samedi 8 mars 2014

Ma liseuse et moi...

En décembre dernier j'ai eu la chance de gagner une liseuse Kobo grâce aux "Matchs de la rentrée littéraire de Priceminister". Un beau cadeau de Noël. Pas que je souhaitais particulièrement en acquérir une mais j'étais curieux de voir ce que pouvait donner la lecture sur un tel support. Trois mois après, force est de constater que la greffe vers le livre numérique n'a pas prise en ce qui me concerne.

Si je devais lister les inconvénients, je mettrais en premier l’aspect périssable de l’objet (qui existe aussi avec le livre papier évidemment, mais en général on abîme qu’un livre à la fois alors que si la liseuse vous lâche...), son obsolescence programmée aussi. Et puis sa fragilité (je n’emmènerai jamais ma liseuse à la plage, entre le sable et la chaleur...). Sans compter les difficultés de téléchargement que j’ai déjà vécues et qui m’ont juste donné envie de jeter la liseuse contre un mur. Il y a aussi un problème de tarif. Le prix du numérique reste trop proche de la version papier. A 2 ou 3 euros près, je ne vois pas l’intérêt de payer pour du virtuel. L'absence de couleur rend par ailleurs impossible la lecture de BD. Et puis en littérature jeunesse, tous ces albums incroyables au formats atypiques ne peuvent pas être transférés sur une liseuse, ils perdraient leur raison d'être. Mais le plus important pour moi est l’absence totale de plaisir dans la manipulation de la liseuse. En fait, pour de la lecture « fonctionnelle » (presse, recettes, blogs, etc) le numérique ne me pose aucun problème. Mais pour la lecture « fictionnelle » j’ai besoin de contact, de toucher le papier, de caresser la couverture (le dernier exemple en date me concernant est « Mailman » parce que chez Toussaint Louverture, les romans sont de véritables objets-livres qui participent grandement au plaisir de la lecture). Finalement c’est ça mon problème, je vois la liseuse comme un objet utilitaire alors que dans mon esprit le livre est tout sauf utilitaire. Je crois que je suis juste un vieux réac.

Après il y aussi des avantages. Tous ces classiques que l’on peut télécharger gratuitement, l’éclairage d’excellente qualité qui permet de lire en pleine nuit sans réveiller la personne qui est à coté de vous (c’est l’avantage majeur pour moi, surtout que bébé dort encore dans notre chambre et que je ne pouvais plus lire dans mon lit depuis presque un an. Grâce à la liseuse, j’ai à nouveau pu goûter à ce plaisir). Mais clairement, si je ne l’avais pas gagnée, jamais je ne m'en serais acheté une. D’ailleurs je ne l’ai pas allumée une seule fois depuis au moins deux mois, c’est dire.

Conclusion, ma liseuse et moi, on n'est pas fait pour s'entendre. Elle est trop jeune, trop moderne, trop dans l'air du temps, elle n'est pas assez chaleureuse, elle manque de douceur. Et puis elle manque aussi d'expérience, elle a encore tant de choses à améliorer. Bref, elle ne m'a pas séduit, loin de là. Il faut dire aussi que je ne suis pas un homme facile...

Une réflexion autour de la liseuse que j'ai le plaisir de partager avec George, Noukette, Saxaoul et Valérie.





 

vendredi 7 mars 2014

Mailman - J. Robert Lennon

Albert Lippincott, dit Mailman, est facteur à Nestor, petite bourgade de l’état de New York. Mais Mailman n’est pas un facteur comme les autres. C’est un facteur qui aime lire le courrier avant de le distribuer. Il photocopie les missives après les avoir ouvertes à la vapeur. Une sale manie qui va bien sûr entraîner sa perte. Il faut dire que Mailman est un excentrique doublé d’un maniaque. Il a séjourné quelques temps à l’hôpital psychiatrique, où il a rencontré une infirmière qui est devenue sa femme avant de divorcer et de refaire sa vie avec un médecin. Il entretient une relation particulièrement ambiguë avec sa grande sœur, il déteste les chats, qui le lui rendent bien, il s’est lancé un temps dans l’humanitaire au Kazakhstan (le fiasco total) et il sent depuis peu une grosseur sous son bras qui l’inquiète au plus haut point. Bref, Mailman est un drôle de loustic un peu paumé, un homme qui semble ne rien comprendre au monde et aux gens.

