mercredi 28 juin 2023

Les cahiers d’Esther T8 : Histoires de mes 17 ans - Riad Sattouf

Esther aura bien 17 ans, elle est en première dans lycée parisien de « bourges » et stresse à l’idée de passer le bac de français. Côté cœur, c’est le désert. Le célibat lui pèse mais l’attitude des garçons l’insupporte toujours autant. Elle s’interroge également sur ses convictions politiques, se demandant si elle est de droite ou de gauche, et s’insurge de voir son grand frère succomber aux sirènes de Zemmour. Le soir du premier tour de la présidentielle, son père ne se remet pas de la défaite de Mélenchon tandis que sa mère, macroniste, jubile.

A côté de ça, Esther passe son BAFA et ce n’est pas de tout repos, surtout quand le stage pratique vire au cauchemar. Bref, la vie file et ce n’est pas rassurant. Ses parents vieillissent, le lycée se terminera bientôt, un nouveau cycle s’annonce et tout cela reste très flou. La jeune fille ne sait pas ce qu’elle veut faire plus tard, la jungle de Parcoursup qui s’annonce l’effraie. Heureusement, les copines sont toujours là. Les amitiés et la famille sont des bases solides sur lesquelles elle peut se reposer.

Riad Sattouf possède une capacité à restituer en images les réflexions et réactions d’Esther avec une pertinence de ton et un art du dialogue qui touchent au génie. Ses planchent surchargées de texte restent d’une parfaite lisibilité et on sent à chaque instant l’empathie, le respect et l’attachement qu’il porte à son personnage. Franchement, chapeau bas !

Depuis le premier tome, Les cahiers d’Esther sont une photographie du temps présent, une vision individuelle et intime de l’époque qui touche souvent à l’universel. Au point que les sociologues de demain y verront sans doute matière à comprendre et analyser la jeunesse d’aujourd’hui.


Les cahiers d’Esther T8 : Histoires de mes 17 ans
de Riad Sattouf. Allary éditions, 2023. 54 pages. 17,90 euros.



Les BD de la semaine sont à retrouver chez Fanny





lundi 26 juin 2023

Le blé en herbe - Colette

Phil et Vinca. Il a 16 ans, elle en a 15. Ils se connaissent depuis l’enfance, leurs familles passent tous leurs étés en Bretagne dans la même maison de vacances. Des camarades de jeux fidèles en amitié devenus amoureux par évidence. Malgré une certaine forme de pureté, ils sont à ce moment charnière de bascule vers le monde des adultes. Bientôt la fin des études et un avenir professionnel à construire, loin de la facilité et des futilités de leurs jeunes années. On les voit déjà mariés mais une rencontre fortuite va tout faire basculer. Envouté par une femme mûre, Phil va trahir la confiance de Vinca et remettre en cause leur relation.

Phil est un grand dadais naïf et égoïste, déniaisé par une séductrice qui veut juste s’amuser avec lui. Aujourd’hui, on dirait que c’est un Toy Boy manipulé par une MILF 100% cougar. Face à lui Vinca est une jeune fille lucide qui comprend très vite la situation. Sa maturité lui permet de faire face, elle est celle qui prend les choses en main quand le fautif, noyé sous les remords, est sur le point de sombrer. 

L’écriture est riche en images, elle souligne à merveille l’atmosphère étouffante d’un été écrasé de chaleur. Elle possède également une dimension poétique, notamment dans les descriptions de la nature et des sensations que cette dernière fait naître chez les personnages. Une sorte de lyrisme intime un poil daté mais qui garde un certain charme.

Collette célèbre à travers ce court roman la supériorité de la femme sur l’homme, cette capacité à surmonter ses propres souffrances pour apaiser celles d’autrui. Hymne à la sensibilité, à la délicatesse et à la générosité féminine, Le blé en herbe est également une jolie façon de rappeler que la passion n’a pas d’âge et que les relations amoureuses n’ont jamais rien d’un long fleuve tranquille.

Le blé en herbe de Colette. Librio, 2022. 110 pages. 3,00 euros.




