lundi 21 juin 2010

Waylander


Le roi est mort, vive le roi ! Le peuple Drenaï n’a pas pu faire sienne cette phrase traditionnelle censée célébrer la venue d’un nouveau monarque. Pour les Drenaïs, c’est la désolation qui a succédé à la mort du roi Niallad. Les ennemis vagrians ont envahi le pays, détruisant tout sur leur passage. Les quelques îlots de résistance restants sont sur le point de tomber. Le dernier espoir repose sur un homme, Waylander, le voleur d’âme. Ce tueur légendaire doit retrouver l’armure de bronze, le seul objet censé donner aux combattants Drenaïs la force suffisante pour repousser l’envahisseur. Mais peut-on faire confiance à Waylander ? Après tout, c’est lui qui a assassiné le roi.

Bienvenue dans le monde charmant et bucolique de David Gemmell. On y étripe à tour de bras, on viole femmes et enfants, on tue avec une froideur inhumaine... On philosophe aussi de temps en temps sur la foi ou le sens de la vie. Mais l’action reprend toujours très vite le dessus. Gemmel a l’intelligence de ne pas s’embourber dans une succession de scènes de combat qui deviendraient rapidement indigestes. La narration n’est pas linéaire en termes d’espace. On passe sans transition d’un lieu à l’autre, d’un protagoniste à l’autre. Cela permet d’éviter le ronronnement et donne au récit beaucoup de dynamisme.

Les scènes d’action sont à l’évidence le point fort du roman. L’auteur est très à l’aise dans les descriptions de combat. Elles se visualisent avec facilité. Tout se passe avec une fluidité remarquable, sans fioriture et avec un réalisme sidérant. Par ailleurs, le moins que l’on puisse dire, c’est que David Gemmel n’épargne pas ses lecteurs. Il fait disparaître sans sourciller de nombreux personnages pour lesquels on éprouve une réelle sympathie. Waylander est donc un texte violent et sans concession qui décrit crûment une guerre impitoyable. C’est ce qui fait son charme pour certains ou au contraire constitue un défaut rédhibitoire pour d’autres.

Alors, des points faibles ? Bien sûr, qui n’en n’a pas ? Déjà, pour les « gros lecteurs » de Fantasy, Waylander n’est qu’une variation de plus sur le sempiternel thème du héros- indestructible-qui-cache-en-lui-une-blessure-intime-et-qui-va-mener-à-bien-sa-quête-malgré-les-embûches-à-surmonter. Personnellement, étant un novice dans le genre, cet aspect déjà-vu et rabâché des dizaines de fois ne m’a pas gêné. Par contre, j’ai eu plus de mal avec quelques dialogues trainant en longueur, notamment les échanges entre soldats Drenaïs lors du siège de la forteresse de Purdol. Disons que le texte aurait gagné en concision en perdant une vingtaine de pages de blabla sans réel intérêt.

Pour conclure, je ne regrette pas d’avoir découvert l’univers de David Gemmel avec le premier tome (chronologiquement) du cycle Drenaï. Un vrai bon moment de lecture, dépaysant et sans prise de tête. Je me laisserai tenter sans problème par Waylander II lorsqu’il sortira en poche.

Waylander, de David Gemmel, Éditions Milady, 2008. 442 pages. 7 euros.

L’info en plus : Le dernier roman du cycle Drenaï est annoncé par Bragelonne pour l’été. Les épées du jour et de la nuit raconte la résurrection de Druss et Skilgannon. Mille ans après leur mort, ils vont combattre la diabolique et éternelle reine noire. A paraître le 16 juillet 2010.

Lu dans le cadre du défi de printemps de Livraddict et du challenge La fantasy pour les nuls de Craklou.
 
 

lundi 14 juin 2010

Le rayon de la mort

Andy est un lycéen américain semblable à beaucoup d’autres. Si ce n’est qu’il est orphelin et qu’il vit avec son grand-père. Si ce n’est également qu’il se découvre un jour des super pouvoirs en fumant sa première cigarette. A chaque bouffée inhalée, ses forces décuplent. Cette découverte ne va pas le bouleverser plus que ça de prime abord. Son copain Louie l’imagine déjà patrouiller dans les rues, faisant la chasse à tous les malfrats du coin, mais Andy à du mal à le suivre. Et puis dans cette petite ville du New Jersey, il y a peu de torts à redresser. Certes, Andy va s’attaquer à quelques petites frappes pas vraiment à la hauteur, mais il va surtout commencer à utiliser ses pouvoirs pour des raisons plus personnelles. C’est alors que les choses vont basculer du mauvais coté…

