Pollock © Libretto 2013 |
A découvrir aujourd’hui ces
nouvelles publiées avant le roman, je me dis que le bonhomme sait aussi y faire
avec la forme courte. Ce que j’apprécie chez lui, c’est qu’il ne faut pas trois
plombes avant de savoir où on met les pieds. Laissez-lui cinq lignes et il vous
plante le décor de façon magistrale. Exemple avec la première phrase de la
nouvelle intitulée Dynamite Hole : « Je descendais juste des
Mitchell Flats avec trois pointes de flèches dans ma poche et un serpent
copperhead mort qui me pendait autour du cou comme un châle de vieille bonne
femme, quand j’ai surpris un gars nommé Truman Mackey en train de baiser sa
petite sœur dans Dynamite Hole. »
Bienvenue à Knockemstiff, Ohio.
Le trou de balle de l’Amérique. Une population 100% blanche, désœuvrée,
décérébrée, accro à toutes les sortes d’opiacées imaginables et qui vit dans
des caravanes où des mobil-homes. On y croise un père ravi de voir son fils
casser la gueule à un autre gamin sous ses yeux, une nièce qui joue les
racoleuses pour sa tante et drogue le premier clampin venu afin que la
tata ait un homme à poil dans son lit en se réveillant le matin ou encore une
nana qui adore à ce point le poisson pané qu’elle en garde toujours quelques
bâtonnets au fond de son sac à main. Tous ces gens vivent en vase clos.
Impensable pour eux de sortir des limites du comté pour aller « découvrir
le monde. » Et quand ils tentent leur chance c’est pour être pris en stop
par un camionneur aux intentions pas très catholiques. Dix-huit nouvelles pour
autant de cas totalement irrécupérables. Y a pas à dire, elle est pas
jolie-jolie la vie au fin fond de l’Ohio !
Attention, cette prose au
vitriol est dangereuse : ça pique, ça gratte, c’est hautement abrasif et
furieusement décomplexé. Vous serez prévenu, lire une nouvelle de D. Ray
Pollock, c’est un peu comme s’exfolier au papier de verre. Spéciale comme
pratique mais perso, c’est tout ce que j’aime...
Un grand merci à Valérie qui
m’a signalé que ce titre faisait partie de la sélection de la dernière
opération Masse critique de Babelio. Sans elle je crois que je serais passé à
coté et j’aurais vraiment raté quelque chose !
Knockemstiff, de
Donald Ray Pollock. Libretto, 2013. 346
pages. 9,10 euros.