honte de rien. » Et pourtant, il aurait de quoi avoir
honte, Mailman, parce que des casseroles, il s’en trimballe un sacré paquet :
la fois où sa mère lui a définitivement fait passer le goût de la masturbation,
la fois où il s’est fait choper devant un site porno sur un ordi de la
bibliothèque municipale, la fois où il s’est retrouvé devant une classe au Kazakhstan,
et tant d’autres encore… Ce personnage pourrait être tout droit sorti d’un
roman de John Kennedy Toole, même si je l’ai trouvé moins charismatique que le
Ignatius Reilly de La conjuration des imbéciles. Il possède néanmoins
ce coté misanthrope, ce coté gaffeur maladroit, cette dimension tragi-comique,
cette image de loser permanent qui caractérise le héros de Toole. Son combat
est perdu d’avance. D’ailleurs, contre qui, contre quoi se bat-il ? Uniquement
contre lui-même sans doute, c’est pour cela qu’il n’a aucune chance de gagner.
Un roman drôle, très drôle même, mais pas que.
Un roman tragique et au final terriblement pessimiste, mais pas que. Un roman
où l’Amérique semble habitée par une population au mieux névrosée, au pire
totalement cintrée. Bref, j’ai adoré. A part la fin qui, je dois l’avouer, ne m’a
pas plu du tout. Et puis ce pavé aurait mérité quelques coupes franches (je
parie que cela ne vous étonne pas venant de moi), certaines anecdotes n’ayant
pas grand intérêt. Mais bon, ça reste la littérature US décomplexée que j’aime
tant.
Encore une bonne pioche pour les éditions « Monsieur Toussaint
Louverture », dont le catalogue regorge déjà de nombre de pépites. En
plus, ce qui ne gâche rien, l’objet livre est vraiment magnifique. Un régal de
manipuler un ouvrage façonné avec autant de soin.
Mailman de J. Robert Lennon. Monsieur Toussaint Louverture,
2014. 668 pages. 23 euros.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Keisha.
jeudi 6 mars 2014
Après l’orage - Selva Almada
D’un coté, le révérend Pearson, pasteur évangélique, et sa
fille Leni, 16 ans. De l’autre, El Gringo Brauer, mécano de son état, et son
fils adoptif Tapioca. Les premiers sont tombés en panne au milieu de nulle part,
sous un cagnard étouffant. Les seconds occupent le seul garage à des kilomètres
à la ronde. Une rencontre intense, quatre personnages aux antipodes, une
ambiance qui peu à peu va se charger en électricité. Dans ce coin paumé du nord
de l’Argentine frappé par une infernale sécheresse, l’orage va gronder, les
éléments se déchaîner et les natures de chacun se révéler dans un final que
l’on devine rapidement inévitable...
La quatrième de couverture parle d’un huis clos à ciel
ouvert et c’est exactement ça. Le face à face entre le révérend et le garagiste
est d’une grande force. Le premier est un orateur hors pair, un homme qui sait
se montrer convaincant. Le second est un taiseux, profondément athée :
« Les affaires du ciel ne l’intéressaient pas. La religion était faite
pour les femmes et les hommes faibles. Le bien et le mal, c’était une autre
histoire : ça, c’était une question quotidienne, concrète, que l’on
pouvait affronter avec son corps. La religion, d’après lui, était une façon
d’éluder ses responsabilités. S’abriter derrière Dieu, attendre d’être sauvé,
ou rendre le diable responsable du mal qu’on était capable de faire. » Entre eux, l'affrontement ne pouvait que couler de source.
Un excellent premier roman. Chapitres courts, écriture sèche
et très visuelle, aller-retour entre le présent du récit et le passé des
personnages, Selva Almada possède à l’évidence un vrai sens de la narration. Il
y a quelque chose d’hypnotique dans ce texte. Chacun à l’air sûr de soi, maître
de ses paroles et de ses actes. Et pourtant on sent que l’étincelle qui va
mettre le feu au poudre ne demande qu’à jaillir. Tout tient dans l’ambiguïté
des attitudes, dans cette atmosphère immobile et irrespirable qui finit par
électriser le décor et les protagonistes. Le début de ma réconciliation avec la
littérature argentine à 15 jours du salon du livre, c’est parfait !
Après l’orage de Selva Almada. Métailié, 2014. 134 pages. 16
euros.
Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec
Valérie et une participation de plus à son challenge.
mercredi 5 mars 2014
Perico T1 - Philippe Berthet et Régis Hautière
Cuba, 1958. Le président Batista a du mal à contenir la
révolution castriste et les barons de la pègre locale s’inquiètent. Le meurtre
d’un américain va mettre le feu aux poudres. Une mallette de billets qui
disparaît et le jeune Joaquin, serveur sans histoire dans un casino de La
Havane, va voir sa vie basculer. Impliqué malgré lui dans une affaire qui le
dépasse, il part pour la Floride avec Elena, jeune chanteuse au charme vénéneux
promise à Trafficante, le plus grand parrain de l’île. A leurs trousses, une
horde de tueurs sans pitié...
Voila un pitch somme toute classique. Du noir bien serré à
la trame simplissime mais d’une redoutable efficacité. Berthet a demandé à
Régis Hautière de lui écrire une histoire après avoir lu et adoré Abélard (on
peut le comprendre). Le scénariste lui a concocté un récit aux petits oignons
dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler le « Privé
d’Hollywood », l’une de ses plus célèbres séries. En prime, j’ai retrouvé
dans ce premier tome plusieurs éléments inspirés d’Abélard : le jeune naïf
fou amoureux d’une femme fatale ne s’intéressant pas à lui, l’exil volontaire vers un
avenir que l'on pense meilleur, la rencontre impromptue avec un inconnu croisé au cours du
voyage... tout ça dans un diptyque. Pour le coup, on peut craindre le pire pour
notre jeune naïf quand on connait la fin d'Abélard !
Le graphisme est somptueux et Berthet s’en donne à cœur
joie. Cuba et la Floride des années 50-60 sont restitués avec une déconcertante
facilité. Voiture, vêtements, architecture, tout y est. Sans compter les femmes
à la plastique de rêve, une des « spécialités » du dessinateur des
incontournables « Pin-up ».
Un excellent premier volume, qui se dévore d’une traite. Moi qui ne suis pas amateur de polar, je me suis régalé. Et connaissant Hautière, je ne doute pas une seconde que la conclusion de ce road trip trépidant soit à la hauteur.
Perico T1 de Philippe Berthet et Régis Hautière. Dargaud,
2014. 64 pages. 15,00 euros.
dimanche 2 mars 2014
Des hommes en devenir - Bruce Machart
Regardez ces hommes. Celui-là vient de se faire larguer. Celui-ci
est « le dernier à être resté en Arkansas » après la mort accidentel
de son fils. Cet autre repense, 15 ans après, au jour où il est devenu veuf sur le
parking d’un supermarché. Et lui. Son bébé est mort in utero, à sept mois de
grossesse. Il se revoit tenant le petit corps sans vie pendant que sa femme
hurlait ; « Alors, vous n’allez même pas faire sa toilette.
Nettoyez-là, bon Dieu ! Qu’est-ce que vous attendez pour faire sa toilette ! »
Des hommes du Texas. Des « hommes rugueux et robustes,
des hommes qui ont les mains calleuses comme du cuir, des hommes qui n’ont pas
peur de garder un peu de tendresse dans leur poitrine et de l’exposer au grand
jour quand la situation l’exige, quelle que soit la souffrance que cela
implique ». Des hommes devant un vide vertigineux. Des hommes pour
lesquels le terme « reconstruction » n’est pas un vain mot. « Des
histoires d’hommes qui ont tous trois roues sur la route et une dans le fossé. »
Attention, grosse claque, énorme claque. Très longtemps que
je n’avais pas lu un recueil de nouvelles d’une telle qualité. Bruce Machart m’avait
déjà scié avec Le sillage de l’oubli. Ces nouvelles sont antérieures au roman
mais elles montrent déjà que l’on a affaire à un grand écrivain. La puissance
de son écriture est incroyable, tout comme sa science de la narration. Les
écrivaillons voulant se lancer dans la nouvelle devraient lire ces textes. C’est
une leçon magistrale. La quintessence du genre. Un vrai gros et beau coup de cœur
(y avait longtemps !).
Des hommes en devenir de Bruce Machart. Gallmeister, 2014.
190 pages. 22 euros
« Quand la
femme à laquelle vous êtes fiancé depuis cinq mois rentre à la maison après
avoir bossé toute la journée […] quand elle est un peu nerveuse ; quand elle
passe la porte et qu’elle vous trouve toujours en caleçon, en train de
gribouiller votre dernière histoire sur un bloc-notes, alors que le journal est
resté devant la porte d’entrée dans son emballage en plastique même pas ouvert,
les petites annonces bien au chaud à l’intérieur, sans que la moindre offre d’emploi
ait été encerclée ; et quand elle s’amène dans le couloir quelques instants
plus tard, à moitié à poil et en fronçant les sourcils, le visage rouge, aussi
impatiente de prendre sa douche que le serait une fermière après avoir saigné
un porc, alors vous comprenez que pour elle, vous n’êtes plus que de l’histoire
ancienne.»
