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lundi 10 janvier 2011

Fruits & légumes - Anthony Palou

D’abord, il y eut le grand père. Antonio Pablo Luna Coll, un espagnol de Majorque qui, fuyant le franquisme, traversa les Pyrénées et remonta jusqu’au Finistère. C’est là, en 1937 qu’il rencontra sa future femme, une bretonne pur jus prénommée Rozenn. A peine deux ans plus tard, il se lança dans la culture de fruits et légumes et devint peu à peu un vendeur respecté des halles de Quimper. Son fils prit la relève et développa l’affaire. Au début des années 70, le narrateur, encore enfant, se souvient que son père se levait à l’aube et montait dans la 2CV camionnette pour faire le tour des grossistes. Il se souvient des vacances en Espagne, du confort de la vie en province. Mais il se souvient aussi des soucis qui commencèrent avec l’incendie des halles en 1976. Et puis il y eut l’apparition des premiers supermarchés qui précéda de peu celle des huissiers sur le seuil de la maison familiale. Au final, l’entreprise de primeurs Coll sombra corps et biens, et son père ne s’en remit jamais vraiment.

Anthony Palou, né à Quimper en 1965, possède un joli brin de plume, en apparence assez désinvolte, mais qui est à l’évidence très travaillé. Ces quelques souvenirs de prime jeunesse se déclinent en courts chapitres, voire en simples paragraphes qui donnent beaucoup de rythme et de tonicité au texte. Une chronique sur l’enfance douce-amère, certes un brin nostalgique mais qui montre surtout comment s’est construite la personnalité du narrateur à travers la figure d’un père devenu bien malgré lui une sorte de loser qui a fini par baisser les bras devant d’insurmontables difficultés professionnelles.

Mais ce petit roman est aussi un coup de projecteur sur les petites gens et cette France des années 70 en pleine mutation. Anthony Palou ne glorifie rien ni personne. Il ne fait pas de ses personnages des super héros, loin de là. Tout tend vers la médiocrité, de son premier amour à l’AVC de son père (que l’on retrouve aux toilettes « la tête dans la cuvette, du grumeau de vomi dégoulinant de son menton »), de l’huissier aux vendeurs et aux clients du marché. Un hymne à la province et à la Bretagne ? Même pas. Sans tomber dans le cynisme, le narrateur est d’une désarmante lucidité. Désabusé serait sans doute le qualificatif le plus juste. La désillusion a finalement saisie trois générations de Coll. Le grand-père, le père et finalement le fils, devenu patron d’une petit entreprise de peinture qui, s’il reconnaît que son « affaire ne marche pas trop mal », ne déborde pas non plus d’ambition.

Un roman simple, sans fioriture, qui sonne juste et m’a fait passer un excellent moment de lecture. J’espère, Mr Palou, qu’il ne faudra pas attendre dix ans avant de découvrir votre prochain texte.

Fruits et légumes, d’Anthony Palou, Albin Michel, 2010. 152 pages. 14 euros.

L’info en plus : Fruits et légumes est le second roman d’Anthony Palou. Le premier, Camille, est paru en 2000 et a remporté le prix Décembre cette même année. Fruits et Légumes a pour sa part remporté le Prix La Montagne - Terre de France 2010 qui a pour objet de « distinguer une œuvre, un roman, un récit, mettant en valeur une terre de France et ceux qui y vivent ». Pour le coup, je ne suis pas certain que le texte mette en valeur la Bretagne et ceux qui y vivent mais peu importe, c’est tout de même une belle reconnaissance pour l’auteur.

lundi 1 novembre 2010

Où j'ai laissé mon âme - Jérôme Ferrari

Alger, mars 1957. Le capitaine André Degorce et son équipe ont pour charge de faire parler les prisonniers qui passent entre leurs mains. Tous les procédés sont bons pour obtenir une information. Lorsque les « terroristes » ont vidé leur sac, ils sont transférés chez le lieutenant Horace Andréani qui, le plus souvent, les fait disparaître définitivement. Degorce et Andréani ont un passé commun. Ils ont combattu ensemble en Indochine. Les deux hommes ont vécu l’horreur de la détention et l’humiliation de la défaite. Degorce a de plus été interné plusieurs mois à Buchenwald pendant la seconde guerre mondiale. De victime, il est devenu bourreau. Il s’applique à remplir les missions qui lui sont confiées mais il s’interroge sur le sens de ses actions. Un questionnement métaphysique qui le pousse à affronter l’évidence : il a laissé son âme quelque part derrière lui, sans se rappeler ni où ni quand.

Trois jours. Du 27 au 29 mars 1957. Les événements s’enchaînent avec l’arrestation de Tahar, le commandant de l’ALN. Le réseau est enfin décapité mais le capitaine Degorce n’en tire aucune satisfaction. Il repense au cheminement qui, depuis son engagement dans la résistance en 1944 alors qu’il n’avait que 19 ans, l’a poussé à se retrouver en ce printemps 1957 à torturer des pauvres bougres dans des caves algéroises. Une plongée au plus profond des tourments de l’âme humaine.

N’ayons pas peur des mots : l’écriture de Jérôme Ferrari est ici éblouissante. Le ton n’est ni trop sec, ni trop lyrique. Il n’y a pas un mot de trop. La construction est limpide et tous les éléments s’imbriquent pour que le lecteur comprenne les errements du capitaine Degorce et le courroux affiché par le lieutenant Andréani. Les descriptions des scènes de tortures ne sont pas du tout racoleuses. Froides, inhumaines, elles frappent aux tripes et donnent la nausée. Comment pourrait-il en être autrement ?

Où j’ai laissé mon âme est un roman ambitieux. Il m’a tout simplement bouleversé. Il y a bien longtemps que je n’avais pas lu un texte aussi fort. Clairement un des chocs de la rentrée littéraire.

Où j’ai laissé mon âme, de Jérôme Ferrari, Actes Sud, 2010. 154 pages. 17 euros.

L’info en plus : Où j’ai laissé mon âme fait partie de la sélection du prix des libraires qui sera remis le 18 mars prochain. Je ne suis pas libraire mais franchement, si je faisais partie du jury, il y a fort à parier que le roman de Jérôme Ferrari serait mon petit chouchou, loin devant les 17 autres candidats !

lundi 25 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 8) : Dernier train pour Buenos Aires

Quatre époques, quatre personnages, quatre points de vue pour une seule et même histoire. Dans ce bled paumé du fin fond de l’Argentine, un fait divers terrible s’est produit au cours de l’hiver 1959. Le premier à s’exprimer est le coiffeur Vicente Vardemann. Nous sommes en 1973. Vicente le taciturne décrit les non-événements qu’il observe derrière la vitre du salon de coiffure. Le second à prendre la parole se nomme Bicho Souza. Il sort du cinéma et s’installe à la terrasse d’un bistrot, en 1984. Viendront ensuite Miguelito Barrios (1966) et Folcada qui, lui, raconte cette fameuse journée de décembre 1959. Les quatre parties du roman semblent n’avoir aucun point commun. Pourtant, toutes ressassent à un moment donné les souvenirs d’hommes qui, de près ou de loin, ont vu leur vie bouleversée par le drame qui s’est noué autour d’une femme, la Negra Miranda et ses jambes sublimes. Ce n’est que dans les toutes dernières pages que l’on comprend le fin mot de l’histoire et le sens de ces témoignages.

Voila un très court roman dont la construction semble de prime abord très éclatée mais qui au final relève d’une implacable mécanique de précision. Totalement déstabilisé au départ par une narration hachée en très courts paragraphes sans ligne directrice claire, le lecteur doit dépasser cet apparent manque d’intérêt pour découvrir en filigrane les relations qui unissent les différents protagonistes. Pour ne pas perdre le fil et tirer la quintessence du récit, il me paraît essentiel de lire les 90 pages d’une traite.

Hernan Ronsino adapte le discours de chaque personnage en fonction de sa nature. Pour Vicente le taiseux, les phrases sont courtes et essentiellement descriptives. Bicho Souza est plus volubile, c’est un tchatcheur comme on en croise souvent dans les cafés. Et si le témoignage de Miguelitto Barrios est tout en pudeur et en retenu, celui de Folcada est empli de colère et de véhémence avec de nombreuses répétitions qui traduisent une colère à fleur de peau.

Au final, on ne peut que rester admiratif devant la finesse et l’originalité de la construction du roman. Mais il manque à mes yeux un petit supplément d’âme, ce soupçon d’épaisseur qui aurait permis de densifier le texte et de lui donner davantage de volume.

Dernier train pour Buenos Aires, d’Hernan Ronsino, éditions Liana Levi, 2010. 94 pages. 12 euros.

L’info en plus : Hernán Ronsino est né en 1975 à Chivilcoy, quelques mois avant le coup d'État. Sociologue, il enseigne aujourd'hui à l'Université de Buenos Aires. Il est l'auteur de nouvelles et d'un premier roman remarqué : La Descomposición (pas encore publié en France).

lundi 18 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 7) : Frères de sang

Bronx, années 70. A bientôt 18 ans, Stony va devoir faire le bon choix. A sa sortie du lycée, seule une fac du fin fond de la Louisiane est prête à l’acceuillir pour qu’il poursuive ses études. L’armée ? Pas question. Seule solution restante : suivre les traces de son père et devenir électricien sur les chantiers. Sa rencontre avec un médecin va bouleverser sa vision de l’avenir et l’engager sur une voie professionnelle bien différente de la volonté paternelle. Mais peut-on échapper à sa destinée ?

Second roman de Richard Price publié aux Etats-Unis en 1976, cette œuvre de jeunesse sonne comme un uppercut à la pointe du menton. Une chronique familiale dressant le portrait d’une « tribu » italo-américaine dont chaque membre est un cas à part entière. Entre le petit frère anorexique, la mère psychopathe, le père et l’oncle infidèles, Stony à fort à faire. L’amour filial est le thème central du roman. Stony est pris au piège. Il le sait mais tente de se convaincre du contraire. C’est une sorte de héros tragique : dès le départ on se doute que quoi qu’il fasse, il ne pourra en aucun cas changer le cours de son destin.

Un texte cru, violent, sans concession. Les dialogues sont magistralement ciselés et l’atmosphère si typique du Bronx parfaitement rendue. Richard Price est sans conteste à classer parmi les très grands écrivains américains de la seconde moitié du 20ème siècle. On pense évidemment au Selby de Last Exit to Brooklyn. Pour les dialogues, la comparaison est à chercher du coté d’Ed Mc Bain ou de Chester Himes. Loin, très loin des écrivains du Montana et du Nature Writing, Price distille une prose urbaine qui fait mouche. Voila la littérature américaine comme je l’aime : moderne, sauvage et totalement décomplexée !

Frères de sang, de Richard Price, Presses de la cité, 2010. 392 pages. 21 euros.

L’info en plus : Richard Price n’est pas seulement romancier, c’est également un scénariste de talent. Il a notemment signé le scénario de La couleur de l’argent, un film de Martin Scorcese.

Un très grand merci à Babelio et aux Presses de la cité de m’avoir fait découvrir ce superbe roman !


Challenge du 1% littéraire


lundi 11 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 6) : Mangue amère - Bulbul Sharma

Les femmes de la famille de Bhanurai Jog se réunissent pour préparer un festin le jour de l’anniversaire de sa mort. Installées en rond autour d’un énorme tas de légumes, elles s’attèlent à la préparation du repas. La conversation s’engage et Malarani, une des nièces du défunt, prend la parole pour raconter la première histoire de la journée.


Huis récits s’enchaîneront en tout. Au menu, la résistance d’une bru face à sa belle-mère acariâtre, un fils expatrié qui revient passer un court séjour chez ses parents, ou encore cette maîtresse perfide cherchant à éloigner l’épouse légitime de son amant. Point commun à toutes ces histoires : la femme y tient une place centrale. Des portraits doux amers, parfois drôles, parfois plus graves qui plongent le lecteur au cœur de la famille indienne.

Bulbul Sharma montre à quel point il devient difficile pour la femme indienne de trouver sa place dans un pays en pleine mutation. Tiraillées entre le respect des traditions et de légitimes désirs d’émancipation, ses héroïnes ont surtout du caractère et n’hésitent pas à faire entendre leur voix. Jalouses, vénales, intrigantes, amoureuses, les femmes ne sont pas ici serviles et corvéables à merci. Au passage, les expatriés en prennent pour leur grade (cf. l’épisode du fils revenu d’Amérique qui est effrayé à l’idée de prendre du poids à cause des plats frits que lui prépare sa mère ou bien ce repas de famille au cours duquel on prépare un curry très peu épicé pour ne pas froisser l’estomac des expatriés ayant perdu l’habitude de la vraie cuisine indienne).

La nourriture tient une place important dans les différents récits, mais pas suffisamment à mon goût. L’odeur des épices n’est que trop peu présente et les recettes pas assez détaillées. Pour ce qui est des romans gastronomiques, on n’a rien fait de mieux pour l’instant (et à mon avis !) que Vie et passion d’un gastronome chinois de Lu Wenfu, ou encore, dans un autre registre, que le manga Le gourmet solitaire, de Jirô Taniguchi. Mais après tout peu importe, j’ai passé un excellent moment avec ces raconteuses d’histoires indiennes et c’est bien là l’essentiel.

Mangue amère, de Bulbul Sharma, éditions Ph ; Picquier, 2010. 168 pages. 16,50 euros.

L’info en plus : Bulbul Sharma est une adepte des « récits gastronomiques ». Son premier ouvrage publié en France, intitulé La colère des aubergines est en effet, dixit la quatrième de couverture, un recueil « d’histoires pleines d'odeurs de cuisine, puissamment évocatrices des rapports et des conflits entre les membres d'une maisonnée indienne ». Sorti en 1999, il est disponible depuis 2002 au format poche, toujours chez Philippe Picquier.

lundi 27 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 5) : Requiem pour Lola rouge

Le quotidien de P. est terne, sans véritables perspectives. Le jeune homme vivote grâce à de petites magouilles. Il passe son temps à déambuler dans les rues de Paris. L’oisiveté semble être sa seule occupation, jusqu’au jour où son chemin croise celui de Lola. Une femme ensorcelante qui l’emmènera pour de longs voyages en Asie, au Portugal où à Amsterdam. Entre rêve et réalité, P. a trouvé, grâce à Lola, une échappatoire à sa triste existence.

Très poétique, ce premier roman est ambitieux dans sa construction. Le thème général est classique : le mal être d’un jeune homme préférant se réfugier dans la fantasmagorie plutôt que dans la triste matérialité du présent et de l’avenir qui s’offre à lui. Mais Pierre Ducrozet n’hésite à bousculer le lecteur avec une narration très éclatée, passant d’une situation à l’autre, d’un lieu à l’autre sans transition. Il faut parfois s’accrocher pour trouver le fil conducteur. C’est clairement une volonté délibérée de l’auteur. Quelque part, il est dans la provocation : « qui m’aime me suive ! ». Les autres, tant pis pour eux, ils resteront sur le bord de la route. Le risque majeur est là. Avec un tel onirisme, le coté déstructuré du texte embarque le lecteur ou pas. J’avoue que certains passages, trop évanescents, trop vaporeux, m’ont laissés de marbre. Il ne m’étonnerait pas que les avis soient très tranchés : en gros, on adore ou on abandonne la lecture !

L’écriture de Pierre Ducrozet, sous ses airs nonchalants, est à l’évidence très travaillée. Jamais il ne se laisse aller à un lyrisme exacerbé. Lorsque les élans lyriques surgissent, ils sont très vite contenus, et c’est tant mieux.

Au final me reste une impression mitigée. Il n’empêche, ce premier roman contient de belles promesses pour l’avenir. Et je serais sans doute partant si ce jeune auteur à la chance de publier un jour un second roman.

Requiem pour Lola rouge, de Pierre Ducrozet, Grasset, 2010. 174 pages. 17 euros.

L’info en plus : Pierre Ducrozet a publié en 2009 un album pour enfants intitulé : Les clefs du zoo. L’histoire d’une petite fille qui se voit confier la garde d’un zoo par son grand-père. L’ouvrage est accompagné d’un CD-audio reprenant le texte lu par Romane Bohringer.


samedi 25 septembre 2010

Challenge 1% rentrée littéraire 2010



Un challenge bien sympa que j'ai découvert totalement par hasard. Le principe : lire au moins 1% des 701 nouveaux romans de cette rentrée littéraire 2010. Il y a donc au moins 7 titres à lire pour réussir le challenge.

Pour l'instant, j'en suis à 5 lus, 4 billets publiés et 7 autres romans sous le coude. Petite revue d'effectifs :

Les romans lus avec billet publié :

4ème de couverture : A La Nouvelle-Orléans, alors qu'une terrible tempête est annoncée, la plupart des habitants fuient la ville. Ceux qui n'ont pu partir devront subir la fureur du ciel. Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et confronte chacun à sa vérité intime : que reste-t-il en effet d'un homme au milieu du chaos, quand tout repère social ou moral s'est dissous dans la peur ?
Seul dans sa voiture, Keanu fonce vers les quartiers dévastés, au coeur de la tourmente, en quête de Rose, qu'il a laissée derrière lui six ans plus tôt et qu'il doit retrouver pour, peut-être, donner un sens à son existence...



       4 ème de couverture : Chez Plomeur, à Quimper, on est boucher de père en fils. En pleine Première Guerre mondiale, le tout jeune André se découvre un don pour faire « chanter la chair » - et pas n'importe laquelle : celle des femmes, dont la file s'allonge devant la boucherie... Leurs hommes partis au front, celles-ci comptent sur André pour goûter au plaisir suprême. Hélas, le conflit touche à sa fin et les maris reviennent. Un matin, le boucher trouve sur le pas de sa porte un bébé gazouillant dans un panier en osier, puis un deuxième, un troisième... Du jour au lendemain, le voilà père de sept enfants, et poursuivi par un époux jaloux décidé à lui faire la peau. Avec la chair de sa chair, André s'enfuit à Concarneau et affrète un bateau. Direction l'Amérique !




4 ème de couverture : À la retraite, le narrateur décide d'adopter Léo, 99 ans, que rien ne prédestinait à venir s'installer chez lui. C'est le début d'une grande aventure, faite de tout petits riens. De silences qui veulent dire beaucoup, de tendresse, de rires pour conjurer le déclin...
Mon vieux et moi, est-ce que ça peut durer toujours, comme dans les romans d'amour ?

 
 
 
 
 
4ème de couverture : Tout commence par des disparitions, des déplacements d'objets.
Shimura-san vit seul dans une maison silencieuse qui fait face aux chantiers navals de Nagasaki. Cet homme ordinaire rejoint chaque matin la station météorologique de la ville en maudissant le chant des cigales, déjeune seul et rentre tôt dans une retraite qui n'a pas d'odeur, sauf celle de l'ordre et de la mesure. Depuis quelque temps déjà, il répertorie scrupuleusement les niveaux et les quantités de nourriture stockée dans chaque placard de sa cuisine. Car dans ce monde contre lequel l'imprévu ne pouvait rien, un bouleversement s'est produit.



Le roman lu avec billet à venir très prochainement :

4ème de couverture : «J'en étais alors à me regarder pousser les cheveux. Le soleil commençait à m'emmerder sérieusement, et la pluie aussi.»
Telle est l'existence du jeune P., qui vit d'expédients et de petites magouilles à Montmartre. Jusqu'au moment où apparaît Lola. Lola brune, Lola aux cheveux courts, Lola à l'oeil malicieux. Et Lola paranoïaque. Elle entraîne P. dans une série de voyages fantasmagoriques, de Lisbonne au Viêtnam.



 
 
 
Les 7 romans à lire :
 
4ème de couverture : Voici un savoureux festin d'histoires où la nourriture et celles qui la préparent jouent le premier rôle. Des femmes y marient arômes et épices pour nous livrer tour à tour des recettes de vie où s'épanche la brûlante violence des currys, s'attarde le parfum entêtant d'une rivale ou se distillent les ingrédients doux-amers de la vengeance. Autant de secrets, de souvenirs qui nous plongent au coeur de la famille indienne, d'un monde opulent et magique où les vivants parlementent avec les morts qui viennent habiter leurs rêves, en des anecdotes tour à tour poignantes, drôles, macabres, inoubliables.
 
 
 
 
 

4ème de couverture : Le Bronx, dans les années 1970. Stony de Coco va avoir 18 ans, il est temps pour lui d'entrer dans le monde des adultes. Mais la seule perspective pour ce garçon issu d'une famille modeste d'origine italienne, c'est le bâtiment, comme son père, et ça ne l'enchante guère. Et Stony doit aussi protéger son petit frère Albert de la violence névrotique de leur mère...



 
 
 
 
 
4ème de couverture : Cela se passe entre 1941 et 1943, dans les Abruzzes. Non loin du Gran Sasso, cette écrasante montagne qui impose sa force tellurique comme une ombre portée sur le temps. Par une de ces décisions absurdes et nocives dont le fascisme est friand, les Chinois de la péninsule ont tous été internés ici et constituent une étrange communauté, dont le mutisme est peut-être la meilleure protection. Ils sont à un moment cent seize, parfois moins, parfois plus. La vie s'écoule, sans but et sans substance. Un jour, les autorités organisent une grande cérémonie, drolatique et insensée, de conversion au catholicisme. Puis le labeur reprend, aux champs ou ailleurs, dans un mélange d'ennui, de désarroi et de fausse résignation, jusqu'au jour où tout bouge et où le groupe se disperse.



4ème de couverture : Lundi 6 décembre 1954, l'Académie Goncourt s'apprête à décerner son prix à Simone de Beauvoir. Comme chaque semaine, Gérard Cohen, garçon de courses chez Gallimard, se rend chez Louis-Ferdinand Céline qui vit à Meudon comme au purgatoire : le débutant se confronte alors au génie, l'adolescent au vieil homme et le juif à l'antisémite. Celui qui ne fut pas vraiment un martyr doit faire face à celui qui ne fut même pas un bourreau. La « visite au grand écrivain » devient alors une remontée du fleuve, dans les méandres de la mémoire et les profondeurs de la jungle. Peinture du milieu littéraire des années cinquante, errance dans un Paris disparu, Le réprouvé est un grand roman initiatique.




4ème de couverture : Antoine Aimé est lecteur au sein de la prestigieuse maison d'édition parisienne Empire. Son job consiste à examiner - et refuser systématiquement - les manuscrits.
Lorsque les éditions Empire sont soupçonnées d'avoir poussé un jeune auteur au suicide, la machine s'enraie. Antoine Aimé, interprétant les nouveaux ordres de la direction, décide d'accepter désormais tous les manuscrits envoyés spontanément à la maison d'édition...



 
 
4ème de couverture : 1957. A Alger, le capitaine André Degorce retrouve le lieutenant Horace Andreani, avec lequel il a affronté l'horreur des combats puis de la détention en Indochine. Désormais les prisonniers passent des mains de Degorce à celles d'Andreani, d'un tortionnaire à l'autre : les victimes sont devenues bourreaux. Si Andreani assume pleinement ce nouveau statut, Degorce, dépossédé de lui-même, ne trouve l'apaisement qu'auprès de Tahar, commandant de l'ALN, retenu dans une cellule qui prend des allures de confessionnal où le geôlier se livre à son prisonnier...




 
 
4ème de couverture : «Toute ma vie, il y a eu un décalage horaire entre papa et nous. Mon père était "primeurs".»
Entre dérision et nostalgie, cette chronique sociale et familiale est avant tout la radiographie d'une époque. Celle des années 70, période d'insouciance qu'Anthony Palou évoque à travers l'essor et le déclin d'une «dynastie fruitière» qui a fui l'Espagne franquiste pour faire fortune en France avec sa soupe catalane.



 
 
 
Je me suis fixé comme propre challenge de lire tout ça avant Noël. Franchement, ça me paraît difficile, mais on verra bien !

mercredi 22 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 4) : Nagasaki d'Éric Faye

Shimura Kobo est un météorologue vivant à Nagasaki. Ce vieux garçon de 56 ans à l’existence réglée comme du papier à musique constate depuis quelques temps que son stock de nourriture baisse de façon incompréhensible sans qu’il y touche : quelques centilitres en moins dans une brique de fruits, une part de poisson qui disparaît… Sachant pertinemment que son frigo n’est pas hanté, Shimura se demande s’il n’est pas en train de perdre la boule. Pour en avoir le cœur net, il installe une webcam dans sa cuisine afin de surveiller son logis depuis son lieu de travail. C’est ainsi qu’il découvre à l’écran la silhouette d’une femme évoluant tranquillement dans le champ de la caméra. Il avertit immédiatement la police et les forces de l’ordre interpellent la « cambrioleuse » qui s’était réfugiée au fin fond d’un placard.

L’enquête révèlera que cette femme vivait depuis près d’un an dans la maison sans que son propriétaire ne se soit jamais aperçu de sa présence. Cachée dans le placard quand le météorologue rentrait du travail, cette SDF profitait dans la journée du confort de l’habitation laissée vide par son occupant.

Inspiré d’un fait divers rapporté par plusieurs journaux japonais en 2008, ce court roman est une réflexion sur la solitude et la déshumanisation de la société. La femme qui investit la maison de Shimura de manière clandestine est une des nombreuses victimes de la crise économique qui touche de plus en plus de japonais. Le météorologue est quand à lui un homme seul, très seul, menant une existence terne et monotone.

L’approche proposée par Eric Faye de ce fait divers original est passionnante dans la mesure où il exprime le point de vue des deux parties. Le célibataire endurci se révèle très perturbé par cette intrusion dans sa vie privée. Il avoue plusieurs fois après l’arrestation qu’il ne se sent plus chez lui. Il réagit finalement comme la plupart des victimes de cambriolages. Mais en donnant la parole au « coupable », l’auteur éclaire l’affaire d’un jour nouveau. Les raisons qui ont poussée cette femme à agir de la sorte sont au demeurant on ne peu plus humaines et ne relèvent en aucun cas d’une quelconque intention criminelle.

L’auteur relate au final le carambolage malencontreux de petites vies. Un carambolage qui va laisser des traces des deux cotés et qui pousse le lecteur à s’interroger sur l’évolution de notre monde où individualisme, solitude et injustice sociale sont devenus la norme.

Nagasaki, d’Eric Faye, Stock, 2010. 108 pages. 13 euros.

L’info en plus : Nagasaki fait partie des douze romans sélectionnés pour le prix Wepler-Fondation La Poste. Ce prix vise à faire émerger, parmi les nouveautés de la rentrée littéraire, des auteurs et des titres peu médiatisés. Le prix sera remis le 22 novembre à la brasserie Wepler, dans le 18ème arrondissement.

jeudi 9 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 3) : Mon vieux et moi de Pierre Gagnon


Le narrateur est un tout jeune retraité célibataire et sans enfant qui décide d’adopter un vieux. Après la visite des services sociaux et quelques aménagements domestiques, il accueille chez lui Léo, 99 ans. Au fil des jours, les deux hommes apprennent à mieux se connaître et vont partager de bons moments, entre silences entendus et complicité naissante.

Dans un texte tenant plus de la longue nouvelle que du roman, Pierre Gagnon aborde un sujet délicat (la vieillesse) avec tendresse mais sans angélisme. Certes, l’altruisme semble être la motivation première du narrateur. Il veut clairement profiter de sa retraite pour accomplir une sorte de BA en accueillant à domicile une personne âgée. Mais on peut se demander s’il n’y a pas derrière ce semblant de charité chrétienne une part d’égoïsme. Ne prend-il pas quelqu’un chez lui pour affronter la solitude engendrée par sa nouvelle situation ? Avoir une présence, pouvoir partager, échanger mais aussi chercher à donner un sens à une existence qui peut sans cela sembler être proche d’un grand vide. Finalement, c’est le choix du compagnon qui est original et surprenant. Là où beaucoup se contentent d’un chat ou d’un chien, lui a préféré prendre à ses cotés un être humain. Et c’est ce choix qui suscite l’admiration, car au bout du compte, il n’accueille pas Léo pour se donner bonne conscience. Force est de constater qu’il porte une réelle affection au vieil homme.

Il se dégage du texte beaucoup de bienveillance désintéressée. C’est sans doute l’aspect le plus important, celui qui permet de balayer l’apparent égoïsme de la démarche au départ. De plus, même si le thème du roman peut paraître grave, le ton reste d’une incroyable légèreté. Rédigé à la première personne, le texte alterne les passages joyeux et ceux, plus pesants, soulignant le lent déclin de Léo :
« Certains jours, en après-midi, il n’a envie de rien. Il s’installe alors au salon pour ne plus bouger. Il peut y demeurer pendant des heures. Je glisse un oreiller derrière son dos pour l’aider à tenir. Il attend quelqu’un… Plus tard, devant l’évidence que personne ne viendra, il se remet en route pour sa chambre ou la salle de bain. Voila, c’est tout. Ça s’appelle vieillir. Jamais on ne raconte ces choses-là, bien sûr. Ça n’intéresse personne. »

Au final reste la délicieuse impression d’avoir partagé avec ces deux hommes quelques instants d’humanité. Et croyez-moi, par les temps qui courent, ça fait vraiment du bien !

Mon vieux et moi, de Pierre Gagnon, Autrement, 2010. 88 pages. 9 euros.

L’info en plus : Né en 1957, Pierre Gagnon a connu un énorme succès au Québec avec le récit de son combat contre le cancer, 5-FU. Mon vieux et moi est son 4ème livre, le premier publié par un éditeur français.

lundi 30 août 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 2) : Bifteck de Martin Provost

Les Plomeur, installés à Quimper, sont bouchers de père en fils. André, le petit dernier, n’échappe pas à la règle. Mais au-delà de ses compétences pour la découpe de la viande froide, le jeune homme se découvre une autre qualité rare : il fait chanter la chair des femmes. Alors que la première guerre mondiale a envoyé au front la majorité des hommes, André, devenu maître es orgasmes, voit le nombre des ses adoratrices augmenter de façon exponentielle. Lorsque le conflit prend fin, les maris reviennent et les ennuis commencent pour la famille Plomeur. Fernande, sa mère, trouve un matin sur le pas de la porte un bébé dans un couffin. Six autres suivront. Décidé à s’occuper de ses enfants avant tout, André délaisse le commerce familial. La clientèle féminine ayant subitement déserté leur boucherie, les parents voient poindre le spectre de la faillite. Devant le désastre annoncé, la mère meurt d’une crise cardiaque, suivie peu après par son époux. Et quand un mari jaloux menace de tuer un des nouveaux nés, André s’empresse de quitter Quimper avec sa progéniture sur un bateau de fortune à destination de l’Amérique…

Ce court roman est un joyeux fourre tout. Commençant comme une comédie lorgnant sur le vaudeville, le récit emprunte à l’aventure maritime façon Hemigway (Le vieil homme et la mer) avant d’accoster sur une île que n’aurait pas reniée Robinson Crusoé. Survient alors une légère dose de fantastique avant une apothéose finale qui tend allègrement vers un genre bien particulier, l’absurde.

Conte ? Fable ? Récit d’initiation ? Difficile de faire rentrer ce Bifteck dans une catégorie précise. C’est à la fois original et déstabilisant pour le lecteur. A l’évidence, le coté décousu de l’intrigue dessert le texte. C’est dommage, car Martin Provost possède un joli brin de plume.

