mercredi 4 décembre 2013

Gauguin : loin de la route - Maximilien Leroy et Christophe Gaultier

Quand on évoque Gauguin viennent à l’esprit couleurs chaudes et vahinés, Tahiti et les îles Marquises. Mais en grattant un peu derrière les images d’Épinal on découvre que le bonhomme était un misanthrope « ogre d’égoïsme […] pourfendeur résolu de l’idéologie coloniale, impérialiste et religieuse de son époque. »

En 1901, le peintre quitte Tahiti pour la petite île d’Hiva. Deux ans avant sa mort, il apparaît aigri, fatigué, mais aussi jouisseur invétéré, travailleur acharné, ne crachant pas sur la bouteille et accro à la morphine. Maximilien Leroy entrecroise la trajectoire de l’artiste et celle de Victor Segalen, médecin de marine fasciné par Gauguin et venu à Hiva quelques mois après sa mort pour tenter de mieux cerner la personnalité de celui qu’il finira par qualifier avec admiration de monstre : « Gauguin fut donc un monstre, et il le fut complètement, impérieusement. »

Gauguin est une plaie pour l’administration de l’île. Il incite les autochtones à refuser la loi des colonisateurs, les encourage à boycotter l’école : « N’envoyez plus vos enfants là-bas. Continuez comme vous le faisiez avant, avec votre culture, vos coutumes, vos traditions ! Vous n’avez pas besoin de les écouter. Ils déversent dans vos oreilles toute leur pisse corrompue. » L’église en prend aussi pour son grade, comme les forces de l’ordre qu’il ne cesse d’insulter, ce qui lui vaudra en mars 1903 d’être condamné à trois ans de prison pour diffamation envers un gendarme dans l’exercice de ses fonctions. Une peine qu’il ne pourra effectuer puisqu’il décédera le 8 mai de la même année d’une probable overdose de morphine.

J’aime beaucoup l'univers graphique de Christophe Gaultier, découvert avec son adaptation de Robinson Crusoé. Son encrage épais, son trait un peu charbonneux et son style peu réaliste font ici merveille. Les couleurs sont, dans l’ensemble très sombres et collent parfaitement à l’existence torturée de l’artiste.

Portrait saisissant d’un homme en souffrance, tant physique que psychologique, cet album étonnant écorne avec rigueur et lucidité le statut de héros que beaucoup continuent d’accorder à Gauguin. Dans son oraison funèbre, l’évêque Martin n’hésita pas à affirmer : « Il n’y aurait rien de bien saillant, ici, que la mort d’un triste personnage nommé Gauguin, artiste de renom, ennemi de Dieu et de tout ce qui est honnête… ». Difficile de lui donner tort.

En ce qui me concerne, si je vous dis que ce Gauguin anar et punk avant l’heure m’a beaucoup plu, je suppose que vous serez à peine surpris…

Gauguin : loin de la route de Maximilien Leroy et Christophe Gaultier. Le Lombard, 2013. 84 pages. 20 euros.







mardi 3 décembre 2013

Le premier mardi c'est permis (22) : Histoires inavouables - Ovidie

Se taper le fiston à peine adulte d’une copine. Se coincer des balles de ping-pong dans un orifice pas fait pour cela. Penser trouver des filles faciles en boîte et tomber dans un piège. Faire des trajets en métro un moment hautement érotique. Tester l’échangisme et perdre le contrôle. Envoyer des sextos et des photos coquines à la mauvaise personne. Toutes ces anecdotes inavouables et quelques autres sont relatées ici dans de courtes nouvelles dessinées. Elles sont inspirées de faits réels et ont été confiées anonymement par leurs protagonistes à Ovidie, ex-actrice et productrice de films X.

Le résultat est frais et léger. Surtout, il sonne vrai, loin des BD porno aguicheuses où une oie blanche se transforme en bête de sexe en deux coups de cuillère à pot (ou plutôt en deux coups de reins). Le but n’est pas d’exciter le lecteur à tout prix mais juste de proposer quelques chose d’un peu décalé et amusant. Mon histoire préférée est celle des copains hétéros qui regardent ensemble un film porno et en viennent aux mains (si vous voyez ce que je veux dire...). C’est très drôle et ça m’a rappelé quelques souvenirs de jeunesse (t’inquiète Arnaud, on était des gamins, il y a prescription).

Le dessin en noir et blanc de Jérôme d’Aviau est simple et très parlant. Sans effet de manche (ah, ah, qu’est-ce que je suis marrant...) il met en scène des femmes « normales » aux corps aussi imparfaits qu’attirants. Pareil pour les hommes qui ne sont pas tous, loin de là, montés comme des ânes. D’où forcément le coté très naturel et réaliste de chaque histoire (ben oui, on n’est pas tous fortement membrés comme dans les livres et les films vous savez. Enfin je veux dire, les autres ne sont pas tous fortement membrés comme dans les livres et les films).

Soyons clair, ce recueil d’histoires inavouables n’a rien d’inoubliable mais il m’a fait passer un très agréable moment. Longtemps que la BD érotico-porno ne m’avait pas décroché un sourire, rien que pour ça, je ne regrette pas d’avoir découvert cet album.

Pour finir un petit aparté qui m’a bien fait rire. Dans une interview à la revue Casemate, Ovidie affirme : « Le spectateur d’un film porno se barre en moyenne au bout de douze minutes, alors que, sur mes films, le taux de décrochage est très faible. Les gens sont excités mais regardent l’histoire jusqu’au bout. »
Bien sûr, bien sûr... Bon je n’ai jamais vu un film d’Ovidie mais si ça devait arriver un jour, m’étonnerait pas que je « décroche » (j’adore le choix de ce mot par rapport aux circonstances) avant la fin, quelle que soit l’histoire.

Histoires inavouables d’Ovidie et Jérôme d’Aviau. Delcourt, 2013. 102 pages. 14,95 euros.

Une lecture commune que j’ai l’immense plaisir de partager avec Noukette. Ce n’était pas vraiment prévu au départ mais figurez-vous qu’elle a ramené cet album de Montreuil. Oui, vous avez bien entendu, le salon du livre et de la presse jeunesse cachait en son sein (ou plutôt sur le stand Delcourt) de la BD olé-olé. Forcément Noukette n’a pas pu résister. Il faut dire qu’elle a peut-être été un tantinet influencée mais c’est une autre histoire...






lundi 2 décembre 2013

J'ai laissé mon âme au vent

Ce n'est plus moi qui t'offrirai des friandises
Mais dans ta mémoire, j'ai placé d'autres gourmandises
Mange la vie
Mords dedans

Moi, j'ai laissé mon âme au vent
Je me sens plus léger maintenant
Je peux à chaque instant voyager
Partir, revenir, c'est amusant



Tu ne peux pas m'attraper
Tu ne peux pas me tenir
Mais si tu fermes les yeux
Tu peux toujours me sentir

Un texte magnifique qui évoque la disparition d'un être cher. Un grand-père qui n’est plus s’adresse à son petit fils. Son discours déborde de tendresse et d’amour. Malgré la douleur les mots apaisent. C’est poétique sans être larmoyant, l’enfant comprend que ceux qui partent peuvent laisser des traces indélébiles et que la vie continue, toujours. A la fin du livre, un sachet de graines d’immortelles : « On les plante, on les voit naître, grandir et ne jamais périr… ». Tout est dit.

Les dessins sont somptueux. Des doubles pages comme autant de tableaux dans lesquels le regard se perd avec bonheur. Un ouvrage parfait pour parler de la mort avec les enfants. Il en existe bien d’autres, du célèbre « Au revoir blaireau » au « vintage » « Une chanson pour l’oiseau » en passant par le plutôt glauque (du moins je trouve) « Dimanche noyé de grand-père ». Mais ici les trésors de douceur et de poésie déployés par les auteurs donnent une dimension et une force uniques à cet album. Un petit bijou.

J'ai laissé mon âme au vent de Roxane Marie Galliez et Eric Puybaret. De la Martinière jeunesse, 2013. 30 pages. 14,50 euros.

Une découverte que je dois à Un autre endroit, mon fournisseur officiel de pépites en littérature jeunesse.


Les avis de Mya Rosa ; Un autre endroit



samedi 30 novembre 2013

Une part de ciel - Claudie Gallay

Quelques semaines avant Noël Carole retourne dans le Val de son enfance pour y attendre son père. Dans ce petit coin de montagne elle retrouve son frère Philippe et sa sœur cadette Gaby. Il y a aussi la Môme, la fille adoptive de Gaby, le vieux Sam, la Baronne et ses chiens, Jean, Marius, Diego, l’Oncle et la Veuve. Passant ses journées entre le gîte qu’elle a loué, le mobile home de sa sœur, le bar de Franky et le chenil de la baronne, Carole tente de tisser à nouveau les liens. Pas facile pour celle devenue depuis longtemps une citadine de renouer le dialogue avec les siens. Sans compter qu’au cœur de leur relation reste, comme une blessure impossible à refermer, la tragédie qui a marqué leur enfance. Mais peu à peu, la fratrie va se resserrer et la tendresse affleurer... 

Je les ai trouvés touchants ces gens simples et taiseux, un peu cabossés, qui attendent le père comme d’autres ont attendu Godot (l’absurde en moins). L’attente agit comme un processus nécessaire pour que chacun petit à petit se révèle aux autres. Dans cette vallée où les hommes sont parfois aussi sauvages et silencieux que la nature le temps semble s’être arrêté. Au final cette attente va leur ouvrir un vaste champ de possibles et leur offrir une part de ciel, l’espoir de « comprendre la teneur de ce trou béant qui avait fait [leur] différence ». 

J’ai aimé l’écriture très descriptive où chaque geste est précisé avec minutie. Du lavage d’un pot de miel vide à la préparation d’une pièce montée, rien n’est épargné au lecteur. Personnellement, j’apprécie ce parti pris « behavioriste » où l’auteur s’attarde davantage sur l’action que sur l’introspection psychologique. Cette dernière est présente mais reste discrète (tout le contraire du soporifique dernier Kasischke par exemple). Sans doute pour cela que j’ai parcouru ces quelques 400 pages sans lassitude même s’il y a quelques longueurs. 

Le découpage du texte est je trouve très cinématographique. Un enchaînement de chapitres qui sont autant de séquences et de scènes où les dialogues occupent une place importante et participent à leur manière à l’étude du comportement des individus sans avoir recours à cette introspection que je trouve tellement pénible.

Un roman d’atmosphère vers lequel j’hésitais à me tourner tant je craignais de m’ennuyer ferme. La surprise est donc belle, j’ai passé un excellent moment auprès de Carole et des habitants du Val. Pour tout vous dire je les ai quittés à regret, c’est un signe qui ne trompe pas.

Une part de ciel de Claudie Gallay. Actes Sud, 2013. 446 pages. 22 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Enna et Galéa



16/20









vendredi 29 novembre 2013

La cuisine de Mamette - Nob

Mamette est une gourmande, c’est pas un scoop. Il suffit d’ailleurs de regarder sa silhouette pour comprendre que le régime ne fait pas partie de ses préoccupations. Alors quand Mamette propose ses recettes de cuisine fétiches, on se régale forcément.

Vingt-trois recettes en tout, extrêmement variées. Leur seul point commun est la simplicité : riz au lait, pain perdu, crêpes, œufs cocottes, tagliatelles à la carbonara, ratatouille, tarte à la tomate, clafouti aux cerises, boulettes de viande, velouté de courgettes, etc. En jetant un œil sur la liste complète en fin d’ouvrage on constate que le sucré prend largement le pas sur le salé (ce qui n’est pas surprenant quand on connait Mamette). Chaque recette est déroulée en quelques cases et semble tellement facile à réaliser, un jeu d’enfant ! Entre les recettes, quelques gags en une planche (avec une mention spéciale pour ceux montrant Mamette essayant d'apprendre la cuisine à la mère de Lou) et quelques belles illustrations pleine page comme on en trouve dans « Les souvenirs de Mamette. »  Il y a aussi des interludes plus pratiques  comme « les dix commandements de la cuisine », « les conseils pour bien digérer », « les ustensiles indispensables en cuisine » ou encore « les aliments indispensables à un pique-nique réussi ».

C’est toujours un plaisir de retrouver l’univers de Mamette, sa bonne humeur permanente, cette façon bien à elle d’affronter le quotidien en laissant la morosité loin derrière. Si vous ne connaissez pas cette succulente grand-mère (ce qui est une grave erreur), il vaut mieux ne pas commencer avec cet album. Il contient de nombreuses références à la série originale et à son spin off (« Les souvenirs ») qu’il sera difficile de saisir. Surtout, impossible d’apprécier à leur juste valeur les interventions des nombreux personnages secondaires qui entourent notre héroïne sans avoir lu les albums précédents. Mais si vous êtes comme moi un fan inconditionnel de cette reine des fourneaux vous pouvez foncer les yeux fermés, vous ne serez pas déçus par le menu qu’elle propose ici.


La cuisine de Mamette de Nob. Glénat, 2013. 96 pages. 14,95 euros.





jeudi 28 novembre 2013

Le grand livre de la bagarre - Davide Cali et Serge Bloch

La bagarre c’est un classique des cours de récré. Avec ce grand livre de la bagarre vous allez tout savoir sur cette activité « née avec les hommes ». A quoi elle sert, comment elle débute, quels sont les différents types de bagarre, combien faut-il être, combien de temps elle dure, quelles sont les phrases magiques pour y mettre fin, pourquoi les adultes posent des questions qui restent sans réponses à son propos, etc.

C’est très drôle, ludique, chaque affirmation sent le vécu à plein nez. On n’oublie pas le rôle de rabat-joie tenu par les parents et les enseignants, on n’oublie pas de dire que les filles aussi se bagarrent, on précise que la vraie bagarre est un jeu et que « si la raison de la bagarre c’est la haine, ce n’est plus du jeu. » Et puis on nous rappelle qu’après une bonne bagarre, les égratignures et les bosses s’exhibent comme des trophées pour épater les copains.  

Les illustrations de Serge Bloch (Max et Lili) sont simples et efficaces. Le coté « gribouillage » illustre à merveille l’aspect brouillon des pugilats enfantins. Forcément j’en entends déjà certains s’étrangler à la lecture de cet album, hurler à l’apologie de la violence alors que les brutalités se multiplient à l’école. Personnellement j’aurais envie de leur dire de regarder plus loin que le bout de leur nez. Il y a là une mise à distance salutaire et jubilatoire que les enfants sont tout à fait capables de comprendre. Il me semble que c’est au contraire un bon moyen de dédramatiser ces moments qui rythment, qu’on le veuille ou non, la vie d’une cour de récré.

Et puis bon on s'en fiche des pisse-froid qui ne vont pas aimer, moi j’ai adoré. C'est peut-être politiquement incorrect mais c’est surtout très bien réalisé et franchement rigolo. Tout pour plaire quoi.  

Le grand livre de la bagarre de Davide Cali et Serge Bloch. Sarbacane, 2013. 36 pages. 17,50 euros. A partir de 5-6 ans.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Leiloona. J'espère qu'elle a aimé sinon je boude.






mercredi 27 novembre 2013

Sumato - Renaud Dillies

Un chat et un lapin musiciens, une chanteuse envoutante accompagnée au piano par le chien Sonny. Un coup de foudre. Un accident de voiture. Une amitié indéfectible. De la tristesse, quelques notes de blues… il y a tout ça dans cet album. Les personnages sont pétris d’humanité, de fêlures, de rêves à la fois simples et inaccessibles… ou pas. Les petites gens frappés de plein fouet par des épreuves douloureuses et qui font face comme ils peuvent, ça n’a pas l’air de grand-chose mais chez moi (et chez beaucoup d’autres) ça fait tilt.

On pourra reprocher à Dillies de toujours parler des mêmes sujets mais personnellement c’est ce que j’apprécie le plus chez lui. L’amitié, la musique, l’amour, la souffrance, la mort, autant de thématiques qui font partie de son "identité" d’auteur. Il se dégage ici encore de l'ensemble beaucoup de poésie et une certaine forme de mélancolie qui, paradoxalement, met du baume au cœur.

Sumato est son second album (après Betty Blues). La narration alterne les phases de tension dramatique et d’autres plus calmes, notamment grâce aux illustrations pleine page qui offre au lecteur une respiration apaisante.

Des vies sur un fil, une histoire simple, belle et triste à pleurer, comme dirait Noukette qui a eu la gentillesse de me prêter cet album. Dillies reste décidément un des mes auteurs BD préférés.


Sumato de Renaud Dillies. Paquet, 2004. 78 pages. 15,50 euros.


Une lecture commune que j’ai une fois de plus le plaisir de partager avec Moka.

Les avis de Choco ; Noukette






mardi 26 novembre 2013

Un tag de Syl



Un award décerné par Syl ça ne se refuse pas. Onze questions, onze réponses, rien de plus. Allez zou, c’est parti :

1. Ta plus grande réussite ?
J’espère qu’elle est à venir mais j’en doute de plus en plus. Sinon bien sûr je ne suis pas peu fier des mes trois pépètes.

2. Ton livre préféré :
Définitivement « Les contes de la folie ordinaire » de Bukowski. Le livre fondateur de ma vie de lecteur.

3. Le pays qui t’a marqué ?
J’ai adoré découvrir Chypre. Les mosaïques antiques, le rocher d’Aphrodite à Paphos, la mont Troodos, les églises byzantines, etc. Et puis la gentillesse des chypriotes m’a beaucoup marqué.  

4. Ton rêve le plus fou ?
Alors là, c’est une question que je ne me suis jamais posé. Disons qu’à titre purement personnel, si je vieillis sans être embêté par des problèmes de santé  (ce qui est totalement illusoire) je serais le plus heureux des hommes. C’est léger comme rêve mais ça me va bien.

5. Raconte-nous la naissance de ton blog.
Le blog est né d’un constat : à force de lire et de ne trouver personne à qui parler de ces lectures dans mon entourage je me suis dit qu’il fallait élargir mon horizon. Et quoi de mieux qu'un blog ?

6. La personnalité que tu aimerais être :
Personne, absolument personne ne me fait rêver. Bon en fait si, il y a une femme pour laquelle j’ai toujours eu une admiration sans bornes : Louise Michel. Son parcours, sa vie, son engagement, ses convictions, tout me parle chez cette femme.

7. Le don que tu aimerais posséder :
Aucune idée. Il faudrait que ce soit quelque chose de totalement inutile parce que je n’ai pas envie d’un don qui me ferait jouer les héros (je suis bien trop timide pour ça^^). 

8. Quel est le plus gros défaut de la personne qui partage ta vie ?
Ouh là, elle en a une tripotée, comme tout le monde. Bon c’est une femme et son plus gros défaut, assez féminin je trouve, est l’impatience. Pour moi qui suis plutôt « no stress, prenons tout à la légère », c’est parfois difficile à supporter (mais elle pourrait dire la même chose, mon coté dilettante l’exaspère grandement).

9. Light ou pas light ? Bio ou pas bio ?
Je ne me pose pas là question, il faut juste que ce que je mange ait du goût. Et puis le light et le bio le sont-il toujours réellement ?

10. La it-pièce de ton armoire ?
Euh, comment dire… je ne fais absolument pas attention à ce qui se trouve dans mon armoire. Du moment que j’ai un jean, une chemise ou un pull à enfiler, c’est le principal. Il y a juste un bonnet noir qui me donnait bien chaud aux oreilles et que j’aimais beaucoup mais il me faisait ressembler à un schtroumpf. Ma femme l’a mis à la poubelle sans me demander mon avis et depuis je n’ai plus de bonnet. Bon j’ai vu à la sortie du collège de ma fille que le bonnet à pompon était la grande mode du moment, je sens que je ne vais pas tarder à investir.  

11. Combien de temps passes-tu devant ton écran ?
C’est variable mais en gros une petite heure le matin si je me lève avant tout le monde, une grosse heure le midi pendant ma pause et puis une autre heure le soir. Pour le boulot c’est presque toute la journée.





lundi 25 novembre 2013

Méduses - Valentine Goby

« L'appareil photo autour du cou, je les regarde errer derrière la cataracte qui voile leurs cerveaux. Douze ans, parfois moins, ils ont l'œil vitreux des vieux, ils ont vécu, c'est-à-dire assez souffert, ne veulent plus voir ni être vus. Autour de leurs bouches les sacs plastiques gonflent, rond, laiteux dans la lumière des phares, les halos des lampadaires, puis se rétractent, vides, réduits à une peau qu'un coup d'ongle suffirait à percer comme les mauvais préservatifs qu'on leur glisse dans la main, une fois la pochette déchirée d'un coup de dents et recrachée par terre, pour qu'ils la déroulent sur le sexe en érection d'un homme dont ils ont déjà oublié le visage, passant, chauffeur de taxi, client d'un hôtel, d'ici ou d'ailleurs un sexe en latex couleur blanc d'œuf, et eux ce plastique blanc d'œuf collé au visage. »

Manille. Les enfants des rues. La colle comme seule échappatoire. Les sacs dans lesquels ils respirent les vapeurs de benzène et d’acétone ressemblent à une méduse collée à leurs lèvres. « Et quand l’effet s’estompe, leur cerveau se disloque et leur corps se déchire, à l’intérieur, poumons, estomac, bronches, muscles, réseaux de nerfs à vif lentement sciés par le poison. » Ils ne leur reste que peu de temps mais en attendant « ils vivent, et n’imaginez pas que le mot sonne faux, monstrueux, car ils vivent, dans cette petite mort leur cœur bat fort, ils ne se jettent pas sous les roues des voitures, ne se laissent pas couler dans l’eau noire du port, ne sautent pas des remparts de la vieille ville pour s’écraser quinze mètres plus bas [...] Ils effacent le monde, ils sont plus forts que lui ; le sac de colle bouffe le réel, le réel c’est quand ils veulent. Ils décident. Ils sont vivants. »

En à peine 40 pages Valentine Goby déroule quelques instantanés saisissants. Autant de photographies qui vous sautent à la gorge. Toujours sans misérabilisme, sans pathos malvenu. Les enfants de Manille prennent forme et vous serrent les tripes. L’image de la fillette de huit ans jouant avec une poupée le nez collé à son sac va me poursuivre longtemps. Peut-être parce que j’ai moi-même une fille de huit ans à la maison mais ça va au-delà de mes petites considérations personnelles. Parce l’auteure de Kinderzimmer a su mettre en mots l’innommable et que c’est une fois encore un petit miracle d’écriture.



Méduses de Valentine Goby (dessins de FX Goby). Éditions Jérôme Million, 2010. 40 pages. 7,10 euros.


samedi 23 novembre 2013

Vanilla Ride - Joe R. Lansdale

Envie de faire une pause dans la rentrée littéraire et de replonger dans la littérature américaine bien grasse que j’aime tant. Celle qui ne prend pas de gant, qui met en scène quelques rednecks incontrôlables et bien barrés jurant comme des charretiers. Toujours drôle, vulgaire, sans fioriture et dans une forme d’outrance qui, si on l’accepte, est jubilatoire.

Je vous le concède, cette couverture est digne d’un SAS. Mais Joe R. Lansdale ne boxe pas du tout dans la même catégorie que feu Gérard de Villiers et c’est tant mieux. Et puis cette édition grand format est aujourd’hui épuisée et le roman a été réédité en Folio avec une couverture un poil moins « aguichante » (quoique).

Bon je suis un fan absolu de Leonard et Hap, l’irrésistible duo de Joe R. Lansdale mais je ne vais pas vous la faire à l’envers et je vais reconnaître que ce roman est le moins convaincant de la série. Le scénario tient sur un post-it et les deux loustics ne m’ont pas semblé aussi pétaradants que d’habitude. Alors si vous voulez découvrir la verve de Lansdale, je vous conseille de commencer avec "L’arbre à bouteilles" et "Le mambo des deux ours". Vous y découvrirez deux drôles de zigotos vivant au fin fond de l’East Texas. Hap le blanc hétéro qui joue à chaque fois le rôle du narrateur et Léonard, son meilleur pote, noir et homosexuel dans une région du sud profond où les mentalités n’ont guère évolué depuis la guerre de sécession. Ces deux-là ont le chic pour s’embarquer dans des galères pas possible dont ils se sortent à chaque fois miraculeusement. Ce sont  aussi de sacrés bagarreurs qui n’hésitent pas à utiliser des armes à feu quand le besoin s’en fait sentir.

Ici, ils vont faire face à la Dixie Mafia, une organisation criminelle raciste qui gère d’une main de fer un juteux trafic de drogue. Grosses bastons, crânes explosés à coup de fusil et blagues potaches rythment le récit. Une mécanique bien huilée où les dialogues sont toujours aussi savoureux. Pourtant, il manque un petit quelque chose, j’ai ressenti une légère impression de déjà-vu, de ronronnement dont aucune véritable surprise n’émerge. Je me suis bien marré, je ne vais pas le nier et la langue imagée de Joe R. Lansdale déménage toujours autant mais il y a une évidente baisse de régime sur ce titre. Pas grave, je retenterai ma chance avec " Diable rouge ", le dernier opus de la série sorti cette année et qui vient tout juste de rejoindre ma pal.

Vanilla Ride de Joe R. Lansdale. Outside, 2010. 280 pages. 19,90 euros.

Extraits

« Cette piste est aussi froide que la chatte d’un cadavre de bonne sœur. »

« Ce shérif du dimanche se la jouait gros dur et donnait l’impression de pouvoir se servir du trou du cul d’un éléphant comme placard à chaussures tout en s’arrangeant pour que l’éléphant aime ça. »

« Le connard s’évanouit encore plus vite qu’un octogénaire asthmatique en train de baiser un mouton dans une grange poussiéreuse en plein cagnard. »

« Je me retrouvai dans une cellule mal éclairée en compagnie d’un type trapu aux cheveux gras et aux muscles couverts de tatouages. Sa façon de me regarder me donnait l’impression d’être une côtelette de porc avec un anus. »