Et avec un tout petit peu de retard, ce billet signe ma seconde participation au mois de la nouvelle de Flo.
samedi 1 mars 2014
La déclaration - Philippe Jalbert
Un album au titre étrange. Heureusement, la couverture dit tout et l’on comprend d’emblée que l’auteur ne va pas parler aux enfants des impôts sur le revenu. Il va plutôt leur parler d’un petit lapin amoureux qui décide de se lancer, un petit lapin qui va faire le grand saut. Pas facile d’oser une déclaration. Il faut se décider, trouver les mots, choisir un cadeau avec soin, rassembler son courage, etc. Vous avez peut-être déjà vécu ça ? Je vous le souhaite, c’est quelque chose de vertigineux et de grisant. Les papillons dans le ventre et les mains moites, le cœur qui s’emballe, la peur de l’échec, cette crainte que nos sentiments pour l’autre ne soient pas réciproques et, bien sûr, une conclusion idyllique, tout le monde devrait connaître ça au moins une fois dans sa vie.
Dans cet album, la déclaration se passe d’abord comme dans un rêve. A tel point que l’on se dit que c’est quand même un peu cucul. Mais en fait, non. Ce n’est pas cucul du tout. La fin réserve une grosse surprise, un gros éclat de rire aussi. Pour le coup, je n’avais rien vu venir. Chapeau bas monsieur Jalbert !
J’aime beaucoup les illustrations toute douces, les couleurs pastels, la bouille adorable de ce lapin finalement si touchant. Et j’adore cette conclusion un peu cinglante, ce dur retour à la réalité plein d’humour. Voila qui ressemble furieusement à un coup de cœur !
Pour tout vous dire, ce petit livre, on me l’a offert. Et je dois avouer que je ne savais pas trop comment le prendre au départ. Du moins avant de le lire. Parce qu’après, plus aucun doute, c’est juste le cadeau d’une amoureuse de littérature jeunesse à un amoureux de littérature jeunesse. Et c’est peu de dire que c’est aussi une attention qui m’a particulièrement touché…
La déclaration de Philippe Jalbert. Seuil jeunesse, 2014. 28 pages. 12,90 euros. A partir de 4-5 ans.
Dans cet album, la déclaration se passe d’abord comme dans un rêve. A tel point que l’on se dit que c’est quand même un peu cucul. Mais en fait, non. Ce n’est pas cucul du tout. La fin réserve une grosse surprise, un gros éclat de rire aussi. Pour le coup, je n’avais rien vu venir. Chapeau bas monsieur Jalbert !
J’aime beaucoup les illustrations toute douces, les couleurs pastels, la bouille adorable de ce lapin finalement si touchant. Et j’adore cette conclusion un peu cinglante, ce dur retour à la réalité plein d’humour. Voila qui ressemble furieusement à un coup de cœur !
Pour tout vous dire, ce petit livre, on me l’a offert. Et je dois avouer que je ne savais pas trop comment le prendre au départ. Du moins avant de le lire. Parce qu’après, plus aucun doute, c’est juste le cadeau d’une amoureuse de littérature jeunesse à un amoureux de littérature jeunesse. Et c’est peu de dire que c’est aussi une attention qui m’a particulièrement touché…
La déclaration de Philippe Jalbert. Seuil jeunesse, 2014. 28 pages. 12,90 euros. A partir de 4-5 ans.
vendredi 28 février 2014
Le radeau - Antoine Choplin
C’est un camion qui s’apprête à passer la Loire. En 1940. A
son bord il y a Louis. Et une cargaison inestimable qu’il faut à tout prix protéger
de la débâcle en cours. Il fait nuit. Dans la lumière des phares se dessine une
silhouette. Celle d’une femme qui marche. Avec sa mission, Louis se dit qu’il
ne peut pas s’arrêter. Respecter les consignes. Ne prendre aucun risque. Et
pourtant il freine, se range sur le coté en laissant le moteur tourner. Attend
la femme. Elle s’appelle Sarah et elle va prendre place coté passager. Le début
de leur histoire. Le roman est très court et je n’ai pas envie d’en dire plus. Sachez
juste que le texte se découpe en trois périodes bien distinctes : 1940 ;
1943 ; février 1944.
D’Antoine Choplin, j’avais adoré « La nuit tombée ».
