vendredi 6 juillet 2018

Brasier noir - Greg Iles

Accusé d’avoir euthanasié une infirmière noire avec laquelle il travaillait dans les années 1960, le docteur Tom Cage refuse de répondre à la justice, se retranchant derrière le secret professionnel. Son fils, ancien procureur devenu maire de Natchez, Mississipi, va tenter par tous les moyens de l’innocenter. Pour y parvenir, il va devoir se plonger dans le passé d’une communauté meurtrie par les crimes du Ku klux klan. Se faisant, il va remuer des souvenirs que bien peu de monde en ville souhaite voir remonter à la surface.

Quelle déception, mais quelle déception !  Il avait pourtant tout pour me plaire ce monumental pavé. D’abord avec son sujet au cœur des préoccupations d’une Amérique dans l’incapacité de solder les épisodes nauséabonds d’un passé toujours très présent, ensuite avec son traitement que j’imaginais fouillé (vu le nombre de pages !) et enfin avec son ambiance brûlante magnifiée par des personnages et des décors caractéristiques du Sud profond. Tout s’annonçait donc bien et pourtant, patatras !

Premier écueil, j’avais beau savoir que j’avais dans les mains le volume inaugural d’une trilogie, je ne pensais pas pour autant que la conclusion me laisserait à ce point sur ma faim. C’est simple, j’ai eu l’impression d’avoir été abandonné au milieu du gué et pour ainsi dire pas plus avancé qu’au premier chapitre. Après plus de 1000 pages quand même !

Deuxième gros souci, la question raciale n’est absolument pas le nerf de la guerre pour les protagonistes. Du moins pour ceux menant les investigations. Le maire veut juste sauver son père, sa future femme cherche la gloire et un éventuel Pulitzer, le journaliste d’investigation œuvrant depuis des décennies pour la vérité le fait en souvenir de son enfance, l’agent du FBI veut venger la mort de l’un de ses confrères, etc. Tous sont blancs et aucun d’eux, à aucun moment, n’agit pour la communauté noire. Leurs actions pour connaître la vérité ne sont guidées que par une histoire ou des intérêts personnels, absolument pas par de quelconques convictions politiques. C’est du moins l’impression qu’ils donnent et c’est plutôt gênant.

Troisième problème, l’écriture (ou la traduction) est d’une grande platitude. C’est simple, il n’y a quasiment que des dialogues entrecoupés de descriptions au ton journalistique. C’est rythmé et bien mené mais littérairement, ça ne vole pas haut. Bien sûr le suspens ne cesse de croître, la tension monte et on se prend au jeu mais ce genre de page-turner d’une redoutable efficacité privilégie la forme au détriment du fond, ce qui est bien dommage. La scène finale, digne d’un film d’action, cherche à en mettre plein la vue mais je l’ai trouvée aussi inutile qu’excessive, pour ne pas dire ridicule.

Pas grand chose à sauver donc, de mon point de vue du moins. Qu’un sujet aussi sensible soit traité à la manière d’un thriller jouant davantage sur la corde du « divertissement » que sur l’aspect social et sociétale me pose un vrai problème. Je me passerai sans regret du second tome et pour ce qui est d’éclairer « avec maestria la question raciale qui continue de hanter les États-Unis » (dixit la 4ème de couv), je préfère retourner vers le fabuleux Ernest J. Gaines.

Brasier noir de Greg Iles (traduit de l’anglais par Aurélie Tronchet). Actes Sud, 2018. 1050 pages. 28,00 euros.








mardi 3 juillet 2018

Lise et les hirondelles - Sophie Adriansen

Paris, 16 juillet 1942. Lise, 13 ans, assiste impuissante à l’arrestation de sa famille. Se précipitant au commissariat, elle apostrophe le policier de garde et parvient, après avoir montré une détermination sans faille, à obtenir la libération de ses deux petits frères. De retour chez eux, les enfants sont recueillis par leurs voisins. Commence alors pour Lise une existence régit par la peur de tomber entre les mains de l’occupant et l’insupportable absence de ses parents, dont elle est sans nouvelles.

Après le magnifique Max et les poissons Sophie Adriansen revient une fois de plus sur le sort des enfants victimes de la rafle du Vel d’Hiv. Inspiré de l’histoire vraie d’Hélène Zajdman, Lise et les hirondelles dresse le portrait d’une enfant traversant les années de guerre entre espoir et douleur sans jamais s’appesantir sur son sort. Lise a conscience de la difficulté de la situation. Au cours de vacances près de la mer elle se rend compte que les français ne peuvent pas tous être dignes de confiance. De retour à Paris elle subit les nombreuses privations touchant une grande partie de la population. Au fil des mois Lise grandit, elle garde un œil maternel sur ses frères, découvre l’amour dans les bras de Roger, chemine bon an mal à an jusqu’à la libération, consciente que la guerre lui « a confisqué des années irrattrapables, perdues à jamais ».

Un texte simple, touchant et instructif. Une façon intelligente d’entretenir le devoir de mémoire en découvrant une histoire et un personnage féminin dont le courage et l’abnégation ne pourront que susciter chez les jeunes lecteurs une admiration sans borne. Forcément indispensable.

Lise et les hirondelles de Sophie Adriansen. Nathan, 2018. 235 pages. 14,95 euros. A partir de 12 ans.









vendredi 22 juin 2018

Smith et Wesson - Alessandro Baricco

Smith et Wesson. Un duo qui fait penser aux fameux marchands d’armes. Sauf que pas du tout. On parle ici de Tom Smith et Jerry Wesson, qui se rencontrent pour la première fois en 1902, au bord des chutes du Niagara. Le premier est météorologue amateur, le second récupère les cadavres de suicidés dans les tourbillons des rapides. A leur duo va venir se greffer la jeune Rachel, journaliste débutante débarquant de San Francisco pour leur proposer de l’aider à se jeter à l’eau dans le but d’en mettre plein la vue à son rédacteur en chef. Les deux hommes, d’abord réticents, vont finir par accepter et par tout mettre en œuvre pour que l’expérience inédite imaginée par Rachel soit couronnée de succès.

Baricco peut se permettre de faire ce qu’il veut. On dirait qu’il a eu envie de se lancer un défi avec cette pièce en deux actes.  Un défi consistant à écrire du théâtre qui se lirait comme un roman, à imaginer que l’on va faire couler sur scène des millions de litres d’eau, que le bruit sera tellement étourdissant que les acteurs devront hurler pour se faire entendre, que les décors seront aussi impressionnants que difficile à créer. Avouons-le, le lecteur se fiche un peu de cette machinerie folle. Il prend plaisir à découvrir cette histoire farfelue, il se délecte des savoureux dialogues, des passages proches de l’absurde, des personnages haut-en-couleur.  Et il lit le texte comme un roman, sans imaginer une seconde assister à une représentation théâtrale.

Clairement, ce n’est pas le texte le plus profond ni le plus puissant de Baricco. Je le vois surtout comme un divertissement, certes sans prétention, mais tout sauf bâclé. Après tout, il va de soi qu’un auteur aussi talentueux ne baisse jamais la garde, même quand il donne dans davantage de légèreté. 

Smith et Wesson d’Alessandro Baricco. Gallimard, 2018. 156 pages. 16,00 euros.



vendredi 15 juin 2018

Au bord de la terre gelée - Eowyn Ivey

1885. Le lieutenant-colonel Allen Forrester est chargé de mener une expédition de reconnaissance en Alaska, le long de la rivière Wolverine,  afin de cartographier le territoire et de recueillir des renseignements concernant les tribus indigènes. Accompagné des soldats Pruitt et Tillman, d’un trappeur et de guides indiens, le lieutenant a laissé au fort son épouse Sophie, sans savoir qu’elle est enceinte.
Le texte inclut cartes, dessins, photos de paysages et images d’objets de l’époque. L’histoire se découvre à la lecture, en parallèle, des carnets d’Allen, du journal intime de Sophie et des échanges épistolaires d’un de leurs descendants et d’un conservateur de musée. C’est un vrai récit d’aventure à l’ancienne qui mêle la grande aventure du lieutenant-colonel et l’aventure intime de Sophie. Le premier défriche une terre vierge de la présence de l’homme blanc, conscient que si sa mission se réalise, elle ouvrira la porte à une colonisation de masse où les indiens ont forcément tout à perdre. De son côté sa femme aspire à briser le carcan d’une société militaire patriarcale pour gagner une forme d’autonomie et de liberté à travers sa passion pour la photographie.

Franchement, je ne m’attendais pas à être autant sous le charme d’un tel roman. C’est une superbe histoire d’amour et un hymne à la beauté et à la dureté de la nature sauvage qui invite à la contemplation tout en dressant le portrait d’un couple soudé malgré l’éloignement. Il y a également une surprenante dimension fantastique, étroitement liée aux croyances autochtones. C’est ainsi que l’on voit un enfant naître dans le creux d’un épicéa, que l’on retrouve les soldats aux prises avec un monstre lacustre, que des femmes se métamorphosent en oies ou que des fantômes hantent la montagne chaque nuit. Ce mélange entre fantastique et réalité, entre prosaïsme des explorateurs et légendes indiennes ne sonne jamais faux et fonctionne au final à merveille (à mon grand étonnement !).
Un pavé très « romanesque » traversé par le souffle de l’épopée des pionniers de l’Amérique. Et une excellente surprise en ce qui me concerne tant, à la base, je ne suis pas un adepte de ce genre de récit.

Au bord de la terre gelée d’Eowyn Ivey (traduit de l’américain par Isabelle Chapman). 10/18, 2018. 540 pages. 19,90 euros.





mardi 12 juin 2018

Pëppo - Séverine Vidal

Pëppo. Drôle de prénom pour un drôle de garçon, lycéen vivant avec sa sœur Frida et les jumeaux de cette dernière dans une caravane, sur le camping en piteux état de leur oncle. Un gamin fan de surf et de skate qui passe ses journées à buller, se balade à vélo et chaparde quelques trucs à droite à gauche pour améliorer l’ordinaire. Jusqu’à ce matin où, au réveil, il tombe sur un mot griffonné par Frida lui annonçant qu’elle s’en va pour quelques temps. Pëppo n’en revient pas. Le voilà seul avec deux nourrissons, lui qui ne sait même pas comment chauffer un biberon ni mettre une couche dans le bon sens.

Décidément, Séverine Vidal ne cessera jamais de me surprendre. Après l’humour de La drôle d’évasion et l’émotion de Nos cœurs tordus (écrit à quatre mains avec Manu Causse), elle change à nouveau de registre avec ce très beau roman d’initiation qui aborde, le temps d’un été, le passage de l’insouciance à la maturité, du j’menfoutisme  aux responsabilités. Pëppo se retrouve chargé de famille malgré lui. Pëppo a peur, Pëppo est terrorisé. Mais Pëppo va faire face, parce qu’il n’a pas le choix. Sans moyens, sans expérience, à l’intuition. Et Pëppo va s’attacher à ces jumeaux auxquels il n’avait jamais porté la moindre attention, à tel point qu’il ne savait même pas les différencier.

Un texte lumineux, peuplé de rois de la débrouille, d’une vieille peau acariâtre, d’un guitariste argentin, de bébés dodus, d’une boutonneuse au sourire ravageur et d’une Bibiche permanentée. Un texte qui déborde d’amour et de bonne humeur malgré les coups durs, malgré le quotidien difficile et l’avenir incertain. C’est tendre et plein d’humanité, ça réchauffe les petits cœurs tout mous et ça fait un bien fou. Que demander de plus ? 

Pëppo de Séverine Vidal. Bayard, 2018. 176 pages. 13,90 euros. A partir de 12 ans.














vendredi 8 juin 2018

Le chemin s’arrêtera-là - Pascal Dessaint

« Les pauvres gens, par nature, sont innocents. »

C’est une bande de terre perdue entre la mer du Nord et les raffineries. Une bande de terre coincée entre le monde sauvage et le monde industriel. Sur cette bande de terre vivent Jérôme, Cyril, Louis, Mona et Wilfried. Des ouvriers mis au rebut, des ados en perdition, des travailleurs précaires. Dans ce monde de laissés-pour-compte on habite une cabane déglinguée envahie par le sable où une caravane rouillée posée entre les dunes. On s’isole dans un entre-soi  où la nature humaine révèle parfois ses aspects les plus sombres et les plus malsains. On vit à la marge entre gens de peu de mots, entre gens frustes et sans illusion. On ne se plaint pas, on prend les choses comme elles viennent, on s’occupe comme on peut, on fait avec les moyens du bord.

J’ai adoré ce roman choral parlant de misère sans misérabilisme, ce roman noir débordant d’humanité dans une langue d’une magnifique concision, ce roman qui offre une  parole aux invisibles, ce roman qui dit un monde à l’agonie, une région rongée par la paupérisation galopante de sa population. Ici on ne juge pas, on ne minimise rien, on ne caresse personne dans le sens du poil. Chacun raconte son histoire, donne son point de vue, exprime son ressenti. C’est cash, lyrique, âpre, cruel, ou violent, drôle aussi parfois. On s’enlise, on glisse, on dérape, on se relève et on retombe. On n’est pas des saints, on traîne de douloureuses casseroles et on avance comme on peut, pas à pas jusqu’au bord du gouffre… 

Un grand merci à Emma qui a eu la gentillesse de m’offrir ce roman dédicacé par l’auteur. Ce fut l’occasion  pour moi de découvrir un écrivain dont la veine sociale ne pouvait que m’enchanter.

Le chemin s’arrêtera-là de Pascal Dessaint. Rivages, 2016. 255 pages. 8,00 euros.





mercredi 6 juin 2018

Strip-tease - Emma Subiaco

Camille prend une décision radicale après avoir découvert son mec au lit avec une autre : fini la gentille demoiselle qui marche dans les clous et ne fait pas de vague, fini ce boulot d’architecte qui ne lui apporte aucune satisfaction. Pour être libre et s’accomplir, la jeune femme décide de se lancer dans le strip-tease. A peine engagée dans un club par une patronne peu regardante sur son manque d’expérience, Camille devient Elise et après une formation express (à peine cinq minutes), la voilà lancée sur scène pour un tour de piste dont le but en de donner à envie au client de la solliciter pour un tête à tête privé où l’on peut juste regarder sans jamais toucher, où la danse est facturée 300 euros et la bouteille de champ 500.

Autour de Camille la concurrence est rude. De Pétra aux lèvres pulpeuses et aux énormes seins refaits à Linda qui porte la vulgarité à des sommets inégalés en passant par Amanda l’accro à la cocaïne et Judith la cougar, la néophyte découvre que ses consœurs ont des profils et des motivations bien différentes. Elle découvre aussi un univers très particulier et des clients qui font plus pitié qu’envie. Mais surtout, et c’est bien le plus important, elle se rend compte que ce job tant décrié lui permet de s’affirmer en tant que femme.

Basée sur l’expérience personnelle d’Emma Subiaco, qui a été barmaid puis strip-teaseuse dans un club, ce roman graphique jette un regard à la fois réaliste et décalé sur ce milieu d’habitude si fermé.

Un regard critique d’abord : sans salaire fixe, uniquement payées en fonction du nombre de danses « privées », en CDD de deux mois renouvelables ou pas au bon vouloir de la direction, les filles ont des conditions d’exercice particulièrement précaires. Les clients quant à eux sont soit des machos venus s’en payer une bonne tranche, soit des pauvres gars paumés à la sexualité inexistante ou des jeunes trouducs en virée entre potes. Aucun n’attire la moindre sympathie et au final tous sont bien plus fragiles que les femmes qu’ils viennent mater la bave aux lèvres. 

Un regard plein d’empathie ensuite sur les strip-teaseuses, bien plus soudées que les apparences ne pourraient le laisser penser. Des filles lucides, qui savent ce qu’elles veulent et comment s’y prendre pour l’obtenir, qui portent un jugement sans pitié sur les hommes et ne leur font pas le moindre cadeau.

Au final une chouette BD, qui brille plus par son propos que par son graphisme parfois tremblotant. Une BD engagée, féministe, qui a le mérite de ne jamais tomber dans le sordide, préférant empiler les anecdotes et les petits soucis plutôt que les grands drames. Emma Subiaco explique d’ailleurs sa démarche en fin d’ouvrage dans une postface instructive qui  éclaire son projet avec beaucoup de conviction. Une vraie réussite que ce premier album culotté en diable (même si la couverture pourrait laisser croire le contraire !).

Strip-tease d’Emma Subiaco. Editions du Long Bec, 2018. 144 pages. 20,00 euros.





mardi 5 juin 2018

Amir et Marlène : Coup de foudre en 6e - Ingrid Thobois

Quand, la veille de la rentrée en sixième, sa mère lui annonce qu’elle l’a inscrite dans un autre collège que celui où elle devait aller, Marlène n’en revient pas ! Tout ça parce que ce collège a de biens meilleurs résultats au brevet et que le principal est une copine de sa maman. Pour Marlène, le coup est rude à encaisser. Non seulement elle va devoir prendre le car tous les jours mais en plus elle va se retrouver dans un environnement inconnu sans un seul ami.

Les premiers pas dans son nouvel établissement tournent au drame. Elle se perd dans les couloirs et arrive en retard en cours sous les moqueries de ses camarades qui la traitent de baleine. Ces débuts cauchemardesques vont heureusement être oubliés quelques jours plus tard lorsqu’Amir, « le plus beau garçon de la terre », franchit le seuil de la classe. Marlène tombe raide dingue amoureuse de ce réfugié Syrien au français balbutiant, mais elle n’est pas la seule à vouloir s’attirer ses faveurs…

Une vraie bouffée de fraîcheur cette Marlène ! Malgré un physique « difficile », une meilleure amie traitresse, une mère surprotectrice et un grand frère pénible, elle affronte l’adversité bille en tête avec humour et franchise. L’histoire d’Amir est par ailleurs touchante et sa rencontre avec la jeune fille est mise en scène avec beaucoup de finesse. Entre éveil à l’amour et réflexion sur l’intégration des migrants, voila encore un roman jeunesse positif qui prend la vie du bon côté sans mettre sous le tapis les difficultés et les coups durs. Franchement, ça fait du bien !

Amir et Marlène : Coup de foudre en 6e d’Ingrid Thobois (ill. Gaël Henry). Sarbacane, 2018. 240 pages. 10,90 euros.






vendredi 1 juin 2018

Braconniers - Tom Franklin

Dans les nouvelles de Tom Franklin, la chaleur humide des marécages d’Alabama vous colle à la peau. Dans les nouvelles de Tom Franklin on se réveille au petit matin dans son pick-up avec une gueule de bois carabinée en se demandant ce qu’on a fait la veille. Dans les nouvelles de Tom Franklin le mâle blanc, pauvre et sans emploi, vient de se faire plaquer par sa nana ou va l’être incessamment sous peu. Dans les nouvelles de Tom Franklin on se retrouve dans un bar sombre et enfumé une bière à la main pendant que la voix pleine de gravillons de Calvin Russell sort d’un jukebox. Dans les nouvelles de Tom Franklin on pointe à l’usine, on pêche à la dynamite, on tue les chatons à la carabine, on offre un flingue à l’ami suicidaire ou on part vers l’Alaska.

Forcément, dans les nouvelles de Tom Franklin, je suis comme un poisson dans l’eau. Parce qu’il raconte des histoires d’hommes tristes à pleurer, cruelles, mélancoliques. Parce que son style est direct, sans chichi. Parce qu’on ne donne pas dans l’intime ou la psychologie de comptoir, parce qu’on ne cherche pas le salut ou la rédemption, parce qu’on accepte sa condition sans se faire d’illusion.

Cet ouvrage, réédité pour la première fois vingt ans après sa première publication, vous cueille comme un uppercut à la pointe du menton. La qualité va crescendo et les premières nouvelles, plutôt courtes, sont suivies par des histoires plus longues, plus denses, plus intenses, jusqu’au feu d’artifice final offert par le texte éponyme (près de 100 pages à lui tout seul) qui clôt les débats en apothéose. Aucune fausse note donc pour ce recueil impressionnant de maîtrise et de puissance.

Braconniers de Tom Franklin (traduit de l’américain par François Lasquin). Albin Michel, 2018. 275 pages. 20,00 euros.

mardi 29 mai 2018

Mon cœur en confettis - Fanny Vandermeersch

Les parents qui divorcent et c’est l’effet domino pour Axelle dont tout l’univers s’écroule : un déménagement, un beau-père, une meilleure amie qu’elle ne verra plus et un changement d’établissement en pleine année scolaire, ça fait beaucoup. Surtout que les premiers pas dans son nouveau lycée sont cauchemardesques. En plus de se ridiculiser le jour de la rentrée, un pion et son prof de français la prennent en grippe, sans parler d’Alicia, une peste qui pourrait faire de sa vie un enfer. Et puis il y a Yacine. Elle est tombée nez et à nez avec lui un matin en sortant de sa chambre. L’apparition de ce beau brun ténébreux, aussi surprenante qu’inexplicable, l’a perturbée au plus haut point…

Purée, une comédie romantique pour ados, au secours ! Voilà ce que j’ai pensé en ouvrant ce petit roman à la couverture girly. Mais j’ai vite compris que la guimauve ne serait pas de mise. D’ailleurs, au-delà de l’histoire d’amour entre Axelle et Yacine, le texte s’interroge davantage sur la difficulté à trouver sa place pour une jeune fille qui perd ses repères de manière brusque. Difficulté de prendre ses marques, d’appréhender un nouvel environnement, de créer des liens avec des camarades qui au mieux vous ignorent, au pire vous cherche des crosses.

J’ai aimé la fragilité d’Axelle, ses doutes, son manque de confiance en elle et en même temps sa capacité à aller de l’avant, à encaisser des coups sans jamais s’écrouler totalement. Loin du drame, ce cœur en confettis délivre un message positif et montre qu’un nouveau départ compliqué n’est pas forcément synonyme de naufrage à venir. Il suffit parfois d’avoir la tête sur les épaules et d’être bien entouré. Un roman qui trouvera à coup sûr son public tant son héroïne, simple et attachante, apparaît comme la parfaite copine que bien des ados aimeraient avoir.

Mon cœur en confettis de Fanny Vandermeersch. Ravet-Ancenau, 2018. 124 pages. 13,00 euros. A partir de 13 ans.