Les meilleurs passages sont ceux qui abordent la question de la paternité. André est un papa poule prêt à tout pour protéger ses enfants. Mais le jour où il comprend que ses sept petits ont grandi et n’ont plus forcément besoin de lui, sa souffrance est touchante : « On lui signifiait son congé, comme à l’ancêtre qu’on autorise à finir ses jours paisiblement au coin de l’âtre, nourri d’eau sucrée et de croûtes de pain. Se mêler aux existences des jeunes hommes et femmes en devenir, il n’en était plus question. […] Jusqu’alors, il avait été pour eux leur seul prolongement, leur seul territoire possible. »

Pour le reste, les événements sont aussi vite lus qu’oubliés. A part peut-être la conclusion de l’histoire où, après s’être demandé où tout cela allait nous mener, on se dit : tout ça pour ça ?

Voila donc un texte original dans sa construction et joliment écrit qui ne semble malheureusement pas tout à fait abouti. Agréable mais dispensable.

Bifteck, de Martin Provost, édition Phébus, 2010. 125 pages. 11 euros.

L’info en plus : Romancier, Martin Provost est aussi et surtout cinéaste. Il est notamment le réalisateur du long métrage Séraphine, récompensé en 2009 par sept César.

jeudi 26 août 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 1) : Ouragan de Laurent Gaudé

A La Nouvelle-Orléans, en 2005, alors que la terrible tempête Katrina arrive, des vies vont être bouleversées. Il y a Joséphine Linc. Stelson, la négresse centenaire, fière et têtue comme une mûle, qui refuse d’évacuer. Il y a aussi le révérend dont on ne connaîtra jamais le nom, Buckeley, un prisonnier qui s’échappe du pénitencier pour ne pas finir noyé dans sa cellule, et puis Keanu Burns. Ce dernier, manutentionnaire sur une plateforme pétrolière du Golfe du Mexique, décide de revenir en ville pour retrouver Rose Peckerbye, la femme qu’il a quittée six ans plus tôt. Autant de vies qui vont se croiser à un moment ou un autre, déambulant dans une ville touchée par l’apocalypse.

La narration alterne la première et la troisième personne avec très peu de dialogues. Le point de vue se focalise sur les différents personnages au fil de courts paragraphe. Un récit choral qui peut paraître déstructuré de prime abord mais qui au final relève d’une construction précise et implacable.

Le texte est peut-être trop court, mais quel plaisir de lecture ! Laurent Gaudé distille sa petite musique avec un talent rare. Phrases courtes, syntaxe sobre et classique, recherche de l’épure. Le lexique n’est pas d’une incroyable richesse mais il est parfaitement adapté. L’ensemble est d’une telle musicalité que je me suis surpris à lire les différents paragraphes à voix haute. Il y a notamment chez cet auteur une maîtrise de l’usage de la virgule qui donne un rythme parfait à la lecture. Pour vous en convaincre, lisez le dernier paragraphe du roman. Près de cent lignes sans aucun point et pourtant la lecture coule toute seule grâce aux virgules. Un régal !

Que dire d’autre ? Avec un tel sujet, le danger aurait été de se lancer dans des élans plein de lyrisme. Mais cette tentation, qui pointe parfois le bout de son nez, est contenue avec maestria. On a ici affaire à un écrivain, tout simplement. C’est devenu tellement rare à l’heure où la surproduction littéraire actuelle encourage la médiocrité que l’on en serait presque surpris. Mais qu’est-ce que ça fait du bien !

NB : A ceux qui ont lu le livre et qui ont été frappé d’une empathie particulière pour le personnage de Joséphine Linc. Stelson, je ne saurais que conseiller la lecture du roman Autobiographie de Miss Jane Pittman de l’écrivain américain Ernest J. Gaines (paru en poche chez 10/18). Il y raconte la vie (fictive) d’une femme noire de Louisiane qui, ayant vécu cent dix ans, aurait connu à la fois l’esclavage et l’émergence de l’émancipation du peuple noir. Un petit bijou !

Ouragan, de Laurent Gaudé, Éditions Actes Sud, 2010. 190 pages. 18 euros.

L’info en plus : Laurent Gaudé est un auteur multicarte. A la fois romancier et dramaturge, il s’est aventuré il y a deux ans dans les méandres de la littérature jeunesse avec l’album La tribu des Malgoumi. Une vraie réussite que ce magnifique album très poétique qui plaît beaucoup aux enfants. Et puis ça permet aux parents de dire que la petite dernière de 5 ans a déjà lu un auteur qui a gagné le Goncourt. La classe !