« Il se dit qu’il n’a ni passé ni avenir, qu’il n’y a plus de kilomètres parcourus ni de kilomètres à parcourir, qu’il n’attend plus rien, qu’il n’a plus honte de rien. » Et pourtant, il aurait de quoi avoir honte, Mailman, parce que des casseroles, il s’en trimballe un sacré paquet : la fois où sa mère lui a définitivement fait passer le goût de la masturbation, la fois où il s’est fait choper devant un site porno sur un ordi de la bibliothèque municipale, la fois où il s’est retrouvé devant une classe au Kazakhstan, et tant d’autres encore… Ce personnage pourrait être tout droit sorti d’un roman de John Kennedy Toole, même si je l’ai trouvé moins charismatique que le Ignatius Reilly de La conjuration des imbéciles. Il possède néanmoins ce coté misanthrope, ce coté gaffeur maladroit, cette dimension tragi-comique, cette image de loser permanent qui caractérise le héros de Toole. Son combat est perdu d’avance. D’ailleurs, contre qui, contre quoi se bat-il ? Uniquement contre lui-même sans doute, c’est pour cela qu’il n’a aucune chance de gagner.

Un roman drôle, très drôle même, mais pas que. Un roman tragique et au final terriblement pessimiste, mais pas que. Un roman où l’Amérique semble habitée par une population au mieux névrosée, au pire totalement cintrée. Bref, j’ai adoré. A part la fin qui, je dois l’avouer, ne m’a pas plu du tout. Et puis ce pavé aurait mérité quelques coupes franches (je parie que cela ne vous étonne pas venant de moi), certaines anecdotes n’ayant pas grand intérêt. Mais bon, ça reste la littérature US décomplexée que j’aime tant.

Encore une bonne pioche pour les éditions « Monsieur Toussaint Louverture », dont le catalogue regorge déjà de nombre de pépites. En plus, ce qui ne gâche rien, l’objet livre est vraiment magnifique. Un régal de manipuler un ouvrage façonné avec autant de soin. 


Mailman de J. Robert Lennon. Monsieur Toussaint Louverture, 2014. 668 pages. 23 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Keisha.


jeudi 6 mars 2014

Après l’orage - Selva Almada

D’un coté, le révérend Pearson, pasteur évangélique, et sa fille Leni, 16 ans. De l’autre, El Gringo Brauer, mécano de son état, et son fils adoptif Tapioca. Les premiers sont tombés en panne au milieu de nulle part, sous un cagnard étouffant. Les seconds occupent le seul garage à des kilomètres à la ronde. Une rencontre intense, quatre personnages aux antipodes, une ambiance qui peu à peu va se charger en électricité. Dans ce coin paumé du nord de l’Argentine frappé par une infernale sécheresse, l’orage va gronder, les éléments se déchaîner et les natures de chacun se révéler dans un final que l’on devine rapidement inévitable...

La quatrième de couverture parle d’un huis clos à ciel ouvert et c’est exactement ça. Le face à face entre le révérend et le garagiste est d’une grande force. Le premier est un orateur hors pair, un homme qui sait se montrer convaincant. Le second est un taiseux, profondément athée : « Les affaires du ciel ne l’intéressaient pas. La religion était faite pour les femmes et les hommes faibles. Le bien et le mal, c’était une autre histoire : ça, c’était une question quotidienne, concrète, que l’on pouvait affronter avec son corps. La religion, d’après lui, était une façon d’éluder ses responsabilités. S’abriter derrière Dieu, attendre d’être sauvé, ou rendre le diable responsable du mal qu’on était capable de faire. » Entre eux, l'affrontement ne pouvait que couler de source.

