Didier Blonde «
entre dans un café comme dans un roman ». Comme les romans, les cafés ont tous des points communs mais chacun est différent, chacun possède son propre décor, sa propre atmosphère, son propre rythme. Dans un café, Didier Blonde observe. Les serveurs, les clients, les conversations, les gestes, les silences. Les groupes d’amis, les solitaires, les habitués, les couples amoureux, ceux qui se séparent ou n’ont plus rien à se dire. Des vies qui «
se mêlent, se heurtent ou s’ignorent ».
Dans ce petit opus d’une centaine de pages il a consigné des textes courts, des micro-nouvelles que l’on sent captées dans l’urgence, sur un coin de table. Il y parle aussi bien du confort des banquettes en moleskine que de la promiscuité du verre bu au comptoir, des journaux que l’on se partage aux toilettes qui en disent tant sur l’identité des lieux. Il se souvient aussi. Des cabines téléphoniques au fond de la salle, des objets qu’il a un jour oubliés dans un café, des écrivains qui les ont tant décrits ou qui y ont tant écrit (Simenon, Modiano, Breton, Verlaine, Sartre et Beauvoir, Nathalie Sarraute…). Beaucoup de références au cinéma, beaucoup d’anecdotes « historiques » également, le tout sans lyrisme malvenu, avec retenu et dans une forme de nostalgie pudique, sans tomber dans le discours du vieux con qui ne cesse de se lamenter au son du « c’était mieux avant ».
Une sorte d’exercice de style thématique qui m’a beaucoup plu. Il faut dire que j’ai une relation particulière aux cafés. Je les ai fréquentés dans ma plus tendre enfance, mon grand-père m’y trainait chaque dimanche quand il allait faire son tiercé. Je me rappelle des ballons de rouge posés sur le formica des tables, de la fumée dans toute la salle, des rires gras, des éclats de voix, des mains serrés et des claques dans le dos. Plus tard au lycée ce furent les flippers et le baby-foot, la mobylette garée sur le trottoir et les filles qui ne rechignaient jamais à nous accompagner pour boire une bière ou un monaco. Je n’oublie pas non plus que c’est dans un café que j’ai rencontré ma femme il y a 25 ans et que l’on ne s’est plus quittés depuis. Je les fréquente bien moins aujourd’hui mais ils restent attachés à des moments joyeux de mon existence.
Et puis, pour revenir au livre, depuis ma découverte de «
Leïlah Mahi, 1932 » j’aime l’écriture de Didier Blonde, son style « modianesque » et l’atmosphère si particulière qu’il parvient à créer avec une élégance et une sobriété remarquables. J’ai donc été ravi de le retrouver ici, s’attardant sur un sujet me tenant particulièrement à cœur.
Cafés, etc. de Didier Blonde. Mercure de France, 2019.
126 pages. 13,00 euros.