jeudi 3 novembre 2016

Continuer - Laurent Mauvignier

Son fils a fait une connerie, elle est allée le récupérer au commissariat de bon matin. Lui s’en fout un peu, il a de mauvaises fréquentations et ne semble pas disposé à faire le moindre effort pour redresser la barre. Appelé à la rescousse, son ex-mari veut envoyer le gamin en pension pour le remettre au pas. Sibylle a une autre idée en tête et n’en démordra pas : elle veut l’embarquer avec elle pour un périple à cheval au fin fond du Kirghizistan. Plusieurs mois en pleine nature, pour resserrer les liens et découvrir un monde totalement inconnu, pour s’offrir un moment d’intimité mère-fils loin du quotidien. Sauf que l’ado revêche et décrocheur n’a pas forcément envie de crapahuter avec maman. L’excursion s’annonce donc tendue, surtout quand, une fois sur place, les événements s’accélèrent et entraînent les protagonistes sur une pente des plus glissantes.

Commençons par le positif (ça va aller vite). La vie au Kirghizistan est bien rendue, les yourtes, les grands espaces, les populations locales aussi chaleureuses que portées sur la boisson, on s’y croirait. Laurent Mauvignier, dont je découvre ici la plume, déploie au fil des pages une indéniable force d’évocation. Pour le reste, je suis bien plus sceptique. Les portraits frôlent la caricature : le fils en pleine crise, buté et branleur, débordant de haine et de ressentiment pour tout et tout le monde. La maman solo dévouée trimbalant avec elle bien plus de regrets que de bagages, ne cessant de remonter le fil d’une vie qui aurait pu, aurait dû même, prendre une toute autre tournure sans un drame dont elle ne se sera jamais vraiment remise. Une maman passant de la résignation à l’action, du « peignoir-cheveux-gras-clop-au-bec-bière-à-la-main-devant-la-télé » à « femme-forte-et-sûre-d’elle-en-terre-inconnue ».

Et puis pour le coup c’est beaucoup trop psychologique pour moi. On est en permanence dans la tête des personnages, en permanence dans l’analyse, en permanence dans le décorticage des comportements et pensées de chacun. Je déteste les récits de ce genre, je préfère de loin le behaviorisme à l’américaine où on décrit sans jugement, où les faits se suffisent à eux-mêmes, où l’individu interagit avec son environnement sans que l'on ait besoin de nous expliquer en long en large et en travers les fêlures profondes de son âme blessée.

Trop caricatural, trop psychologique et surtout trop idyllique. On en bave mais à la fin tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. J’aurais dû me méfier après la scène d’introduction où le fiston et sa mère échappent miraculeusement à une agression et au vol de leurs chevaux. J’aurais dû avoir la puce à l’oreille quand la maman, seule au cœur de la tempête, fait une chute de huit mètres dans un ravin (désolé, je spoile !), « n’en finit pas de heurter des pierres, son sang se mêle aux rochers, à la glace » et s’en sort presque comme si de rien était. Et bien malgré ces deux avertissements je n’ai pas vu venir cette conclusion « à message », cette morale de l’histoire tellement « happy end » dont le propos univoque et sans nuance devient particulièrement agaçant. Un hommage à l’amour maternel qui aurait pu être d’une force et d’une intensité bouleversante. De mon point de vue (tout à fait subjectif, j'en conviens), ce n’est pas du tout le cas.

Continuer de Laurent Mauvignier. Minuit, 2016. 238 pages. 17,00 euros.


Un titre proposé par Sylire dans le cadres des matchs de la rentrée littéraire.







53 commentaires:

  1. Bon, ben, tu n'es pas beaucoup plus tendre que moi...

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  2. Mouarf, merci ah mais merci pour ce merveilleux billet qui m'a fait drôlement rigolé de bon matin ;-)

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  3. Les avis très positifs au début sont en train de virer à l'aigre... Tu n'as pas senti que ce n'était pas pour toi, on dirait ? ;-)

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  4. Hé bé, encore un billet négatif...

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  5. Personnellement, je suis plus côté analyse de sentiments donc je ne fus pas gênée par cet aspect. Nous sommes d'accord sur les points positifs. Si je n'aimais pas tant l'auteur, j'aurais senti effectivement le côté un peu trop caricatural et idyllique.

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    1. Si on aime les romans psychologiques, je comprends tout à fait que l'on y trouve son compte.