Un excellent premier roman. Chapitres courts, écriture sèche et très visuelle, aller-retour entre le présent du récit et le passé des personnages, Selva Almada possède à l’évidence un vrai sens de la narration. Il y a quelque chose d’hypnotique dans ce texte. Chacun à l’air sûr de soi, maître de ses paroles et de ses actes. Et pourtant on sent que l’étincelle qui va mettre le feu au poudre ne demande qu’à jaillir. Tout tient dans l’ambiguïté des attitudes, dans cette atmosphère immobile et irrespirable qui finit par électriser le décor et les protagonistes. Le début de ma réconciliation avec la littérature argentine à 15 jours du salon du livre, c’est parfait !

Après l’orage de Selva Almada. Métailié, 2014. 134 pages. 16 euros.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Valérie et une participation de plus à son challenge.





mercredi 5 mars 2014

Perico T1 - Philippe Berthet et Régis Hautière

Cuba, 1958. Le président Batista a du mal à contenir la révolution castriste et les barons de la pègre locale s’inquiètent. Le meurtre d’un américain va mettre le feu aux poudres. Une mallette de billets qui disparaît et le jeune Joaquin, serveur sans histoire dans un casino de La Havane, va voir sa vie basculer. Impliqué malgré lui dans une affaire qui le dépasse, il part pour la Floride avec Elena, jeune chanteuse au charme vénéneux promise à Trafficante, le plus grand parrain de l’île. A leurs trousses, une horde de tueurs sans pitié...

Voila un pitch somme toute classique. Du noir bien serré à la trame simplissime mais d’une redoutable efficacité. Berthet a demandé à Régis Hautière de lui écrire une histoire après avoir lu et adoré Abélard (on peut le comprendre). Le scénariste lui a concocté un récit aux petits oignons dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler le « Privé d’Hollywood », l’une de ses plus célèbres séries. En prime, j’ai retrouvé dans ce premier tome plusieurs éléments inspirés d’Abélard : le jeune naïf fou amoureux d’une femme fatale ne s’intéressant pas à lui, l’exil volontaire vers un avenir que l'on pense meilleur, la rencontre impromptue avec un inconnu croisé au cours du voyage... tout ça dans un diptyque. Pour le coup, on peut craindre le pire pour notre jeune naïf quand on connait la fin d'Abélard !

Le graphisme est somptueux et Berthet s’en donne à cœur joie. Cuba et la Floride des années 50-60 sont restitués avec une déconcertante facilité. Voiture, vêtements, architecture, tout y est. Sans compter les femmes à la plastique de rêve, une des « spécialités » du dessinateur des incontournables « Pin-up ».

Un excellent premier volume, qui se dévore d’une traite. Moi qui ne suis pas amateur de polar, je me suis régalé. Et connaissant Hautière, je ne doute pas une seconde que la conclusion de ce road trip trépidant soit à la hauteur.


Perico T1 de Philippe Berthet et Régis Hautière. Dargaud, 2014. 64 pages. 15,00 euros.






dimanche 2 mars 2014

Des hommes en devenir - Bruce Machart

Regardez ces hommes. Celui-là vient de se faire larguer. Celui-ci est « le dernier à être resté en Arkansas » après la mort accidentel de son fils. Cet autre repense, 15 ans après, au jour où il est devenu veuf sur le parking d’un supermarché. Et lui. Son bébé est mort in utero, à sept mois de grossesse. Il se revoit tenant le petit corps sans vie pendant que sa femme hurlait ; « Alors, vous n’allez même pas faire sa toilette. Nettoyez-là, bon Dieu ! Qu’est-ce que vous attendez pour faire sa toilette ! »

Des hommes du Texas. Des « hommes rugueux et robustes, des hommes qui ont les mains calleuses comme du cuir, des hommes qui n’ont pas peur de garder un peu de tendresse dans leur poitrine et de l’exposer au grand jour quand la situation l’exige, quelle que soit la souffrance que cela implique ». Des hommes devant un vide vertigineux. Des hommes pour lesquels le terme « reconstruction » n’est pas un vain mot. « Des histoires d’hommes qui ont tous trois roues sur la route et une dans le fossé. »

Attention, grosse claque, énorme claque. Très longtemps que je n’avais pas lu un recueil de nouvelles d’une telle qualité. Bruce Machart m’avait déjà scié avec Le sillage de l’oubli. Ces nouvelles sont antérieures au roman mais elles montrent déjà que l’on a affaire à un grand écrivain. La puissance de son écriture est incroyable, tout comme sa science de la narration. Les écrivaillons voulant se lancer dans la nouvelle devraient lire ces textes. C’est une leçon magistrale. La quintessence du genre. Un vrai gros et beau coup de cœur (y avait longtemps !).

