lundi 30 août 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 2) : Bifteck de Martin Provost

Les Plomeur, installés à Quimper, sont bouchers de père en fils. André, le petit dernier, n’échappe pas à la règle. Mais au-delà de ses compétences pour la découpe de la viande froide, le jeune homme se découvre une autre qualité rare : il fait chanter la chair des femmes. Alors que la première guerre mondiale a envoyé au front la majorité des hommes, André, devenu maître es orgasmes, voit le nombre des ses adoratrices augmenter de façon exponentielle. Lorsque le conflit prend fin, les maris reviennent et les ennuis commencent pour la famille Plomeur. Fernande, sa mère, trouve un matin sur le pas de la porte un bébé dans un couffin. Six autres suivront. Décidé à s’occuper de ses enfants avant tout, André délaisse le commerce familial. La clientèle féminine ayant subitement déserté leur boucherie, les parents voient poindre le spectre de la faillite. Devant le désastre annoncé, la mère meurt d’une crise cardiaque, suivie peu après par son époux. Et quand un mari jaloux menace de tuer un des nouveaux nés, André s’empresse de quitter Quimper avec sa progéniture sur un bateau de fortune à destination de l’Amérique…

Ce court roman est un joyeux fourre tout. Commençant comme une comédie lorgnant sur le vaudeville, le récit emprunte à l’aventure maritime façon Hemigway (Le vieil homme et la mer) avant d’accoster sur une île que n’aurait pas reniée Robinson Crusoé. Survient alors une légère dose de fantastique avant une apothéose finale qui tend allègrement vers un genre bien particulier, l’absurde.

Conte ? Fable ? Récit d’initiation ? Difficile de faire rentrer ce Bifteck dans une catégorie précise. C’est à la fois original et déstabilisant pour le lecteur. A l’évidence, le coté décousu de l’intrigue dessert le texte. C’est dommage, car Martin Provost possède un joli brin de plume.

Les meilleurs passages sont ceux qui abordent la question de la paternité. André est un papa poule prêt à tout pour protéger ses enfants. Mais le jour où il comprend que ses sept petits ont grandi et n’ont plus forcément besoin de lui, sa souffrance est touchante : « On lui signifiait son congé, comme à l’ancêtre qu’on autorise à finir ses jours paisiblement au coin de l’âtre, nourri d’eau sucrée et de croûtes de pain. Se mêler aux existences des jeunes hommes et femmes en devenir, il n’en était plus question. […] Jusqu’alors, il avait été pour eux leur seul prolongement, leur seul territoire possible. »

Pour le reste, les événements sont aussi vite lus qu’oubliés. A part peut-être la conclusion de l’histoire où, après s’être demandé où tout cela allait nous mener, on se dit : tout ça pour ça ?

Voila donc un texte original dans sa construction et joliment écrit qui ne semble malheureusement pas tout à fait abouti. Agréable mais dispensable.

Bifteck, de Martin Provost, édition Phébus, 2010. 125 pages. 11 euros.

L’info en plus : Romancier, Martin Provost est aussi et surtout cinéaste. Il est notamment le réalisateur du long métrage Séraphine, récompensé en 2009 par sept César.

jeudi 26 août 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 1) : Ouragan de Laurent Gaudé

A La Nouvelle-Orléans, en 2005, alors que la terrible tempête Katrina arrive, des vies vont être bouleversées. Il y a Joséphine Linc. Stelson, la négresse centenaire, fière et têtue comme une mûle, qui refuse d’évacuer. Il y a aussi le révérend dont on ne connaîtra jamais le nom, Buckeley, un prisonnier qui s’échappe du pénitencier pour ne pas finir noyé dans sa cellule, et puis Keanu Burns. Ce dernier, manutentionnaire sur une plateforme pétrolière du Golfe du Mexique, décide de revenir en ville pour retrouver Rose Peckerbye, la femme qu’il a quittée six ans plus tôt. Autant de vies qui vont se croiser à un moment ou un autre, déambulant dans une ville touchée par l’apocalypse.

La narration alterne la première et la troisième personne avec très peu de dialogues. Le point de vue se focalise sur les différents personnages au fil de courts paragraphe. Un récit choral qui peut paraître déstructuré de prime abord mais qui au final relève d’une construction précise et implacable.

Le texte est peut-être trop court, mais quel plaisir de lecture ! Laurent Gaudé distille sa petite musique avec un talent rare. Phrases courtes, syntaxe sobre et classique, recherche de l’épure. Le lexique n’est pas d’une incroyable richesse mais il est parfaitement adapté. L’ensemble est d’une telle musicalité que je me suis surpris à lire les différents paragraphes à voix haute. Il y a notamment chez cet auteur une maîtrise de l’usage de la virgule qui donne un rythme parfait à la lecture. Pour vous en convaincre, lisez le dernier paragraphe du roman. Près de cent lignes sans aucun point et pourtant la lecture coule toute seule grâce aux virgules. Un régal !

Que dire d’autre ? Avec un tel sujet, le danger aurait été de se lancer dans des élans plein de lyrisme. Mais cette tentation, qui pointe parfois le bout de son nez, est contenue avec maestria. On a ici affaire à un écrivain, tout simplement. C’est devenu tellement rare à l’heure où la surproduction littéraire actuelle encourage la médiocrité que l’on en serait presque surpris. Mais qu’est-ce que ça fait du bien !

NB : A ceux qui ont lu le livre et qui ont été frappé d’une empathie particulière pour le personnage de Joséphine Linc. Stelson, je ne saurais que conseiller la lecture du roman Autobiographie de Miss Jane Pittman de l’écrivain américain Ernest J. Gaines (paru en poche chez 10/18). Il y raconte la vie (fictive) d’une femme noire de Louisiane qui, ayant vécu cent dix ans, aurait connu à la fois l’esclavage et l’émergence de l’émancipation du peuple noir. Un petit bijou !

Ouragan, de Laurent Gaudé, Éditions Actes Sud, 2010. 190 pages. 18 euros.

L’info en plus : Laurent Gaudé est un auteur multicarte. A la fois romancier et dramaturge, il s’est aventuré il y a deux ans dans les méandres de la littérature jeunesse avec l’album La tribu des Malgoumi. Une vraie réussite que ce magnifique album très poétique qui plaît beaucoup aux enfants. Et puis ça permet aux parents de dire que la petite dernière de 5 ans a déjà lu un auteur qui a gagné le Goncourt. La classe !

mardi 24 août 2010

Les chroniques de Thomas Covenant T1 : la malédiction du Rogue

Thomas Covenant est un écrivain à succès dont la vie va être bouleversée par la maladie. Lorsque les médecins lui apprennent qu’il est atteint par la lèpre, son monde s’écroule : sa femme le quitte, emmenant avec elle leur fils. Vivant en reclus, n’osant plus se montrer à personne, il devient une sorte d’ermite, un paria rejeté par ses voisins et ses proches. Le jour où il décide d’aller payer sa facture d’électricité à pied, prêt pour une fois à affronter le regard des autres, il est renversé par une voiture et bascule dans une sorte de monde parallèle, le Fief. Attiré dans cet étrange univers par le maléfique Turpide le Rogue, il est chargé de délivrer une prophétie aux Seigneurs du Fief : dans 49 ans, Turpide anéantira leur royaume et Thomas Covenant sera l’instrument majeur de cette destruction. Considéré comme un demi-Dieu tombé du ciel par les habitants du Fief, le lépreux va découvrir un monde étrange peuplé de créatures surprenantes où règne la magie.

Créé à la fin des années 70, les Chroniques de Thomas Covenant sont devenues depuis un grand classique de la Fantasy. Le ressort essentiel repose sur la psychologie des personnages. Thomas Covenant est lépreux. Il considère être un impur et vit sa maladie comme un insupportable supplice. C’est un point de départ vraiment original de faire d’un tel personnage un héros. D’ailleurs, à aucun moment il ne s’imagine comme tel. Persuadé de vivre un rêve, il cherche juste le moyen de sortir du Fief pour retourner dans le monde réel. Il est très loin de l’archétype du guerrier invincible chargé de sauver le monde. Au contraire, c’est un misanthrope d’un égoïsme sans borne qui ne cherche qu’à sauver sa peau. Finalement (au moins dans ce premier tome), il se contrefiche de l’avenir du Fief. Toutes ses interrogations le ramènent à sa propre condition et à la façon dont il va pouvoir se sortir des différentes situations qu’il va devoir affronter. Difficile pour le lecteur d’avoir une quelconque empathie pour Covenant, c’est à mon avis un des points forts du roman. Comment peut-on trouver des circonstances atténuantes à un personnage constamment de mauvaise humeur, qui ne sourit jamais, dont l’altruisme est bien le dernier des soucis et qui ira même jusqu’à violer une gamine de 16 ans dès son arrivée dans le Fief ! Faire d’un homme si détestable le héros d’une quête est un pari risqué pour l’auteur, mais la psychologie du personnage est tellement fouillée que l’on comprend parfaitement son attitude et ses réactions. D’ailleurs, les cinquante premières pages où l’on découvre Covenant dans sa vie de tous les jours (dans notre monde) en tant que lépreux sont d’un réalisme et d’une justesse bouleversants.

L’univers du Fief est lui aussi bien pensé. Covenant débarque dans un monde dont il ne connaît absolument rien. Le lecteur découvre les traditions et les étranges habitants de ce monde si particulier en même temps que lui. Là aussi, le procédé est assez original, plutôt déstabilisant au départ (il faut parfois s’accrocher pour comprendre les us et coutumes ou visualiser certains lieux), mais il fonctionne.

Que dire d’autre ? La violence physique n’est pas omniprésente (quatre ou cinq scènes de combat tout au plus), c’est surtout une violence psychologique qui prédomine. Les personnages sont tiraillés par des sentiments contradictoires (Suilécume, Atiaran) ou des choix impossibles à assumer (Covenant). L’histoire est sombre, très sombre. Il n’y a ici aucune légèreté, pas la moindre trace d’humour. Les situations vécues sont terribles, le désespoir semble envelopper tous les protagonistes. Et puis tout se déroule lentement, très lentement. Après les cinquante excellentes premières pages, les 250 suivantes semblent interminables. Heureusement, il y a quelques coups d’accélération et des moments d’action qui viennent briser la monotonie, mais je reste persuadé que le texte pourrait être réduit d’un bon tiers sans que cela ne nuise à l’ensemble.

Au final, heureusement que j’ai emmené ce bouquin en vacances et que je n’avais rien d’autre à lire car sinon je crois que je ne serais jamais allé jusqu’au bout. Un manque certain de légèreté et un rythme beaucoup trop lent sont souvent pour moi des défauts rédhibitoires. J’en resterai donc là avec les Chroniques de Thomas Covenant, même si je reste satisfait d’avoir découvert cette saga qui dure depuis maintenant plus de trente ans.

Les chroniques de Thomas Covenant T1 : la malédiction du Rogue, de Stephen R. Donaldson, Éditions Pocket, 2008. 666 pages. 8,10 euros.

L’info en plus : Les Chroniques de Thomas Covenant se décomposent en deux trilogies et une tétralogie, soit dix romans en tout. Huit des dix volumes sont pour l’instant parus en anglais. En France, le 6ème tome a été publié par les éditions Le Pré aux Clercs en octobre 2009. Les cinq premiers volumes sont disponibles en poche. Il y a donc déjà de quoi faire dans une édition à prix réduit (plus de 10 euros d’écart entre le grand format et le poche) sauf si l’on est vraiment trop impatient pour attendre de lire le dernier titre dans sa version Pocket.

mardi 17 août 2010

Le chant des Stryges, intégrale de la saison 1

Kevin Nivek est le responsable de la sécurité du président américain. Lors de la visite d’une base secrète de l’armée, un attentat est commis et le président s’en sort de justesse. Congédié après l’incident, Nivek découvre qu’une étrange créature non humaine était présente sur les lieux au moment de l’explosion. Son corps a été rapatrié à Washington pour subir une autopsie. Le cadavre est examiné par le docteur Mélinda Chapman, ex-petite amie de Nivek. Mais la créature n’est pas vraiment morte et elle parvient à s’échapper après avoir mordu le docteur Chapman, plongeant cette dernière dans un état proche de la folie.

De son coté, Nivek mène l’enquête pour tenter de comprendre ce qui s’est réellement passé dans la base. Aidé par un professeur de philosophie à la retraite et une mystérieuse tueuse, il va découvrir que des entités non humaines vivent sur terre depuis des millénaires et influent sur la marche de notre monde.

Théorie du complot, firmes internationales surpuissantes, visite des arcanes du Pentagone et de la CIA, créatures fantastiques ayant pénétré les plus hautes sphères de l’état… tous les ingrédients sont réunis pour créer une série à succès. Une sacrée dose de mystère et une double dose d’action finissent de placer Le chant des stryges parmi les très bonnes séries politico-fantastiques de la BD franco-belge actuelle.

Il importe de lire les six de tomes de la première saison à la suite pour ne pas perdre le fil de l’intrigue. Mais finalement, l’ensemble est assez linéaire (l’histoire se déroule entre le 28 avril et le 20 juin 1997) et reste très facile à suivre.

Le dessin hyper réaliste est nécessaire pour ce genre de série, mais il est ici beaucoup trop froid à mon goût. Le trait est souvent raide, notamment dans les scènes d’action. De plus, les couleurs faites par ordinateur sont très fades. Par contre, les visages des nombreux protagonistes sont très bien différenciés et permettent de les reconnaître au premier coup d’œil.

Un pur divertissement, rien de plus. Mais c’est déjà beaucoup et j’ai passé un très bon moment à découvrir cet univers plutôt original et bien pensé que j’ai trouvé par exemple largement supérieur à la série Rapaces de Dufaux et Marini.

PS : le volume que je présente dans cette chronique est paru en 2006. C’est un tirage limité publié à l’occasion du 20ème anniversaire des éditions Delcourt. Il est aujourd’hui totalement introuvable en librairie et est vendu beaucoup trop cher sur certains sites marchands. Il est donc préférable de découvrir la série en achetant les différents volumes à l’unité, à moins d’avoir un gros coup de chance et de dénicher cette intégrale à un prix raisonnable chez un bouquiniste (c’est ce qui m’est arrivé, je l’ai payé 6 euros chez un soldeur, c’était le seul exemplaire disponible !).

Le chant des Stryges, intégrale de la saison 1, de Corbeyran et Richard Guérineau, éditions Delcourt, 2006. 288 pages. 25 euros.

L’info en plus : La série Le chant des Stryges compte actuellement 12 albums représentant deux saisons complètes. Un treizième tome, qui sera le premier de la 3ème saison, paraîtra en septembre 2010.

mercredi 11 août 2010

Le fond de la jarre

Fès, début des années 50. Le narrateur raconte la jeunesse d’un garçon de sept ou huit ans, cadet d’une famille de onze enfants. Le père, membre de la confrérie des selliers, parvient à faire vivre chichement mais dignement les siens. Surnommé Namouss (le moustique), le petit dernier découvre le monde qui l’entoure avec l’insouciance de l’enfance.

Du mariage de son frère à l’activisme indépendantiste qui va précéder la fin du protectorat français, Namouss traverse une époque charnière de l’histoire de son pays. Sa vie quotidienne est rythmée par l’école, les jeux dans le quartier avec les copains, les matchs de foot, la découverte du cinéma et l’importance primordiale de la famille.

Abdellatif Laâbi porte un regard plein de tendresse sur sa jeunesse sans jamais tomber dans l’idéalisation. Bien sûr, il y a les charmes sans fin de la médina. Bien sûr, il y a l’image de la mère, Ghita, femme au caractère bien trempé qui l’a profondément marqué. Bien sûr, le trait est peut-être parfois forcé lorsqu’est présentée une galerie de personnages plus extravagants les uns que les autres. Mais l’auteur ne cherche pas à écrire une carte postale pour lecteurs en mal de romantisme « made in Maroc ». Son ton sait se faire critique, notamment lorsque sont abordés le ramadan (un mois d’ennui où la vie s’arrête) ou l’école coranique, qu’il a d’ailleurs très peu fréquenté. Le petit garçon se languit souvent, il s’interroge aussi sur ses premiers émois sexuels et se passionne pour les leçons de choses de son maître venu de France, Monsieur Cousin.

Le fond de la jarre porte un regard lucide sur une enfance pas forcément plus difficile qu’une autre, mais que l’auteur se refuse de sacraliser.

La prose est fluide, elle coule sans accroc, embarquant le lecteur avec réalisme dans le Maroc de l’après-guerre. Point de lyrisme pour enjoliver la vie au Maghreb à cette époque. Le ton est juste, oscillant entre humour et gravité.

Au final, un très beau texte, pétrit d’intelligence et de sensibilité.

Le fond de la jarre, d’Abdellatif Laâbi, éditions Folio, 2010. 276 pages. 5.60 euros.

L’info en plus : Abdellatif Laâbi n’est pas seulement romancier, c’est aussi (et surtout) un très grand poète. Le second volume de son œuvre poétique publié aux éditions de La Différence a notamment été récompensé par le prix Goncourt de la poésie 2009.

Ouvrage lu dans le cadre d’un partenariat entre Livraddict et les éditions Folio.
Merci à eux !

vendredi 6 août 2010

Winter

Été 1987. Rick Bass et son amie Elisabeth partent sur les routes dans une vieille guimbarde. Leur but : trouver un endroit calme et isolé, loin de tout, pour pouvoir travailler au calme. Respectivement écrivain et peintre, ces artistes à l’âme bohème se lancent dans une quête quasiment perdue d’avance. Sans un sou et cherchant plus que tout l’isolement, ils ne parviennent pas à dénicher le lieu magique qui les comblera. Visitant successivement le Nouveau Mexique, l’Arizona, le Colorado, l’Utah, le Wyoming et l’Idaho, c’est finalement au Montana qu’ils trouveront leur bonheur, en faisant le gardiennage hivernal d’une maison dont le riche propriétaire vit en Floride. Dans une vallée perdue, au fin fond d’une région montagneuse, l’écrivain originaire du sud profond (Mississipi) va vivre un hiver des plus rigoureux. Du 13 septembre au 7 mars, il relate dans son journal intime les événements qui vont jalonner sa découverte d’un univers lui étant totalement inconnu.

La vallée du Yaak compte une soixantaine d’habitants, tous semblant plus isolés les uns que les autres. Dans ce monde de montagnards taiseux où la nature tient une place prépondérante, le couple d’étrangers va trouver sa place, en douceur. L’émerveillement devant la diversité et la liberté des animaux, les paysages d’une infinie beauté, les préoccupations quotidiennes très terre à terre (couper du bois, faire de longues ballades, vivre au ralenti) et forts éloignées des turpitudes de la société consumériste qu’ils exècrent sont autant d’éléments qui vont transformer ce séjour en véritable coup de foudre pour une vallée qu’ils ne quitteront plus.

Alors que retenir de ce journal de bord ? A vrai dire pas grand-chose. Le problème avec ce genre d’exercice c’est que l’on est dans un registre hyper-intime dont le but premier n’est pas forcément la diffusion auprès d’un large lectorat. Résultat, les événements relatés sont loin d’être passionnants pour un observateur extérieur. Entre les soucis de tronçonneuse et les pannes de voiture, il ne se passe pas grand-chose. Certes la solitude des habitants de la vallée et l’aspect contemplatif qui se dégage de certaines réflexions exercent un certain charme, mais cela reste trop peu. Il n’y a surtout aucun fil conducteur d’une journée à l’autre, les non événements se succèdent sans lien apparent, donnant à l’ensemble un coté déstructuré qui constitue une vraie faiblesse. Bref, l’ennui n’est jamais très loin pour le lecteur. Il apparaît soudain à l’ombre d’un mélèze centenaire et ne vous quitte plus pendant plusieurs pages. Difficile alors d’éprouver beaucoup de plaisir à la lecture de ses mini-chroniques, certes authentiques et très réalistes, mais qui manquent singulièrement d’épaisseur. Finalement, c’est typiquement le genre d’écrit qui trouverait sa place dans un magazine proposant par exemple une chronique par semaine. Réunie en un seul recueil, la recette est trop indigeste.

Quitte à choisir un ouvrage de Nature Writting, je préfère de très loin  Indian Creek  de Pete Fromm, qui a au moins le mérite d’être un récit souvent fort drôle et dont l’histoire est parfaitement structurée.

Malgré tout, en refermant Winter, il reste l’agréable sentiment d’avoir découvert à travers ce texte une des dernières régions sauvages des États-Unis.

Winter, de Rick Bass, éditions Folio, 2010. 260 pages. 6.60 euros.

L’info en plus : En 2007, Rick Bass a publié un autre ouvrage entièrement consacré à sa très chère vallée. Intitulé  Le livre de Yaak, ces nouvelles chroniques du Montana ont été publiées en France par les éditions Gallmeister. Le recueil est dans ma PAL depuis bientôt deux ans, j’avoue qu’après la déception Winter je ne sais pas si j’aurais le courage de m’y plonger un jour.

Ouvrage lu dans le cadre d’un partenariat entre Livraddict et les éditions Folio. Merci à eux !