Huzlehurst, Mississipi, années 20. Bull Rockwell et Elmer Turpin débarquent à l’hôtel Plaza, le seul de ce bled paumé comptant 2027 âmes. Les deux hommes sont des tueurs à gage. Leur objectif est un notable de la ville dont la fille Omara fait tourner bien des têtes. Le second client de l’hôtel se nomme Mr Oerle. Il travaille pour la Vocalion American, une maison de disque qui recrute les meilleurs joueurs de blues. L’un de ses rabatteurs locaux lui a parlé de Hambone, un incroyable guitariste qu’il doit absolument emmener à Memphis pour pouvoir l’enregistrer. Problème, Hambone ne peut jouer qu’en présence de sa chérie Ophélia et cette dernière reste introuvable. Dans la moiteur étouffante du sud profond, tous ces personnages vont se télescoper et devenir les acteurs d’un terrible drame.
Avec la ballade de Hambone, les auteurs mettent en scène une tragédie moderne. Des destins auxquels personne n’échappe dans une ambiance à la fois crépusculaire et morbide. Il y a une sorte de poésie sombre qui traverse chaque planche. L’action se déroule à Huzlehurst, localité où est né Robert Johnson, bluesman légendaire qui aurait vendu son âme au diable pour devenir le plus grand guitariste de tous les temps. L’œuvre du Malin plane sur l’ensemble de l’album. La ville et ses habitants semblent possédés. L’intrusion d’éléments fantastiques renforce cet aspect surnaturel. Vous l’aurez compris, la légèreté n’est pas ici de mise…
Visuellement, le travail Leila Marzocchi est tout bonnement incroyable. Utilisant la technique de la carte à gratter, elle donne à chaque case l’aspect d’une gravure. Les personnages sont figés dans des postures dignes de sculptures. Les visages n’expriment aucune joie et semblent tous droit sortis d’un tableau de Munch (Le cri). Les couleurs, où l’ocre et le noir dominent, renforcent le coté crépusculaire de l’intrigue. Finalement, c’est surtout visuellement que ce titre impressionne car le scénario reste très classique et les nombreux récitatifs, un poil verbeux, ont tendance à alourdir inutilement le propos.
Pour autant, j’ai apprécié cet album oppressant dominé par une tension psychologique de chaque instant où l’amour, la mort et la douleur tiennent les premiers rôles. Encore un joli cadeau de Mo’ qui, après Courtney Crumrin et Salvatore, parvient de nouveau à faire mouche en me faisant découvrir une œuvre que je ne serais jamais allé chercher par moi-même dans les bacs de mon libraire. Un grand merci à elle, dont je ne louerais décidément jamais assez les talents d’amatrice plus qu’éclairée du 9ème art.
La ballade de Hambone T1 de Leila Marzocchi et Igort, Éditions Futuropolis, 2009. 64 pages. 15 euros.
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Merci Jérome :oops:
RépondreSupprimerPour autant, c'est parce que tu as publié ton avis sur "Mojo" qu'on en est venu à cet album. Je ne sais pas pourquoi, j'avais (par erreur) fait le parallèle entre les deux albums : la veine de l'un (le mojo) et la déveine de l'album que tu présentes aujourd'hui. Le thème, le blues et le contexte géographique m'ont aussi induite en erreur !
Merci à toi pour cet échange qui me fait penser à un autre sujet de conversation que nous avions eu quand j'avais parlé de "Feroces tropiques". Pour moi, le dessin de "La ballade de Hambone" est moins facile d'accès que celui de "Féroces tropiques". Tu devrais peut-être tenter ^^
Décidement ces albums sur le blues sont pour moi ! :)
RépondreSupprimer@ Mo', je suis retourné lire ton avis sur "Féroces tropiques" et c'est vrai que le dessin est peut-être plus accessible mais le scénario ne m'accroche vraiment pas du tout. Peut-être à essayer quand même, ce serait bête de rater une bonne BD sur des à priori...
RépondreSupprimer@Choco : et il me reste encore Lomax à lire, une autre BD parlant de blues parue au mois de mai.