mardi 24 novembre 2020

Les chroniques d’Hurluberland volume 3 - Olivier Ka

 

« Pas un jour sans qu’une nouvelle bizarrerie vienne perturber notre quotidien ! »

Voilà, tout est dit. À Hurluberland, rien ne se passe normalement. Les habitants se dédoublent, une baleine menteuse s’échoue sur la plage, une machine à écrire prédit l’avenir, un dromadaire rose à pois vert sort d’un rêve tandis qu’un oiseau invite au voyage. Le lecteur, quant à lui, se laisser emporter dans tourbillon où la surprise surgit à chaque coin de page. 

Toujours un bonheur de retourner faire un tour à Hurluberland, petit village perdu au fond d’un lointain royaume qui n’est pas sans rappeler celui des schtroumpfs. Comme chez les schtroumpfs, chacun possède un rôle bien spécifique, d’Hector Boulocarré le boulanger à Eugène Boitaclou le bricoleur en passant par Alphonse Sauçobeurre l’aubergiste et Casimir Lapatauge le paysan grognon. Comme chez les schtroumpfs, le chef du village prend les décisions importantes et si les querelles démarrent vite, elles se terminent toutes dans la bonne humeur et dans un esprit de réconciliation collégiale.

Depuis trois volumes, Olivier Ka déploie son imaginaire débridé avec une infinie malice. C’est loufoque, drôle, surprenant, poétique, et souvent non dénué d’une certaine morale. Dix histoires, dix bizarreries, dix moments d’évasion loin de la grisaille ambiante, il serait bête de s’en priver par les temps qui courent.

Les chroniques d’Hurluberland T3 d’Olivier Ka. Éditions du Rouergue, 2020. 168 pages. 9,90 euros. A partir de 8 ans


Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette








mercredi 18 novembre 2020

#Balance Ta Bulle

Il y a ce gars qui te pelote dans la rue, celui qui tente de t’agresser dans les toilettes d’une boîte de nuit, celui assis à côté de toi dans le train qui te caresse les cheveux sans te demander ton avis. Il y a ce voisin qui fixe ta poitrine en silence dès que tu es seule avec lui dans l’ascenseur. Il y a ce collègue qui cherche à t’embrasser de force en salle des profs, celui qui te propose un plan à trois avec sa femme et t’insulte quand tu lui dis non. Il y a ce concert où on t’a droguée avec une bière frelatée. Il y a ton frère qui t’a violée, ton père qui a frappé ta mère. Il y a ton oncle, il y a l’ami de la famille, il y a ton petit copain. Et il y en a tant d’autres. Tous coupables de gestes ou de mots déplacés, de violences physiques ou psychologiques.    

Elles sont soixante-deux. Soixante-deux dessinatrices du monde entier à témoigner des violences et traumatismes sexuels qu’elles ont subis au moins une fois dans leur vie. Soixante-deux récits édifiants de deux à quatre pages, tous différents mais tous portés par la même force de rester debout face au traumatisme.

Rarement une lecture aura été pour moi aussi pesante. Rarement une lecture aura autant perturbé l’homme et le père de trois filles que je suis. Parce que toutes les situations présentées soulignent à quel point, partout sur la planète, la culture toxique du patriarcat est un terrible poison pour les femmes. Il m’a été impossible d’engloutir ce pavé d’une traite, j’ai dû y aller par petits bouts. Trop de souffrance, trop de mauvais souvenirs, trop de détresse. L’ensemble est malgré tout traversé par une énergie brute, une volonté de ne pas s’appesantir, d’aller de l’avant. Une volonté de changement également, une volonté de ne plus être des victimes désignées, de ne plus culpabiliser mais de se dresser devant l'agresseur et de le mettre face à l’insupportable atrocité de son comportement. 

La réponse à la violence est ici esthétique. Réalistes ou suggestifs, toujours profondément intimes, les récits témoignent d’une incroyable vitalité créative. En dehors d’Emil Ferris qui signe la dernière histoire du recueil, je ne connaissais aucune des autres dessinatrices. D’âges, d’orientations sexuelles et de nationalités différentes, toutes expriment à travers leur expérience traumatisante un désir d’émancipation par l’art. L’ensemble forme au final un appel collectif et solidaire à la lutte contre les violences et le harcèlement sexuels. Un magnifique exemple de sororité qui a remporté le prestigieux prix Eisner 2020 de la meilleure anthologie. 