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  6. effectivement, aux billets hyper enthousiastes du début succèdent les avis bien plus mitigés, voire quasi négatifs!
    il y a un tel fossé que du coup je serais presque tentée!

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  7. Au moins on sait à quoi s'en tenir ! J'avais envie de le lire mais j'attendrai la sortie en poche...
    Quant à l'ado tel qu'il te parait "surjoué" dans ce livre, je te confirme que ça existe : j'en ai un exemplaire à la maison...

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    1. Je te souhaite qu'il devienne au final aussi "caricaturalement docile" que celui du roman^^

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  8. Ouh la... bon justement je venais de commenter Mior qui elle aussi n' pas aimé.
    Je n'ai lu que "Des hommes" et j'avais aimé son écriture, d'ailleurs je suis en plein dans " Dans la foule" et mon coeur se serre beaucoup.

    Est-ce que j'ai envie de découvrir ce roman malgré les (trop) nombreux avis négatifs qui affluent? Oui, mais à la biblio ;-)

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    1. Tu le trouveras forcément à la biblio, c'est l'avantage.

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  9. Trop caricaturale et trop idyllique ? Mais non, voyons ! Bon, il est vrai que j'avais beaucoup aimé.

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    1. Tu as moins aimé Malte alors que j'ai adoré, ça compense ;)

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  10. Héhé ! J'adore ton billet !! Et je déteste tout autant les romans "psychotrucs" comme je les appelle...
    Evidemment, tu ne m'as pas convaincue de lire le livre, mais le sujet ne m'aurait pas interpellé pas non plus à vrai dire...

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    1. Tout va bien dire, je ne t'ai pas fait rater une lecture qui te faisait envie.

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  11. Pffff... Et dire que je me suis précipitée pour l'acheter suite aux beaux billets que j'avais lu sur lui... Du coup je vais traîner des quatre fers pour m'y mettre maintenant, c'est malin !

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    1. Tu aimeras peut-être, tu sais bien que mes goûts sont loin d'être "sûrs" ;)

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  12. Effectivement, la caricature, une fin trop "happy end" , et une analyse psychologique parfois légèrement forcée.. vous auriez du avoir la puce a l'oreille. Essayez l'originale, l'histoire d'un père et son fils parti au Kirghizstan pendant trois mois a cheval, "Dans les pas du fils" c'est le nom de ce récit sorti quelques mois avant le roman de Mauvignier. La réalité vous permettra peut être d’être touché par le sens que Continuer n'a su faire passer...

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    1. J'ai découvert l'existence de cette "histoire vraie" après la lecture du roman, je pense en effet qu'elle me conviendrait davantage.

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  13. Bon ben...Je dois lire "Des hommes" que l'on m'a gentiment offert, un fan de Mauvignier, j'espère ne pas être déçue. De plus, sa prestation à LGL la semaine dernière ne m'avait pas convaincue du tout...sur ce livre, bref, à suivre...

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  14. Je pense que je m'épargnerai cette lecture. Vous semblez tous d'accord dans votre déception

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  15. Bon, ben pas de chance. Personnellement, j'ai été emportée mais je peux comprendre. De mon côté, c'est celui de Leila Slimani qui m'a déçue alors que tout le monde l'adore.

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    1. Celui de Leila Slimani, je n'ai pas du tout envie de le lire pour le coup.

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  16. Bon, ça a le mérite d'être clair. Et je n'en attendais pas moins de toi. ^^

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    1. Je ne vais pas chercher à te faire changer d'avis^^

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  18. Moi aussi j'aime bien quand tu n'aimes pas ! J'attendais de rédiger mon billet avant de lire les avis sur ce livre, je suis bien servie ;-) Bon weekend.

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    1. Tu n'as pas été emballée non plus, c'est le moins qu'on puisse dire.

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  19. J'ai quand même envie de le lire mais du coup, je l'attendrai en poche !

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  20. Il m'intrigue quand même celui-là.
    Ah que c'est bon de lire ton enthousiasme :D ptdrrr
    Bon dimanche Jérôme

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  21. Bon ben je ne ne vais pas chercher à trouver si je peux quand même me raccrocher à quelque chose dans ce roman, ça arrange bien ma PAL tout ça finalement.:-)

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  22. Je crois que j'avais raté ton billet, et maintenant que je le découvre je ne peux qu'applaudir ! C'est tout à fait ce que j'en ai pensé moi aussi...

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