Daniel Clowes est dans son jardin avec cette histoire au départ banale qui devient rapidement effrayante. L’évolution psychologique d’Andy est la clé de voute du récit. Le portrait dressé d’une middle class américaine qui s’ennuie à mourir sonne juste. L’élément fantastique permet de montrer qu’il faut peut de choses pour transformer un ado lambda en justicier. Mais toute la problématique du récit tient dans cette notion de justice. Andy rend la justice selon ses propres critères. L’ouverture et la fin de l’histoire nous montre un Andy devenu adulte. Il se considère comme un sage : « Je n’ai jamais fait de mal à quiconque ne le méritait pas. Ma justice est clémente avant tout.» C’est d’ailleurs au bas de la deuxième page de l’album que tout est dit : « Je m’efforce toujours de faire ce qui est juste. […] Mais Bon Dieu que peut faire un homme seul face à quatre milliards de connards ? ».

Le rayon de la mort raconte donc essentiellement la construction d’une personnalité complexe qui va tomber dans les pires déviances. Et force est de reconnaître que ça fait froid dans le dos…

Graphiquement, Daniel Clowes est un adepte de la ligne claire à l’européenne. Son découpage alterne le très classique en gaufrier avec deux ou trois pages complètement déstructurées à la construction vraiment originale. Le récit est découpé en historiettes d’une ou deux pages, jamais plus. Il se dégage de l’ensemble un coté vintage particulièrement séduisant.

C’est bien beau tout ça, mais est-on en face du chef d’œuvre annoncé par tous les critiques dignes de ce nom ? En fait tout l’art de Daniel Clowes tient dans cette propension à délivrer son message sans avoir l’air d’y toucher. Tout en finesse. Mais doit-on pour autant considérer cet auteur comme un génie du 9ème art, comme le sont d’ailleurs beaucoup d’auteurs nord-américains portés au pinacle par la presse bobo/intello (Télérama et Technikart en tête) ? Franchement, je ne crois pas. Attention, ne me voyez pas là en pourfendeur de la pensée unique ou je ne sais quelle autre étiquette à la c… C’est juste que cet album est certes bon, fort bien réalisé et surtout excellemment édité (félicitations aux éditions Cornélius pour la qualité de la maquette et du produit fini), mais il souffre de quelques passages sans véritable intérêt. Disons que l’histoire aurait pu être quelque peu écourtée sans que cela nuise à l’ensemble. Je me suis d’ailleurs surpris à voir poindre l’ennui au cours de la lecture. Mais force est de reconnaître que l’impression d’ensemble reste très positive et que je ne regrette aucunement d’avoir découvert ce titre. C’est juste que pour, ma part, je ne crierais pas au chef d’œuvre, même si je sais pertinemment que Le rayon de la mort sera sans doute récompensé à Angoulême l’année prochaine. Tant pis, une fois de plus, je ne me reconnaîtrais pas dansde le palmarès du plus grand festival BD de France. Mais c’est une autre histoire…

Le rayon de la mort, de Daniel Clowes, éditions Cornélius, 2010. 64 pages. 16 euros.

L'info en plus : Les éditions Cornélius publieront à la rentrée un nouveau volume de Daniel intitulé Wilson. L’histoire d’un homme qui cherche à reprendre sa vie en main avant de replonger dans la déprime quotidienne. Une réflexion sur la médiocrité humaine à paraître le 23 septembre 2010.





Le Roaarrr challenge de Mo'
 

lundi 7 juin 2010

Tête de chien


L’histoire des Eriksson est celle d’une famille norvégienne de la seconde moitié du 20ème siècle. La rencontre entre Askild et Bjork, les grands parents, scelle le destin familial pour plusieurs générations. Cela se passe à Bergen, à la fin des années 30. Pendant la guerre, Askild passe deux ans dans les camps allemands. Marqué à jamais par cette expérience il revient en Norvège méconnaissable. Bjork épouse malgré tout ce fantôme revenu d’entre les morts, et après avoir séjourné quelques temps chez la belle-mère paternelle, le couple part s’installer à Stavanger. Mais l’expérience est de courte durée et les Eriksson reviennent bien vite à Bergen où Askild achète un terrain pour construire une maison. Entre temps, leurs trois enfants sont nés. Il y a Niels junior, l’ainé, Anne Katrine et Knut, le petit dernier.