#Balance Ta Bulle (ouvrage collectif). Massot éditions, 2020. 304 pages. 28,00 euros.








mardi 17 novembre 2020

Le journal de Gurty T8 : J'appelle pas ça des vacances - Bertrand Santini

Quelle bonne idée d’avoir fait revenir Myrtille dans le quotidien de Gurty ! Pour ceux qui n’auraient pas suivi les épisodes précédents, Myrtille est l’ex-petite amie de Gaspard, le maître de Gurty. Une ex qui avait essayé par tous les moyens de se débarrasser de la petite chienne, n’hésitant pas à utiliser les stratagèmes les plus radicaux pour parvenir à ses fins, heureusement en vain.

Si pour Gurty le retour de Myrtille n’est pas une bonne nouvelle, pour le lecteur c’est l’assurance de passer un excellent moment avec les facéties de ces deux ennemies jurées. Parce que si en apparence la jeune femme a totalement changé et est devenue adorable avec sa rivale, la réalité est bien sûr tout autre. Sous couvert de mamours et de gentillesse, la sorcière comme l’appelle Gurty, va multiplier les coups tordus : tentative d’empoisonnement à la saucisse et au chocolat, simulation de morsure, crotte déposée sur le lit, tout est bon pour maltraiter ou faire accuser la pauvre chienne.

Cette dernière n’est pas dupe et voit clair dans le jeu de Myrtille, ce qui n’est malheureusement pas le cas de Gaspard. Si son maître se révèle incapable de déceler le machiavélisme de la sorcière, c’est parce que l’amour rend aveugle, Gurty l’a bien compris : « Le problème quand on est amoureux, c’est que le cœur bat tellement fort qu’il aspire tout le sang comme un vampire, du coup, il n’y en a plus pour le cerveau, et c’est pour ça que les amoureux sont débiles ».

Comme d’habitude on se régale du début à la fin et l’affrontement entre la jeune femme et la petite bête va crescendo jusqu’à un bouquet final pétaradant. De l’humour, des situations improbables, des dialogues aux petits oignons, des personnages secondaires savoureux, un zeste d’absurde, une pincée de philosophie canine et une tonne de bonne humeur, ce huitième volume du journal de Gurty garde les ingrédients qui font le succès de la série sans pour autant donner l’impression de tourner en rond. Comme disent les sportifs, on ne change pas une équipe qui gagne !  

Le journal de Gurty T8 : J'appelle pas ça des vacances ! de Bertrand Santini. 200 pages. 10,90 euros. A partir de 8 ans.



Encore une pépite jeunesse partagée avec Noukette










mardi 10 novembre 2020

Sauveur et fils saison 6 - Marie-Aude Murail

Quand le moral de lecteur n’est pas au beau fixe, rien de tel qu’un passage dans le cabinet du psychologue Sauveur pour se refaire une santé. Toujours le même plaisir d’y retrouver des patients familiers comme les enfants Carré, Solo le gardien prison, Ella-Elliot la jeune fille qui sera bientôt un garçon ou Frédérique la vendeuse en bijouterie à la recherche du bonheur. Et comme c’est le cas à chaque nouvelle saison, de nouvelles têtes apparaissent. Dans ce sixième opus on découvre entre autres un PDG déboussolé, une victime de braquage traumatisée et une jeune fille persécutée par un démon prénommé Gilbert.

La prescription est toujours la même : des cas graves mais pas désespérés, un Sauveur souvent dépassé par les événements, un cocon familial recomposé qui ne cesse de s’agrandir, une grosse dose de bonne humeur, des dialogues savoureux, de la tristesse, de la joie, des coups durs, des coups de mou et des coups de fouet, le tout avalé sans temps mort à un rythme trépidant.

Le mélange de drame et d’humour fonctionne toujours aussi bien, la mécanique narrative permettant aux nombreux personnages d’évoluer de concert sans se marcher sur les pieds reste d’une redoutable efficacité et les pages défilent sans que l’on s’en rende compte. Le propos se veut positif, la lumière finit toujours par surgir des ténèbres mais la bienveillance ne s’enrobe jamais des excès de sucre d’une  indigeste guimauve, c'est une constante dont Marie-Aude Murail ne s'est jamais écartée depuis le premier tome.

Six saisons, six billets sur ce blog  et aucune lassitude pour cette série à l’univers et aux personnages tellement attachants. Vivement la suite ? Y a intérêt !

Sauveur et fils saison 6 de Marie-Aude Murail. L’école des loisirs, 2020. 340 pages. 17,00 euros. A partir de 13 ans.



Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette