samedi 3 décembre 2016

L’arbragan - Jacques Goldstyn

« Moi, je suis ce qu'on appelle un solitaire.
Je fais les choses tout seul.
Et n'allez pas croire que ça m'embête.
Bien au contraire.

Parmi toutes les choses que j'aime faire,
ce que je préfère,
c'est grimper dans mon arbre.
 »

J’ai rencontré un petit bonhomme qui m’a fait fondre comme neige au soleil. Un petit bonhomme à part, un peu excentrique, qui n’a besoin de personne pour s’occuper et qui se fiche du regard des autres. Un petit bonhomme qui fait des gâteaux, joue aux échecs tout seul et fait du skate, la nuit, dans les cimetières.

J’ai aussi rencontré Bertolt. Bertolt est un chêne centenaire. Entre Bertolt et le petit bonhomme, c’est le grand amour. Bertolt est un camarade de jeu, un refuge, un poste d’observation, une cachette, un labyrinthe, une forteresse. C’est une maison habitée par des cigales, des abeilles des corbeaux, des écureuils et même un hibou.

J’ai enfin rencontré Jacques Goldstyn, un illustrateur canadien qui m’était jusqu’alors totalement inconnu. Un illustrateur dont le trait m’a par moments rappelé Sempé, et à d’autres le Bone de Jeff Smith. Deux belles références s’il en est. Un illustrateur qui a imaginé qu’un jour, alors que le printemps revient, que tous les arbres se couvrent de feuilles, de fleurs ou de bourgeons, Bertolt reste désespérément nu. Pour le petit garçon, pas besoin de nier l’évidence, Bertolt est mort. Et cette mort soulève en lui bien des questions. « Quand un chat ou un oiseau meurt, je sais quoi faire. Mais pour Bertolt, je fais quoi ? »

Prix Sorcières 2016, Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal 2016, Prix TD de littérature pour l'enfance et la jeunesse 2016, Prix des libraires du Québec jeunesse 2015, une tonne de récompenses méritées pour cet album épuré tout en sensibilité offrant un moment de pure poésie, et dont le titre de prime abord si mystérieux prend sens à la toute dernière page. Sous son apparente simplicité, le propos apparaît à la fois frais, drôle et profond.

Un bonheur de lecture dont je dois la découverte à l’adorable Nadine qui a eu la gentillesse de m’offrir cet ouvrage après l’avoir fait dédicacé lors du dernier salon du livre de Montréal . Merci Nadine, tu ne peux pas savoir à quel point tu as fait mouche avec ce livre ! Je t’embrasse pour la peine.


L’arbragan de Jacques Goldtyn. La Pastèque, 2015. 96 pages. 16,00 euros. A partir de 6 ans.


L'avis de Nadine






vendredi 2 décembre 2016

Cambouis - Geoffroy de Pennart

Tom Beltruf, Ross et Gladys Nonosse, Nasty et Snicky, Jean Toutou et Marie Pompon, Madame Poildur, Lady Wawa et Bobby Beaupoil, autant de personnages à mettre en scène pour parler d’un orphelin mécanicien hors pair, de sa famille d’adoption qui l’exploite et fait tout pour détruire ses rêves, de deux frères stupides et odieux, d’un concours de chant, d’une obligation de rentrer à minuit, d’un soulier perdu et d’une course poursuite…


Geoffroy de Pennart et ses réécritures de contes, c’est toujours de l’or en barre ! Cendrillon en garagiste maltraité par ses parents adoptifs devenant une star de la chanson, il fallait oser ! La version qu’il offre ici est forcément inattendue, aussi décalée que rock’n roll. Je retrouve avec le même plaisir la richesse de sa langue, son lexique recherché et l’élégance de son trait reconnaissable au premier coup d’œil. C’est drôle, pêchu et extrêmement malin, comme d’habitude quoi.



Un album jubilatoire de plus pour ce grand monsieur qui reste un des auteurs les plus étudiés dans les écoles élémentaires et maternelles françaises, un auteur dont l’œuvre gigantesque est restée depuis ses débuts d’une totale cohérence, c’est suffisamment rare pour être souligné.




Cambouis de Geoffroy de Pennart. Kaléidoscope, 2016. 40 pages. 13,00 euros. A partir de 5-6 ans.




jeudi 1 décembre 2016

Qu’est-ce que vous faites monsieur l’architecte ? - Kunihiko Aoyama


La salon de Montreuil a ouvert ses portes hier, je vais donc consacrer les jours à venir à vous parler de littérature jeunesse. On commence avec un album japonais très réussi.


Il était une fois un vieux nain, architecte de talent, qui décida de se construire « une nouvelle bâtisse, avec un grand belvédère pour admirer le paysage ». Il se mit au travail mais il constata vite qu'il n’avait pas les capacités physiques pour mener à bien son projet. Un ours lui proposa son aide, réclamant en échange une chambre dans le futur logis. Quand l’ours et le nain arrivèrent à la charpente, des singes vinrent participer aux travaux, contre la promesse d’avoir eux-aussi leur propre chambre dans la maison. Puis ce fut au tour du sanglier et des écureuils de prêter main forte, bientôt suivis par « des créatures de tout poil » accourant de toute part, chacun y allant de son exigence et complexifiant les plans établis par le nain. Désabusé, celui-ci constata au final, que son joli logis n’avait plus rien à voir avec son souhait initial : « Je voulais juste une maison rien qu’à moi… Avec un belvédère et une vue dégagée… »

Qu’il est beau cet album ! Diplômé d’architecture, Kunihiko Aoyama déploie son savoir-faire au fil des pages et permet de suivre la construction étape par étape, avec à chaque fois davantage de détails. Le nain bourru et râleur est drôle et attachant tandis que les animaux, aussi altruistes qu’intéressés, animent chaque illustration de leur activité débordante. Le fourmillement est rendu de manière magistrale et la bâtisse se monte avec une précision quasi chirurgicale, du grand art !



Une histoire en randonnée originale et extrêmement travaillée à l’ambiance graphique bluffante. Et une belle découverte d'un auteur japonais de talent, traduit pour la première fois en France. J’espère bien que ce ne sera pas la dernière.

Qu’est-ce que vous faites monsieur l’architecte ? de Kunihiko Aoyama. Nobi nobi, 2016. 40 pages. 12,50 euros. A partir de 3 ans.





mercredi 30 novembre 2016

Notre Amérique, premier mouvement : Quitter l’hiver - Maël et Kris

12 novembre 1918. Max Brunner, alsacien enrôlé par les allemands, rend les armes et retourne à la vie civile. Il monte à bord d’une voiture de l’état-major que le soldat français Julien Varin doit ramener à Paris. Dans un bistrot de la capitale, Max présente Julien à ses amis anarchistes. Le groupe se rend ensuite à Rouen pour s’emparer d’un cargo battant pavillon mexicain arraisonné par les anglais. Ils souhaitent prendre possession du bateau pour livrer les milliers de fusils cachés dans les cales aux révolutionnaires spartakistes qui tiennent le port d’Hambourg. Mais une passagère clandestine aussi dangereuse que déterminée va les embarquer vers une toute autre destination, plein ouest, cap sur l’Amérique.

C’est avec une émotion non feinte que j’ai retrouvé Maël et Kris, un duo ayant signé précédemment la splendide et crépusculaire saga « Notre mère la guerre », une histoire se déroulant entre 1914 et 1918. Après les années noires de la première guerre mondiale, ils nous entraînent cette fois vers le « nouveau monde », sur les traces des guérilleros mexicains en lutte contre l’armée régulière du président Carranza. Un prolongement logique qui permet à Maël de sortir son pinceau de la boue des tranchées  pour lui offrir les grands espaces nord-américains. Je suis toujours sous le charme de ses aquarelles aux tons oscillant entre le bleu et le marron clair relevées de quelques touches de rouge et d’ocre dès que la tension monte.

Après, ce premier album d’une série de quatre reste un tome d’introduction, il ne fait que poser les bases d’une histoire riche de promesses. Les personnages sont bien campés et, connaissant le talent de Kris pour densifier un récit tout en lui gardant une parfaite lisibilité, il ne fait aucun doute que la suite sera à la hauteur de mes espérances. Une mise en bouche idéale donc, reste à espérer que le second volume viendra rapidement car il me tarde déjà de retrouver Max et Julien.  

Notre Amérique, premier mouvement : Quitter l’hiver de Maël et Kris. Futuropolis, 2016. 60 pages. 16,00 euros.



La BD de la semaine, c'est chez Moka








mardi 29 novembre 2016

Mon grand frère tombé du ciel - Sandrine Beau

Vicky, dix ans, est fille unique. Enfin c’est ce qu’elle croit. Jusqu’au jour où son père lui annonce qu’elle a un frère. Un enfant qu’il a eu vingt ans avant elle. Avec une autre femme que sa mère. Cette femme l’a quitté et est partie vivre en Afrique, emportant leur bébé. Depuis, il n’avait jamais eu de nouvelles de son fils.

Aujourd’hui, ils ont renoué le contact. Sébastien arrive de Côte d’Ivoire dans trois semaines. Avec son épouse Fatou et sa petite fille Aya. Pour Vicky, c’est un coup de massue. Ce frère tombé du ciel, elle ne va pas le supporter. Surtout qu’une fois arrivé, son père n’a d’yeux que pour lui. Devenue invisible, Vicky se replie sur elle-même et rumine en silence, accumulant une rancœur qui finira par exploser.

Amertume, jalousie, il suffit d’un bouleversement dans le quotidien bien rangé d’une pré-ado pour provoquer un traumatisme plus profond qu’il n’y paraît. « Je savais bien au fond de moi que ce n’était pas vrai mais je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir délaissée, abandonnée, négligée ». De grands mots pour exprimer ce qu’elle considère comme une injustice, même si au fond elle sait que son ressenti est exagéré par rapport à la réalité. Pour éviter de se laisser submerger, il lui aurait fallu se confier, s’ouvrir en toute franchise au lieu d’emmagasiner une colère injustifiée. Pas simple, surtout quand on a dix ans.

Un petit roman qui souligne l’incompréhension pouvant se développer entre parents et enfants par manque de communication. Sandrine Beau trouve le ton juste pour montrer l’évolution des sentiments de Vicky. Rien n’est surjoué et le final en happy end où l’esprit de famille et la bienveillance l’emportent offre une petite touche positive bienvenue. Sans prétention mais rondement mené, une lecture qui fait du bien.

Mon grand frère tombé du ciel de Sandrine Beau. Alice, 2016. 80 pages. 12 euros. A partir de 9 ans.


Une lecture commune que j'ai évidemment le plaisir de partager avec Noukette.











lundi 28 novembre 2016

Cher Père Noël

Cher Père Noël,

Comme tous les ans je t’envoie ma petite liste en sachant pertinemment que tu ne pourras pas tout transporter dans ta hotte et qu’il faut laisser de la place pour les cadeaux des enfants au pied du sapin. Sache néanmoins que j’ai été particulièrement sage cette année et qu’il me semble avoir mérité quelques petites douceurs. Je ne te donne aucun ordre de priorité, fais au mieux, je serai quoiqu’il arrive ravi d’ouvrir mes paquets le 25 décembre (je dis quand même « mes » paquets parce qu’un seul, ce serait franchement pas suffisant, faut pas pousser non plus).


L’ours Barnabé est une star à la maison. Tout le monde lit ce rafraichissant cocktail d’humour, de poésie, d’absurde, de non sens et de philosophie aux multiples niveaux de lecture. Le quatrième volume de son intégrale classieuse au dos toilé devrait donc tout naturellement venir prendre place aux cotés des trois autres sur les rayonnages de notre bibliothèque. A bon entendeur Père Noël…






J’ai offert mes deux exemplaires de ce merveilleux diptyque l’an dernier, la sortie de cette intégrale est l’occasion de me replonger dans cette histoire oscillant entre récit d’aventure et carnet de voyage, le tout porté par les somptueux dessins de Benjamin Flao. Un must !  









J’ai été sévère avec Tardi à propos de son dernier album mais il reste un de mes auteurs préférés, surtout lorsqu’il donne dans l’adaptation de roman. Non seulement avec le Nestor Burma de Léo Malet mais aussi et surtout avec les polars sans concession de Manchette. Autant vous dire que Noël ou pas, cette intégrale sera mienne un jour ou l’autre, c’est une évidence.







Tout Murena en un seul volume de près de 500 pages. J’ai acheté les trois premiers tomes et emprunté les autres à la médiathèque. Avec cette intégrale, je vais pouvoir retourner parcourir les ruelles sombres et les palais de la Rome antique de Néron, le pied !









Mon héros de manga préféré. Le personnage est une sorte de Bukowski nippon, pauvre hère sans le sou, alcoolique, obsédé sexuel, cumulant les pires galères et refusant de se tuer au travail. L’antithèse du japonais modèle, un loser pathétique férocement drôle malgré lui.









Celui-là je l’ai déjà, mais dans une ancienne et vieille édition trouvée en brocante. Cette nouvelle couverture me fait craquer, et puis ce cher Jim mérite d'apparaître sous son meilleur jour sur les étagères de ma bibliothèque. En plus je suis certain que ça m’encouragera à relire ce roman que je considère comme son chef d’œuvre.









Et pour celles et ceux qui cherchent quelques idées cadeaux, je ne saurais trop leur conseiller la réédition en deux magnifiques fourreaux des incontournables diptyques Abélard et Alvin de Régis Hautière et Renaud Dillies. Rien de moins que de la poésie en bande dessinée, du bonheur assuré pour les veinards qui auront la chance de les trouver sous le sapin.













samedi 26 novembre 2016

L’arabe du futur T3 (1985-1987) - Riad Sattouf

1985. Riad a sept ans et il vit dans un petit village près de Homs, en Syrie. Sa mère, enceinte d’un troisième enfant, s’ennuie à mourir et n’en peut plus de leur existence sans le moindre confort. Elle presse son père, professeur à l’université de Damas, de rentrer en France mais lui continue à penser que le meilleur est à venir et que la famille coulera bientôt des jours heureux et surtout fastueux. Riad de son côté commence à trouver sa place. A l’école, auprès de ses copains de classe, de la famille de son père. Il découvre le poids des traditions (ramadan, circoncision) et rêve devant un Goldorak géant ou la force de Conan le barbare. Il comprend aussi que les rapports entre adultes ne sont souvent qu’hypocrisie et que l’idéalisme paternel se noie dans les compromissions et les petits arrangements entre amis.


Forcément un bonheur de retrouver le petit Riad, sa candeur et son regard à hauteur d’enfant. Un regard qui évolue, gagne en maturité et devient plus critique. C’est toujours drôle et cruel, la Syrie rurale, un monde dominé par l’ignorance crasse et la violence, plonge le lecteur entre rire et effroi. On a reproché à Sattouf de flatter à travers cette autobiographie certains stéréotypes occidentaux sur les arabes, je n’ai personnellement jamais eu ce ressenti et il suffit dans ce tome de s’attarder sur le séjour breton du garçon et de sa mère pour constater que l’auteur est aussi sévère avec les paysans du Cap Fréhel qu’avec les villageois syriens.

Un travail de mémoire mené avec pertinence et malice, sans complaisance ni parti pris. Et l'auteur ne cède pas à la facilité qui consisterait à donner des jugements de valeur d'adulte d'aujourd'hui, c'est ce qui fait le charme, la fraîcheur et la force de la série.

Un troisième album tout aussi réussi que les précédents qui souligne l’éveil, même balbutiant, de la conscience d’un enfant commençant à comprendre le monde qui l’entoure. Évidemment indispensable.

L’arabe du futur T3 (1985-1987) de Riad Sattouf. Allary édition, 2016. 150 pages. 20,90 euros.



Je me suis efforcé de rédiger un billet d'une exemplaire sobriété car je suis accompagné dans cette lecture par Framboise et Julia, les deux plus grandes fans de Riad qu'il m'ait été donné de rencontrer. Des fans tout à leur folie et à leur excentricité avec lesquelles il m'aurait été impossible de rivaliser. Alors ne traînez pas plus longtemps ici et filez lire leurs avis, ça en vaut vraiment la peine !











vendredi 25 novembre 2016

Tag bilan de la rentrée littéraire



Sympa ce tag imaginé par Lily et repéré chez Cuné. Un petit bilan simple et rapide de la rentrée, j’ai eu envie de m’y coller. J’ai rajouté les deux dernières catégories et j’ai mis deux titres dans une seule et même catégorie parce qu’il me semblait impossible de les départager. Si l’envie de vous plier à l’exercice vous tente, n’hésitez pas à reprendre le flambeau !

Allez zou, c’est parti !
(cliquez sur les titres si vous voulez découvrir mon avis complet sur chaque livre - enfin, ceux que j'ai lus)

Un livre auquel tu décernerais un prix : Anatomie d'un soldat d'Harry Parker


Un incroyable premier roman qui aurait mérité de figurer au palmarès d'un prix cet automne tant il est magistralement mené de bout en bout. Mon plus gros coup de cœur de cette rentrée jusqu'alors.


Un livre différent de tes lectures habituelles : Intimidation d'Harlan Coben


Tellement pas mon genre ! Mais j'avais besoin de comprendre pourquoi ce gars parvient à perturber ma vie sexuelle...



Un livre qui correspond parfaitement à tes attentes : Watership Down de Richard Adams


Je savais que ces petits lapins allaient m'embarquer totalement dans leur quête d'une terre promise. Mission accomplie haut la main !


Un livre qui ne correspond pas à l’idée que tu t’en faisais : Continuer de Laurent Mauvignier


Grosse déception, trop de clichés et une fin archi "convenue". Je m'attendais à tellement, tellement mieux... 


Un livre inoubliable : Le garçon de Marcus Malte


Bon, je n'ai pas encore fait de billet alors que je l'ai lu début août mais ce roman est pour moi le chef d'oeuvre de Marcus Malte. Vraiment inoubliable ce garçon !


Un livre qui t’a fait rire : Je vais m'y mettre de Florent Oiseau


Un premier roman hilarant et un vrai livre de branleur. Pile ce que j'aime en fait.


Un livre qui t’a ému : Un paquebot dans les arbres de Valentine Goby et Nos âmes la nuit de Kent Haruf


Deux livres m'ont ému dans cette rentrée. Le premier parce que Valentine Goby m'a, comme d'habitude, touché en plein cœur. Le second parce que Kent Haruf a su traiter un sujet au demeurant éminemment cucul avec une finesse et une intelligence exceptionnelles. Accessoirement, il est le premier à me prouver que les bons sentiments peuvent faire de la bonne littérature. Et pour le coup, ce n'est pas rien !


Un livre dont tu aimes beaucoup le titre : Felix Funicello et le miracle des nichons de Wally Lamb


Ma lecture du moment. Il y a le mot "nichons" dans le titre alors forcément, j'aime beaucoup^^


Un livre qui t’a donné envie de lire les autres œuvres de son auteur : Nos âmes la nuit de Kent Haruf


Kent Haruf restera comme la révélation de cette rentrée pour moi. Et je compte bien lire tous ses romans, à commencer par Le chant des plaines, qui m'a été chaudement recommandé à plusieurs reprises.


Un livre que tu ne pensais pas forcément lire : De terre et de mer de Sophie Van der Linden




Un livre choisi uniquement pour sa couverture. Je suis tombé dessus en flânant dans une librairie, je n'en avais jamais entendu parler. Une belle découverte.


Un livre très étonnant : Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann


Celui-là restera pour moi l'OLNI de cette rentrée. Cynique, amoral, vulgaire et férocement drôle. Un bijou d'humour noir.


Un livre pas encore lu dont tu attends monts et merveilles : Parmi les loups et les bandits d'Atticus Lish


Je fonde de très gros espoirs sur ce roman, je l'imagine même comme mon futur plus grand coup de cœur de cette rentrée, c'est dire. Peut-être une désillusion à venir... ou une divine confirmation.


Un livre que tu aurais mieux fait de ne pas lire : Le sérieux bienveillant des platanes de Christian Laborde





Le premier livre que j'ai lu en cette rentrée restera le plus gros flop. C'est toujours comme ça depuis quelques années, mon premier livre de la rentrée est toujours une purge. Si quelqu'un peut m'expliquer le phénomène, je suis preneur. 






jeudi 24 novembre 2016

Mauvais coûts - Jacky Schwartzmann

« Je suis acheteur chez Arema. Je passe mon temps à gratter des pourcentages sur des fournisseurs souvent pris à la gorge qui ne peuvent pas lutter contre un grand groupe et qui s’allongent, toujours, systématiquement. C’en est presque fatigant. Je suis comme un putain de chat qui s’amuse avec une souris avant de la zigouiller. Je passe mon temps à rencontrer des commerciaux qui portent des costumes à six cents euros achetés sur Zalando et qui roulent en C4 de fonction. Ils arrivent avec le sourire mielleux d’un vendeur de parfum tunisien et ils repartent avec six pour cent dans le fion. C’est trop facile. »

Gaby je t’aime. Pas parce que tu es un fieffé salopard, un enfoiré de première même. Encore moins parce qu’on se ressemble, en fait toi et moi on se ressemble autant qu’une chaise et une tasse à café. Je crois que je t’aime parce qu’à travers toi j’ai l’impression de regarder le monde comme il est, les gens comme ils sont. Sans filtre. Forcément c’est pas beau à voir. Mais je t’aime parce que tu n’en rajoutes pas, tu n’en fais pas des caisses et surtout tu ne te mets pas au-dessus de la mêlée. Ok, les syndicalistes et les patrons sont des cons, ta N+1 est une conne, les rugbymen sont des cons, les bobos sont des cons, ton ex est une conne, on est tous des cons, c’est une évidence et tu n’oublies pas de t’inclure dans le lot. Du coup tu es dans l’autodérision, tu frôles le néant niveau estime de soi et tu n’as aucun amour propre. Et là j’avoue que, sur ces points précis, on se ressemble pas mal.

Je t’aime aussi parce que quand tu tombes dans un plan à trois, ça vire minable et la chair devient triste, parce que la pauvre fille que tu compares à une otarie, tu te la tapes sans remords ni regrets, parce que tes problèmes d’aérophagie te mettent dans l’embarras au pire moment, parce que quand ton père meurt, tu ne la joues pas drama queen, parce que la seule fois où tu baisses la garde, où tu fends l’armure et tu mets ton cœur à nu, tu prends le taquet du siècle. Je t’aime parce que t’es athée, célibataire endurci, misanthrope, parce que tu te fous de tout, tu picoles, tu écris comme je parle, tu donnes dans le vulgaire, mais du vulgaire qui s’assume sans forcer le trait, sans artifices inutiles et gratuits, sans sombrer dans l’outrance.

Finalement je crois que je t’aime parce que je te comprends et parce que tu as tout compris. T’es un résigné lucide, tu ne dénonces pas, tu constates, et tu ne te fais pas la moindre illusion. Ta haine, tu la transformes en humour grinçant. Et puis tu es un pur produit de notre époque où l’individualisme est roi. A ce titre, j’ai adoré la façon dont ton histoire se termine. Je n’ai rien vu venir. Je me suis dit, le baiseur va finir par se faire baiser, pas possible autrement. Que va-t-il nous rester si à la fin la bien-pensance ne triomphe pas ? Et bien il nous reste un pur concentré de cynisme d’une noirceur absolue, amorale, qui se révèle paradoxalement d’une totale et incontestable limpidité.

Je conclurais en saluant l’audace (l’inconscience !) de La fosse aux ours. Que l’éditeur de Thomas Vinau et Antoine Choplin (entre autres) sorte de sa « zone de confort » et ose publier un roman aussi politiquement incorrect, aussi « invendable », aussi « détestable », je trouve cela courageux et j’admire sans réserve cette prise de risque.

Voilà. C’était ma petite déclaration d’amour de la rentrée littéraire. Pas certain pour autant de vous avoir donné envie de découvrir Gaby. Pas grave, je le garderais pour moi et rien que pour moi, mon Gaby.

Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann. La Fosse aux ours, 2016. 198 pages. 17,00 euros.





mercredi 23 novembre 2016

Spirou : La lumière de Bornéo - Frank Pé et Zidrou

Il aura suffi d’un article trop compromettant pour une firme internationale refusé par son journal pour que Spirou donne sa démission. Au chômage, le rouquin le plus célèbre de la bande dessinée entend pouvoir souffler un peu et se consacrer à des activités « peinardes », loin de toute aventure au bout du monde. Mais c’est sans compter sur son vieil ami Noé (le dresseur de cirque apparu dans « Bravo les brothers », une histoire courte de 20 pages dessinée par Franquin en 1965), qui lui confie sa fille adolescente tout juste débarquée de Montréal. Au même moment, une galerie bruxelloise reçoit d’un peintre anonyme de somptueux tableaux dont la beauté bouleverse le monde de l’art. En plus d’une ado rebelle à gérer, Spirou va, bien malgré lui, être impliqué dans le mystère des chefs d’œuvre inconnus. Il n’en fallait évidemment pas plus pour contrarier ses projets de repos et de farniente…

Un Spirou par Zidrou, je ne pouvais pas passer à côté. Au départ, il n’était d’ailleurs pas associé au projet. Mais le dessinateur Frank Pé, après avoir essayé en vain d’élaborer le scénario tout seul, l’a appelé à l’aide. Et il a bien fait. Résultat, une tuerie graphique et une histoire riche, aux multiples entrées, qui tisse au final un imparable canevas. Les auteurs parviennent à sortir le personnage du pur divertissement pour aborder avec finesse des thèmes aussi variés que le rapport de l’homme à la nature, la filiation, l’ultra-libéralisme ou les liens trop étroits unissant les médias et leurs actionnaires. Spirou reste Spirou, positif, intègre et fonceur, mais il apparaît aussi capable de s’indigner et de défendre ses convictions avec autorité. Un Spirou engagé, quoi !

Ceux qui connaissent la merveilleuse série « Broussaille » savent à quel point il se dégage du trait de Frank Pé une poésie unique en son genre. Il alterne ici avec brio mise en scène spectaculaire et plans rapprochés avec un souci permanent du mouvement que n’aurait pas renié Franquin.

Une revisite respectueuse et moderne, drôle et ambitieuse. L’ensemble est parfaitement équilibré, sans la moindre fausse note. Magistral.

Spirou : La lumière de Bornéo de Frank Pé et Zidrou. Dupuis, 2016. 92 pages. 16,50 euros.