Un billet qui signe ma première participation au challenge 
Les classiques c'est fantastique de Moka et Fanny







mercredi 21 juin 2023

Mojo - Rodolphe et G. Van Linthout

Slim Whitemoon, né dans le Mississipi au début du 20ème siècle, est un bluesman qui a d’abord tenté sa chance à Chicago avant que la crise de 29 ne l’oblige à retourner dans le sud. Il y passe quelques années dans un cimetière en tant que fossoyeur. Mais le frisson du blues le renvoie sur la route. Des concerts chaque soir dans des bars, des clubs, des petites salles ou même dans la rue. Une vie d’errance avant de rentrer dans le rang après avoir rencontré Emma, sa future femme. De leur union naîtront deux garçons et deux filles. A la mort d’Emma, les enfants ont grandi et sont partis. De nouveau seul, Slim replonge dans la musique à corps perdu. Et lorsque le revival du blues explose en Europe dans les années 60, il part faire une tournée en Angleterre. Le vieil homme devient une star adulée par les Stones et les Yarbirds de Clapton. De retour au pays, Slim retombe dans l’anonymat pour finir sa vie dans le dénuement le plus complet.

Slim Whitemoon n’a jamais existé. Il représente le parfait archétype du bluesman ayant traversé le 20ème siècle : une naissance dans le sud profond, les premières notes de musique jouées sur une guitare de bric et de broc, un voyage à Chicago, une vie de hobo dans les trains de marchandise pendant la grande dépression, les premiers enregistrements de vinyles, la gloire avant une chute inexorable. Rodolphe et G. Van Linthout dressent un inventaire précis et exhaustif des caractéristiques propres à ces musiciens itinérants qui ont marqué l’histoire des États-Unis : la solitude, la misère, les femmes, l’alcool, les troquets sordides, le racisme ordinaire… Et si Slim est une pure invention, les musiciens qu’il croise sur sa route ont bel et bien existé : Blind Lemon Jefferson, le mythique Robert Johnson, Aleck « Rice » Miller, Sonny Boy Williamson. Ces bluesmen légendaires donnent à ce Mojo de faux airs de docu-fiction.

Graphiquement, le travail de G. Van Linthout colle parfaitement au propos : un lavis aux tons de gris délavés idéal pour illustrer cette vie en clair-obscur.

J’ai passé un excellent moment avec ce roman graphique à la construction simple et efficace, certes  destiné aux amateurs de blues mais qui devrait pouvoir convaincre un plus large public.

Mojo de Rodolphe et G. Van Linthout, Éditions Vents d’Ouest, 2019. 192 pages. 22.00 euros.



Les BD de la semaine sont chez Noukette






vendredi 16 juin 2023

Touche-moi - Susie Morgenstern

« Balance ta truie, ça existe ? »
Rose se demande s’il est normal qu’elle pense au sexe en permanence alors que le bac de français approche et que ses copines ont « envie de vomir » quand elle tente d’aborder le sujet avec elles. Il faut dire que pour ce qui est de la normalité, Rose s’estime loin du compte. Albinos, elle a « la peau aussi blanche que la pleine lune, les cheveux d’une vieille de cent ans et des yeux si pâles que l’on ne peut pas en définir la couleur ». Obligée de garder en permanence des lunettes noires et de porter de grands chapeaux pour se protéger du soleil, Rose ne passe pas inaperçue mais, à son grand regret, elle n’attire pas la gent masculine pour autant, loin s’en faut. Et le jour où le prof d’anglais l’associe pour un exposé à Augustin, échalas boutonneux qui ne décroche jamais un mot, Rose se dit que ce n’est pas avec lui que la situation va s’améliorer.  

Elle est marrante Rose, avec son désir à fleur de peau, ses pensées toujours tournées vers le sexe, son irrépressible envie de toucher et d’être touchée. Et son impossibilité de passer à l’acte qui l’oblige à en rester au stade des fantasmes. Chaque nuit dans son lit, elle s’invente des histoires, elle s’imagine dans les bras de tel ou tel garçon. Et à défaut d’avoir un homme sous la main elle se frotte à son matelas et fait l’amour à son oreiller.

Un roman sans complexe, pour dire le manque d’affection et de rapport charnel d’une ado mal dans sa peau, lucide sur son statut de « fille à part » : « Il faudrait d’abord que je m’aime pour que l’on m’aime ». Susie Morgenstern a choisi de traiter un sujet potentiellement pesant avec beaucoup de légèreté. Les mots de Rose sonnent juste et il est rafraichissant de la voir exprimer avec autodérision une forme de frustration qui tourne à l’obsession. Une jeune fille attachante qui ne s’oublie pas ! 