Viré des chantiers navals de Bergen pour cause d’alcoolisme aggravé, Askild emmène les siens au Danemark. C’est là que la tragi-comédie des Eriksson va prendre toute son ampleur…

Le narrateur se nomme Asger. C’est le petit fils d’Askild et Bjork, le fils de Niels junior. Il retrace la saga familiale avec le plus de détails possibles, n’omettant aucun des moments importants. De ses grands-parents à ses parents en passant par son oncle et sa tante il déroule le fil dévénements souvent hauts en couleurs. Askild est un alcoolique passionné de cubisme. Bjork, une grand-mère volage qui se prend de passion à la fin de sa vie pour les cercles de jeu. Niels junior, surnommé feuille de chou, va connaître une enfance difficile à cause de ses oreilles surdimensionnées. Anne Katrine accuse un retard mental qui fait d’elle « un gros légume pâle ». Quand à Knut, c’est un gamin perturbé qui va très vite fuir ses parents pour voyager au long cours. Et puis il y a Stinne, la sœur du narrateur, Leila sa mère et des figures secondaires importantes tels que Tête de pomme, La Bonde, Madame Maman ou encore Thor Gunnarsson, le médecin amant de Bjork. Cette pléthore de personnages rend la lecture exigeante. Il faut beaucoup d’attention pour ne pas se perdre dans le flot des événements racontés et s’y retrouver parmi tous les membres de la famille.

Mais quel plaisir de se plonger dans ce roman déjanté et cocasse. Cette famille d’allumés notoires fait parfois penser à une troupe de freaks en goguette qui passe son temps à déménager (notamment lors de l’arrivée à Stavanger quand la famille traverse la ville dans une carriole tirée par un vieux canasson). On passe en deux pages du rire aux larmes. Le tableau dressé par l’auteur est bigarré à souhait. La palette des situations et des personnages présentés est d’une folle richesse. L’humour est aussi très présent, le langage est parfois très cru parfois onirique, l’intrigue vous surprend en permanence… Bref, voila tout simplement un grand roman.

A l’évidence, Morten Ramsland a lu Knut Hamsun (le plus célèbre écrivain norvégien du 20ème siècle) et son fabuleux roman La Faim. Il a sans doute aussi lu le Bandini de John Fante. On y retrouve la même truculence dans la description d’une famille vraiment pas comme les autres qui mérite que l’on s’attarde sur son cas avec la plus grande attention. Je ne pensais pas retrouver un jour une telle filiation chez un auteur européen. La surprise est d’autant plus belle et je ne peux que vous encourager à lire et à faire lire Tête de chien.

Comme quoi les écrivains scandinaves ne savent pas faire que des polars. Et c’est tant mieux !

Merci à Blog-O-Book et à Folio de m’avoir fait découvrir ce petit bijou.

Tête de chien, de Morten Ramsland, Folio, 2010. 465 pages. 7,70 euros.

L’info en plus : la littérature danoise reste encore assez confidentielle en France. Pourtant, le pays natal d’Andersen possède d’excellents auteurs contemporains. C’est notamment le cas de Carsten Jensen, dont le roman Nous, les noyés, vient de paraître aux éditions Libella-Maren Sell. Une épopée maritime de plus de 700 pages qui raconte l'histoire de trois générations de marins du port de Marstal, ville située sur une île de la Baltique, au sud du Danemark, entre 1848 et 1945. Un roman d'aventures qui présente le destin d'hommes quittant la rocaille de Terre-Neuve pour des destinations lointaines. Récompensé par de nombreux prix : Danske Banks Litteraturpris 2007. Prix Olof Palme 2009 (Suède). Prix Gens de mer 2010. Avis aux amateurs de grand large !

Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir apprécié : ChocoPicwick, Mazel ont aussi beaucoup aimé.

mercredi 2 juin 2010

La Barbe-bleue

Ah , La Barbe-bleue ! Voila sans doute l’un des plus célèbres contes de la littérature française. L’histoire d’un homme à la barbe bleue qui parvint à séduire une jeune femme et à l’épouser. Cet homme a déjà été marié plusieurs fois auparavant, mais personne ne sait ce que ses ex-femmes sont devenues. Le jour où il doit partir en voyage il confie à son épouse un trousseau de clés en la mettant en garde de ne jamais utiliser la clé du petit cabinet qui se trouve au bout de la grande galerie. La tentation étant trop forte, la jeune femme ne respecte pas la volonté de son mari et se rend dans le lieu interdit. Elle y découvre avec horreur les corps sans vie des ex-épouses de la Barbe-bleue. De retour chez lui, l’homme découvre que sa femme ne l’a pas écouté et il décide de l’égorger. Elle ne devra finalement son salut qu’à l’arrivée de ses frères...

Aux illustrations souvent réalistes qui caractérisent la mise en image de ce conte, l’auteur a préféré la suggestion. Personnages et décors semblent irréels. L’absence d’encrage renforce le coté évanescent des illustrations. Ethéré. Voila sans doute l’adjectif qui convient le mieux pour qualifier le travail de Thierry Dedieu sur cet album. Malgré cette ambiance générale vaporeuse, chaque double page est extrêmement explicite et l’équilibre texte/image se fait naturellement.

Une très belle adaptation donc, qui renouvelle avec modernité un conte que l’on pensait figer à jamais dans des représentations ultra-classiques et visuellement un peu « vieillottes ».