Des hommes en devenir de Bruce Machart. Gallmeister, 2014. 190 pages. 22 euros

« Quand la femme à laquelle vous êtes fiancé depuis cinq mois rentre à la maison après avoir bossé toute la journée […] quand elle est un peu nerveuse ; quand elle passe la porte et qu’elle vous trouve toujours en caleçon, en train de gribouiller votre dernière histoire sur un bloc-notes, alors que le journal est resté devant la porte d’entrée dans son emballage en plastique même pas ouvert, les petites annonces bien au chaud à l’intérieur, sans que la moindre offre d’emploi ait été encerclée ; et quand elle s’amène dans le couloir quelques instants plus tard, à moitié à poil et en fronçant les sourcils, le visage rouge, aussi impatiente de prendre sa douche que le serait une fermière après avoir saigné un porc, alors vous comprenez que pour elle, vous n’êtes plus que de l’histoire ancienne.»



Et avec un tout petit peu de retard, ce billet signe ma seconde participation au mois de la nouvelle de Flo.





samedi 1 mars 2014

La déclaration - Philippe Jalbert

Un album au titre étrange. Heureusement, la couverture dit tout et l’on comprend d’emblée que l’auteur ne va pas parler aux enfants des impôts sur le revenu. Il va plutôt leur parler d’un petit lapin amoureux qui décide de se lancer, un petit lapin qui va faire le grand saut. Pas facile d’oser une déclaration. Il faut se décider, trouver les mots, choisir un cadeau avec soin, rassembler son courage, etc. Vous avez peut-être déjà vécu ça ? Je vous le souhaite, c’est quelque chose de vertigineux et de grisant. Les papillons dans le ventre et les mains moites, le cœur qui s’emballe, la peur de l’échec, cette crainte que nos sentiments pour l’autre ne soient pas réciproques et, bien sûr, une conclusion idyllique, tout le monde devrait connaître ça au moins une fois dans sa vie.

Dans cet album, la déclaration se passe d’abord comme dans un rêve. A tel point que l’on se dit que c’est quand même un peu cucul. Mais en fait, non. Ce n’est pas cucul du tout. La fin réserve une grosse surprise, un gros éclat de rire aussi. Pour le coup, je n’avais rien vu venir. Chapeau bas monsieur Jalbert !

J’aime beaucoup les illustrations toute douces, les couleurs pastels, la bouille adorable de ce lapin finalement si touchant. Et j’adore cette conclusion un peu cinglante, ce dur retour à la réalité plein d’humour. Voila qui ressemble furieusement à un coup de cœur !

Pour tout vous dire, ce petit livre, on me l’a offert. Et je dois avouer que je ne savais pas trop comment le prendre au départ. Du moins avant de le lire. Parce qu’après, plus aucun doute, c’est juste le cadeau d’une amoureuse de littérature jeunesse à un amoureux de littérature jeunesse.  Et c’est peu de dire que c’est aussi une attention qui m’a particulièrement touché…

La déclaration de Philippe Jalbert. Seuil jeunesse, 2014. 28 pages. 12,90 euros. A partir de 4-5 ans.





vendredi 28 février 2014

Le radeau - Antoine Choplin


C’est un camion qui s’apprête à passer la Loire. En 1940. A son bord il y a Louis. Et une cargaison inestimable qu’il faut à tout prix protéger de la débâcle en cours. Il fait nuit. Dans la lumière des phares se dessine une silhouette. Celle d’une femme qui marche. Avec sa mission, Louis se dit qu’il ne peut pas s’arrêter. Respecter les consignes. Ne prendre aucun risque. Et pourtant il freine, se range sur le coté en laissant le moteur tourner. Attend la femme. Elle s’appelle Sarah et elle va prendre place coté passager. Le début de leur histoire. Le roman est très court et je n’ai pas envie d’en dire plus. Sachez juste que le texte se découpe en trois périodes bien distinctes : 1940 ; 1943 ; février 1944.  

