mardi 28 septembre 2021

Comme ton père - Gille Abier

 

« T’es bien comme ton père, tiens ! »
La phrase de trop pour Loris, prononcée par sa mère suite à un incident survenu au lycée. A 17 ans, le jeune garçon n’a jamais connu son père. Personne ne lui en a jamais parlé et il est temps pour lui de connaître la vérité. Alors Loris va monter dans un train en gare d’Enghien, direction Grenoble. C’est là-bas que sa mère et sa grand-mère vivaient au moment où il a été conçu. Il l’a appris de la bouche d’un boulanger en retraite chez qui travaillait sa grand-mère et à qui elle s’était confiée. Sur place, de révélation en révélation, une horrible réalité se fait jour sur ses origines…

« Tu crois qu’on peut être heureux quand on naît d’une violence ? »
Cette question est au cœur du parcours de Loris. Elle explique le silence de sa mère sur l’identité de son père. Elle explique son mal-être, sa difficulté à trouver sa place au lycée, et plus généralement dans la société. Mais la connaissance de la vérité est aussi un mal nécessaire pour se construire un avenir solide et résilient.

Comme d’habitude Gilles Abier ne ménage ni ses personnages ni ses lecteurs. Et comme d’habitude c’est fait avec tellement de talent qu’on lui pardonne volontiers de nous bousculer à ce point. C’est sombre et réaliste, cash, sans faux semblant ni volonté de forcer le trait. Si l’évidence n’est qu’une illusion, le drame est d’autant plus crédible que le déroulement des événements s’articule de manière imparable. On en ressort bluffé par tant de maîtrise narrative. Comme d’habitude j’ai envie dire. 

Comme ton père de Gille Abier. Ed. In8, 2021. 132 pages. 8,90 euros. A partir de 13-14 ans.  



Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette




vendredi 10 septembre 2021

Au prochain Arrêt - Hiro Arikawa

Au Japon, la ligne de chemin de fer reliant Takarazuka à Nishinomiya dessert huit gares. Dans chaque gare, le va-et-vient des montées et descentes draine un flot continue de passagers, seuls ou accompagnés, perdus dans leurs pensées ou attentifs à tout ce qui les entoure. A bord du train, Masashi est abordé par Yuki, qu’il croise régulièrement à la bibliothèque et à qui il n’a jamais osé adresser la parole. Shoko repense avec plaisir au scandale qu’elle vient de causer au mariage de son ex. Tokié, veuve depuis peu, ne se laisse pas attendrir par son adorable petite fille. Misa, régulièrement battue et humiliée par son petit ami Katsuya, décide de le quitter une bonne fois pour toute. Etchan et ses copines lycéennes peinent à s’imaginer un avenir à la fac. Kei’chi et Miharu ont un coup de foudre aussi inattendu qu’inespéré. Des hommes et des femmes qui se croisent le temps d’un court trajet, des destins qui se nouent et se dénouent au fil de l’avancée sur les rails.

Huit chapitres correspondant aux huit gares traversées par le tain à l’aller, huit chapitres pour refaire le trajet dans l’autre sens, avec les mêmes personnages, quelques mois plus tard. Le schéma narratif est simple, la mécanique imparable. Certes, la ligne Takarazuka-Nishinomiya est la véritable héroïne du roman mais c’est un plaisir de découvrir l’évolution des protagonistes entre le printemps et l’automne. On les suit le temps d’un ou deux arrêts et même si notre rencontre avec eux reste furtive, on finit par s’attacher à ces gens simples aux aspirations « ordinaires ».

C’est doux et piquant, plein d’une retenue typiquement japonaise, les pensées les plus intimes étant toujours exprimées avec une grande pudeur. Bref, ce fut un vrai plaisir de parcourir ce récit tout en sensibilité qui ne verse heureusement pas dans l’excès de bons sentiments. 

Au prochain Arrêt d’Hiro Arikawa (traduit du japonais par Sophie Refle). Actes Sud, 2021. 184 pages. 18,50.