La Barbe-bleue, de Thierry Dedieu, édition Seuil jeunesse, 2005. 36 pages. 15,00 euros. A partir de 5 ans.


L’info en plus : Le dernier album de Thierry Dedieu est sorti début avril. Le roi des sables raconte l’histoire d’un souverain qui vit dans un château construit au bord des vagues. Il y jouit d'une vue magnifique et de couchers de soleil sans pareil mais doit reconstruire son palais très régulièrement. Un jour, son cousin du Nord, le roi des bois, vient lui rendre visite. Une fable sur la sagesse des hommes à accepter leur place dans le respect de la nature (éditions Seuil Jeunesse).

Album lu dans le cadre des Mercredis de l'album et du challenge Je lis aussi des albums.
 

mardi 1 juin 2010

Ovnis : enquête sur un secret d’États

J’aime beaucoup l’opération Masse critique de Babelio parce qu’elle me permet de découvrir des ouvrages dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence autrement. Après Les gaulois expliqués à ma fille en début d’année me voila donc avec entre les mains un essai au titre on ne peut plus explicite : OVNIS, enquête sur un secret d’états. Quand on s’apprête à se lancer sur un sujet aussi sensible, il importe en premier lieu de savoir qui sont les auteurs. Egon Kragel et Yves Couprie ne sont à priori pas de grands spécialistes des OVNIS même si le premier nommé à consacré plusieurs articles à la question. Cette neutralité apparente est plutôt un gage de sérieux et de crédibilité. Rien ne m’aurait plus exaspéré que de tomber sur des fous furieux cherchant à tous prix à faire adhérer le lecteur à leurs thèses les plus farfelues.

Le point de départ du livre est la récente déclassification de documents officiels par de nombreux pays (Argentine, Australie, Canada, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italis, Portugal, Suède, Russie, Etats-Unis….). Cette déclassification est une avancée majeure pour tous les chercheurs puisqu’elle permet de confirmer officiellement que tous ces pays ont montré un intérêt réel et permanent à la question OVNI depuis plus de 50 ans. En effet pourquoi la plupart des pays industrialisés révéleraient-ils s’être intéressés de près au phénomène si celui-ci n’était pas sérieux ?

Les deux auteurs balaient en 350 pages toutes les thématiques propres à l’ufologie (l’étude des objets volants non identifiés). De la création des agences officielles (le GEIPAN en France) au point de vue des scientifiques, de la désinformation à la manipulation en passant par la place des ovnis dans l’histoire, le tableau est dressé avec la volonté de convaincre que le phénomène ovnis existe bien. Au fil de la lecture, on constate que les auteurs ont pris partie : pour eux, il ne fait aucun doute qu’il existe des objets volants dont on ne connaît pas la provenance et dont les capacités technologiques dépassent tout ce que les humains ont pu créer jusqu’alors.

La partie la plus intéressante concerne évidemment les observations dans le monde : la vague française de 1954 , Roswel, la vague belge de 1990, les lumières de Phoenix en 1996, les témoignages de pilotes et de militaires... Viennent ensuite les phénomènes liés aux OVNIS (crop circles, enlèvement, mutilation du bétail) et pour conclure différentes hypothèses censées expliquer toutes ces étranges manifestations.

Les deux reproches que l’on peut faire à l’ouvrage sont, d’une part, le manque de contradicteurs (il aurait été intéressant de donner la parole aux sceptiques pour connaître leur point de vue sur la question) et d’autres part, le fait que tous les thèmes ne sont que survolés en quelques paragraphes. Certes, l’éditeur le précise d’emblée : « cette enquête se veut avant tout un ouvrage de vulgarisation, accessible et référencé ».

Un titre idéal, donc pour les débutants qui s’intéressent à la question. Je dois également reconnaître que la partie consacrée aux observations est assez fascinante et qu’il est difficile de lâcher le livre avant d’avoir parcouru l’ensemble des témoignages.

Merci à Babelio et au Cherche Midi de m’avoir permis de découvrir ce document qui tente d’apporter des éclaircissements sur une problématique complexe.

Ovnis : enquête sur un secret d’États, d’Egon Kragel et Yves Couprie, Éditions le cherche midi, 2010. 348 pages. 17 euros.

L’info en plus : La littérature ufologique est incroyablement productive. Rien que depuis le début de l’année 2010, près de 20 ouvrages traitant de la question des ovnis sont parus. Quelques titres au hasard ? Le complot cosmique : théorie du complot, ovnis, théosophie et extrémisme politique ; Ovnis, enlèvements extraterrestres, univers parallèles : certitude ou fiction ? ; La science des extraterrestres ; Le miracle de Fatima : la plus grande opération de communication extraterrestre des temps modernes ; Ovnis, vers la fin du secret ?

Tout un programme !