Je retrouve ici avec plaisir son écriture sèche, ses phrases courtes, ses
ellipses et ses silences. Un enchaînement de petits riens, presque des
paragraphes indépendants les uns des autres. Mais si la première partie, celle
de la rencontre entre Louis et Sarah, est franchement réussie, je suis beaucoup
plus mitigé concernant la seconde, à laquelle j'ai eu du mal à trouver un véritable intérêt, en dehors de la magnifique scène ayant inspiré la
couverture de cette édition de poche. Quant
à la dernière, qui ne fait que trois pages, elle est parfaite de concision et d’intensité.
Un roman un peu bancal, donc. Il n'empêche, la plume de cet auteur a quelque chose d’envoûtant. Le coté elliptique fait que rien n'est donné au lecteur, les interprétations possibles sont nombreuses et j'aime ça. Au final, l'impression générale reste positive, c'est bien là le principal.
mercredi 26 février 2014
Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? - Zidrou et Roger
J’aime Zidrou pour ses prises de risque. J’aime qu’un auteur
puisse passer de Ducobu à Lydie, de Boule à zéro au Beau voyage, de Tamara à La
peau de l’ours. Je n’ai pas lu tous ses albums, loin s’en faut. Certains ne m’attirent
d’ailleurs pas du tout (Tueurs de mamans par exemple), mais il est impossible
de ne pas reconnaître en lui un touche-à-tout de grand talent. Et ce qui est
fort, c’est qu’il utilise la notoriété acquise avec ses séries phares pour
faire passer auprès des éditeurs des projets beaucoup plus casse-gueule. Comme
cet album au titre à rallonge par exemple.
Parce que mettre en scène un adulte handicapé mental et une
mère entièrement dévouée à son bien être, fallait oser. Une mère qui n’hésite
pas à déclarer quand on lui demande des nouvelles de son fils : « Il
vit sa vie, quoi ! Avec ses petites misères et ses grandes joies. Et moi
aussi… je vis sa vie. » Une mère qui va au vidéo club lui emprunter son
DVD porno préféré, qui supporte ses lubies et ses crises, ses questions
répétées cent fois. Une mère fragile sous l’apparente solidité, une mère à qui
le poids des ans rappelle qu’elle ne sera pas toujours là pour veiller sur lui.
Et tout ça sans pathos. Sans surjouer. Avec un enchaînement de
petites scènes du quotidien où le voyeurisme et le misérabilisme n’ont pas leur
place. Toujours cette humanité en marche chez Zidrou, cette façon de vous
toucher avec trois fois rien. L’émotion est là, palpable mais jamais
envahissante. C’est vraiment fort.
J’avais apprécié le travail du dessinateur espagnol Roger
sur la série Jazz Maynard. Ici son trait s’arrondit quelque peu, il est moins
heurté, moins nerveux, et c’est une bonne chose par rapport à l’histoire. Par
contre niveau couleur, ce n’est pas une réussite (longtemps que n’avais
pas râlé contre la couleur !).
Au final, cela reste un album superbe, tout en sensibilité. Un grand merci et un gros bisou à la blogueuse qui a eu la gentillesse de me l'offrir pour mon anniversaire.
Au final, cela reste un album superbe, tout en sensibilité. Un grand merci et un gros bisou à la blogueuse qui a eu la gentillesse de me l'offrir pour mon anniversaire.
Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui
reprisait ses chaussettes ? de Zidrou et Roger. Dargaud, 2013. 56 pages. 15
euros.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Anne.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Anne.
mardi 25 février 2014
Amorostasia - Cyril Bonin
Des amoureux frappés de plein fouet par une étrange
maladie : « rigidité, inertie musculaire, mutisme… les victimes sont
dans un état cataleptique ou catatonique. » Le virus est baptisé
Amorostasia. Et si au départ il ne semble toucher que Paris, il se répand
rapidement dans toute la France. Les médecins ne trouvant aucun remède, les
autorités prennent des décisions radicales (et absurdes) pour endiguer la
maladie, mais rien n’y fait. Olga, journaliste, est chargée d’enquêter sur le
sujet. Elle va constater, chemin faisant, le néant de sa propre vie
sentimentale…
Une belle idée. A quoi bon vivre sans amour ? Pourquoi
chercher à guérir les malades, statufiés mais semblant parfaitement
heureux ? Après tout, plus rien ne peut leur arriver dans leur
« bulle ». J’ai apprécié les réflexions que suscite l’émergence de
cette drôle de maladie. Olga, en couple, se demande pourquoi ni elle ni son
homme n’ont été touchés alors que sa concierge et son mari, qui ne cessent de
s’engueuler, ont été retrouvés pétrifiés, assis face à face devant leur
assiette de soupe. Finalement, l’amorostasia sert de révélateur pour les
amoureux et ceux qui ont l’illusion de l’être. Pour autant, certains prennent
les choses avec philosophie. Les parents de la journaliste ont échappé au virus
et je trouve leur explication pertinente : « nous avons dû admettre que
nous n’étions plus amoureux. Mais en revanche, nous avons aussi constaté qu’il
y avait une grande tendresse entre nous, une grande complicité… nous nous
connaissons si bien, nous nous faisons confiance et sommes fidèles l’un à
l’autre. Jamais nous ne voudrions nous faire de mal. Peut-être même est-ce
mieux ainsi ? ». Finalement, l’amour peut prendre tellement de
formes, de l’amour fusionnel à l’amour idéal, de l’amour romantique à l’amour
vain en passant par l’amour filial et l’amour-amitié, un concept que j’ai
découvert il y a peu… Bref, cet album questionne énormément et apporte bien peu
de réponses, mais cela me convient parfaitement.
Je ne connaissais pas Cyril Bonin et je dois avouer que j’aime beaucoup son
dessin. Ses cadrages variés et son découpage dynamique rendent la lecture des
plus agréables. Je suis juste un peu sceptique par rapport à l’absence de
couleur (pour une fois !), je trouve ces tons de gris un peu tristounet.
L'idée de départ est excellente et la fin parfaite, je trouve. Entre les deux, beaucoup de pistes sont lancées sans forcément être creusées, ce qui peut donner l'impression d'un certain manque de profondeur. Personnellement, je n'ai pas ressenti les choses ainsi et cet album me paraît au contraire très abouti. Une vraie belle découverte !
Amorostasia de Cyril Bonin. Futuropolis, 2013. 128 pages. 19
euros.
Une lecture un peu particulière aujourd'hui, d'une part parce que je la partage avec Cristina (et je crois bien que c'est notre première LC), et d'autre part parce que cet album m'a été offert par quelqu'un de très cher. Une BD qui compte donc un peu (voire beaucoup) plus que d'autres...
Les avis de Cristie, Lasardine, Marion, Moka, Natiora, Noukette, Sandrine et Yvan.
lundi 24 février 2014
Les lectures de Charlotte (2) : Hier, je t'ai...
« Hier, je t’ai...
désiré
espéré
attendu
découvert
nourri
consolé
dorloté
supporté
porté
écouté
encouragé
laissé t’envoler »
On m’a chuchoté le titre de ce livre au creux de l’oreille. On m’a précisé, « ça devrait parler à ton cœur de papa ». Et bien c’est tout à fait ça. Dans cet album, une maman raconte sa naissance à son enfant. Elle dit les moments tendres, les étapes clés de leur vie commune.
Un mot par page, accompagné en vis-à-vis d’une magnifique illustration. Des volatiles et leurs petits dessinés aux pastels et à la craie. L’émotion naît de la liaison entre le texte et l’image. Tout est là, l’amour d’une mère déroulé mot à mot. C’est doux et c’est beau, ça va vous faire fondre.
Je dois avouer que quand j’ai vu ma femme le lire à Charlotte, ça m’a fait un petit quelque chose. Mon cœur de gros dur tatoué n’est peut-être pas si sec que cela finalement... Un album à offrir à toutes les mamans, celles qui le sont déjà et celles qui vont le devenir.
Hier je t'ai... de Mies van Hout.Minedition, 2013.28 pages. 14.20 euros.
désiré
espéré
attendu
découvert
nourri
consolé
dorloté
supporté
porté
écouté
encouragé
laissé t’envoler »
On m’a chuchoté le titre de ce livre au creux de l’oreille. On m’a précisé, « ça devrait parler à ton cœur de papa ». Et bien c’est tout à fait ça. Dans cet album, une maman raconte sa naissance à son enfant. Elle dit les moments tendres, les étapes clés de leur vie commune.
Un mot par page, accompagné en vis-à-vis d’une magnifique illustration. Des volatiles et leurs petits dessinés aux pastels et à la craie. L’émotion naît de la liaison entre le texte et l’image. Tout est là, l’amour d’une mère déroulé mot à mot. C’est doux et c’est beau, ça va vous faire fondre.
Je dois avouer que quand j’ai vu ma femme le lire à Charlotte, ça m’a fait un petit quelque chose. Mon cœur de gros dur tatoué n’est peut-être pas si sec que cela finalement... Un album à offrir à toutes les mamans, celles qui le sont déjà et celles qui vont le devenir.
Hier je t'ai... de Mies van Hout.Minedition, 2013.28 pages. 14.20 euros.
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