D’Antoine Choplin, j’avais adoré « La nuit tombée ». Je retrouve ici avec plaisir son écriture sèche, ses phrases courtes, ses ellipses et ses silences. Un enchaînement de petits riens, presque des paragraphes indépendants les uns des autres. Mais si la première partie, celle de la rencontre entre Louis et Sarah, est franchement réussie, je suis beaucoup plus mitigé concernant la seconde, à laquelle j'ai eu du mal à trouver un véritable intérêt, en dehors de la magnifique scène ayant inspiré la couverture de cette édition de poche. Quant à la dernière, qui ne fait que trois pages, elle est parfaite de concision et d’intensité.

Un roman un peu bancal, donc. Il n'empêche, la plume de cet auteur a quelque chose d’envoûtant. Le coté elliptique fait que rien n'est donné au lecteur, les interprétations possibles sont nombreuses et j'aime ça. Au final, l'impression générale reste positive, c'est bien là le principal. 


Radeau d’Antoine Choplin. Points, 2013. 125 pages. 5,50 euros.

Qui dit Antoine Choplin dit lecture commune avec Noukette. Pas possible autrement. D'ailleurs, le recueil de nouvelles qu'il vient de sortir nous attend déjà. Ce sera pour bientôt...

Les avis d'Hélène et de Midola.


mercredi 26 février 2014

Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? - Zidrou et Roger

J’aime Zidrou pour ses prises de risque. J’aime qu’un auteur puisse passer de Ducobu à Lydie, de Boule à zéro au Beau voyage, de Tamara à La peau de l’ours. Je n’ai pas lu tous ses albums, loin s’en faut. Certains ne m’attirent d’ailleurs pas du tout (Tueurs de mamans par exemple), mais il est impossible de ne pas reconnaître en lui un touche-à-tout de grand talent. Et ce qui est fort, c’est qu’il utilise la notoriété acquise avec ses séries phares pour faire passer auprès des éditeurs des projets beaucoup plus casse-gueule. Comme cet album au titre à rallonge par exemple.  

Parce que mettre en scène un adulte handicapé mental et une mère entièrement dévouée à son bien être, fallait oser. Une mère qui n’hésite pas à déclarer quand on lui demande des nouvelles de son fils : « Il vit sa vie, quoi ! Avec ses petites misères et ses grandes joies. Et moi aussi… je vis sa vie. » Une mère qui va au vidéo club lui emprunter son DVD porno préféré, qui supporte ses lubies et ses crises, ses questions répétées cent fois. Une mère fragile sous l’apparente solidité, une mère à qui le poids des ans rappelle qu’elle ne sera pas toujours là pour veiller sur lui.

Et tout ça sans pathos. Sans surjouer. Avec un enchaînement de petites scènes du quotidien où le voyeurisme et le misérabilisme n’ont pas leur place. Toujours cette humanité en marche chez Zidrou, cette façon de vous toucher avec trois fois rien. L’émotion est là, palpable mais jamais envahissante. C’est vraiment fort.

J’avais apprécié le travail du dessinateur espagnol Roger sur la série Jazz Maynard. Ici son trait s’arrondit quelque peu, il est moins heurté, moins nerveux, et c’est une bonne chose par rapport à l’histoire. Par contre niveau couleur, ce n’est pas une réussite (longtemps que n’avais pas râlé contre la couleur !).

Au final, cela reste un album superbe, tout en sensibilité. Un grand merci et un gros bisou à la blogueuse qui a eu la gentillesse de me l'offrir pour mon anniversaire.


Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? de Zidrou et Roger. Dargaud, 2013. 56 pages. 15 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Anne.