Touche-moi de Susie Morgenstern. Editions Thierry Magnier, 2020. 215 pages. 14,90 euros. A partir de 15 ans.





mercredi 14 juin 2023

Metal Maniax - Slo et Fef

Le métal possède ses codes physiques et vestimentaires mais aussi ses rituels : le headbanging, le slam, le stagediving, le circle pit, le wall of death, ou encore le moshing pit. Bref, le métal est un art un de vivre et Nina, Sam, Spike, Vince et Marco en sont les plus (in)dignes représentants. Des métalleux 100% dévoués à la cause. Des chevelus, des tatoués, des amateurs de gros son qui tache et de pogo qui décoiffent. Tous se retrouvent au Dark Knight, un bar lui aussi 100% dévoué à la cause. On y disserte sur les différences entre le hardcore de New-york et le black métal norvégien, entre le glam au maquillage dégoulinant et le heavy métal à papa ou encore entre le métal progressif planant le grindcore énervé. 
Slo / Fef © Lapin 2023

Une BD qui sent la sueur, où la bière coule à flot et le vomi se répand en flaques verdâtres. Un album parfois trash (logique !), souvent drôle et toujours bienveillant, à l'image d'une communauté qu'il ne faut surtout pas juger en se fiant aux apparences. En bonus, la petite histoire du métal en quinze dates qui vient conclure l'album permet de montrer l'évolution qu'a connu ce style musical au fil des décennies. 

Ok, c'est pas pas toujours très fin et loin de prôner la modération en matière de consommation d’alcool mais la passion des auteurs pour le métal transpire à chaque page et les amateurs ne pourront s’empêcher de sourire devant certaines scènes qui leur rappelleront forcément des souvenirs. Une lecture divertissante et sans prise de tête, qui met à l’honneur une forme de contre-culture toujours très à l’aise avec l’autodérision. 

Metal Maniax de Slo et Fef. Éditions Lapin, 2023. 166 pages. 18,00 euros.



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mardi 6 juin 2023

Sauveur et fils saison 7 - Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail

Trois ans se sont écoulés depuis que Sauveur a demandé Louise en mariage alors qu’elle était enceinte de trois mois. Entre temps Léopoldine est née, Lazare est devenu un collégien végétarien, Paul joue de plus en plus les ados rebelles, Alice est à la fac, Grégoire, qui ne devait rester que quelques temps, n’a pas quitté la maison, Gabin s’est officiellement engagé dans la marine et Jovo… est resté égal à lui-même. Cette nouvelle saison de Sauveur démarre en novembre 2021. Le Covid a frappé et la santé mentale des Français, fragilisée au plus haut point, offre à notre psychologue clinicien une hausse d’activité dont il se serait bien passé.

Sauveur, c’est fini ! Difficile de se dire en ouvrant ce 7ème et dernier tome que l’on ne poussera plus la porte du 12 rue des Murlins pour y retrouver Sauveur et sa joyeuse tribu. Il faut dire qu'on on a vu grandir sous nos yeux la relation entre Sauveur et Louise, le passage de l’enfance à l’adolescence de Lazare et Paul, l’histoire d’amour d’Alice et Gabin. Sans parler de l’intégration des « squatteurs » Grégoire et Jovo. Comment ne pas oublier non plus le défilé ininterrompu de patients dans le cabinet du psy. Dans cette dernière saison, en plus des nouveaux venus, on retrouve les sœurs Blandine et Margaux, Elliott l’écrivain en herbe et Frédérique la bijoutière. 

Tous ces noms ne vous disent rien ? Mais qu’attendez-vous donc pour vous lancer dans cette merveilleuse série débordante de vie et de bonnes ondes. Une série que les fans vont quitter à regret, à la fois ravis d'avoir pris autant de plaisir à chaque nouveau tome et tristes de se dire que ce formidable univers va disparaître pour de bon ! 

Sauveur et fils saison 7 de Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail. L’école des loisirs, 2023. 314 pages. 17,50 euros. A partir de 13 ans.


Une indispensable pépite partagée avec Noukette