Les avis de Choco ; LasardinemanU ; Noukette ; Yaneck ; Yvan


mardi 25 février 2014

Amorostasia - Cyril Bonin

Des amoureux frappés de plein fouet par une étrange maladie : « rigidité, inertie musculaire, mutisme… les victimes sont dans un état cataleptique ou catatonique. » Le virus est baptisé Amorostasia. Et si au départ il ne semble toucher que Paris, il se répand rapidement dans toute la France. Les médecins ne trouvant aucun remède, les autorités prennent des décisions radicales (et absurdes) pour endiguer la maladie, mais rien n’y fait. Olga, journaliste, est chargée d’enquêter sur le sujet. Elle va constater, chemin faisant, le néant de sa propre vie sentimentale…

Une belle idée. A quoi bon vivre sans amour ? Pourquoi chercher à guérir les malades, statufiés mais semblant parfaitement heureux ? Après tout, plus rien ne peut leur arriver dans leur « bulle ». J’ai apprécié les réflexions que suscite l’émergence de cette drôle de maladie. Olga, en couple, se demande pourquoi ni elle ni son homme n’ont été touchés alors que sa concierge et son mari, qui ne cessent de s’engueuler, ont été retrouvés pétrifiés, assis face à face devant leur assiette de soupe. Finalement, l’amorostasia sert de révélateur pour les amoureux et ceux qui ont l’illusion de l’être. Pour autant, certains prennent les choses avec philosophie. Les parents de la journaliste ont échappé au virus et je trouve leur explication pertinente : « nous avons dû admettre que nous n’étions plus amoureux. Mais en revanche, nous avons aussi constaté qu’il y avait une grande tendresse entre nous, une grande complicité… nous nous connaissons si bien, nous nous faisons confiance et sommes fidèles l’un à l’autre. Jamais nous ne voudrions nous faire de mal. Peut-être même est-ce mieux ainsi ? ». Finalement, l’amour peut prendre tellement de formes, de l’amour fusionnel à l’amour idéal, de l’amour romantique à l’amour vain en passant par l’amour filial et l’amour-amitié, un concept que j’ai découvert il y a peu… Bref, cet album questionne énormément et apporte bien peu de réponses, mais cela me convient parfaitement.

Je ne connaissais pas Cyril Bonin et je dois avouer que j’aime beaucoup son dessin. Ses cadrages variés et son découpage dynamique rendent la lecture des plus agréables. Je suis juste un peu sceptique par rapport à l’absence de couleur (pour une fois !), je trouve ces tons de gris un peu tristounet.

L'idée de départ est excellente et la fin parfaite, je trouve. Entre les deux, beaucoup de pistes sont lancées sans forcément être creusées, ce qui peut donner l'impression d'un certain manque de profondeur. Personnellement, je n'ai pas ressenti les choses ainsi et cet album me paraît au contraire très abouti. Une vraie belle découverte ! 


Amorostasia de Cyril Bonin. Futuropolis, 2013. 128 pages. 19 euros.

Une lecture un peu particulière aujourd'hui, d'une part parce que je la partage avec Cristina (et je crois bien que c'est notre première LC), et d'autre part parce que cet album m'a été offert par quelqu'un de très cher. Une BD qui compte donc un peu (voire beaucoup) plus que d'autres...


Les avis de Cristie, Lasardine, MarionMoka, Natiora, Noukette,  Sandrine et Yvan.



lundi 24 février 2014

Les lectures de Charlotte (2) : Hier, je t'ai...

« Hier, je t’ai...
désiré
espéré
attendu
découvert
nourri
consolé
dorloté
supporté
porté
écouté
encouragé
laissé t’envoler »


On m’a chuchoté le titre de ce livre au creux de l’oreille. On m’a précisé, « ça devrait parler à ton cœur de papa ». Et bien c’est tout à fait ça. Dans cet album, une maman raconte sa naissance à son enfant. Elle dit les moments tendres, les étapes clés de leur vie commune.

Un mot par page, accompagné en vis-à-vis d’une magnifique illustration. Des volatiles et leurs petits dessinés aux pastels et à la craie. L’émotion naît de la liaison entre le texte et l’image. Tout est là, l’amour d’une mère déroulé mot à mot. C’est doux et c’est beau, ça va vous faire fondre.

Je dois avouer que quand j’ai vu ma femme le lire à Charlotte, ça m’a fait un petit quelque chose. Mon cœur de gros dur tatoué n’est peut-être pas si sec que cela finalement... Un album à offrir à toutes les mamans, celles qui le sont déjà et celles qui vont le devenir.

Hier je t'ai... de Mies van Hout.Minedition, 2013.28 pages. 14.20 euros.