Sujet difficile, brûlant même, et malheureusement toujours d’actualité. Les violences faites aux femmes sont ici abordées « après coup ». Un traitement intéressant dans la mesure où il offre une relative distance par rapport à l’émotion brute des actes relatés « en direct ». Pour autant, même si la séparation avec l’agresseur est actée et définitive, les dégâts restent considérables et les blessures difficiles à cicatriser.
Thibaut Lambert a choisi une bichromie aux nuances sanguines pour relater la reconstruction de Manon. Son présent est dessiné avec un encrage épais tandis que les flash-back la ramenant dans son passé avec Steph sont représentés dans un lavis donnant une impression de souvenirs diffus et cotonneux. Ce parti pris graphique fonctionne bien et ne nuit en rien à la lecture, bien au contraire.
Je trouve par contre que tout va un peu trop vite dans cette histoire. La résilience de la jeune femme s’effectue « comme dans un rêve » : la psy est parfaite, les amies formidables et le nouveau copain est une crème. Ce déroulement positif participe forcément à la remise en confiance de Manon et quelques scènes n’éludent pas les problèmes rencontrés ou ceux restant à résoudre mais au final la trajectoire semble trop linéaire et manque parfois d’aspérités.
Après, cela renforce le message d’espoir porté par le récit, ce qui est évidemment une bonne chose et il serait stupide de réclamer davantage de coups durs pour Manon mais j’ai eu l’impression d’être resté à la surface des choses et de manquer d’un poil de profondeur. En même temps, on ne parlera jamais assez des violences faites aux femmes, il importe donc de défendre cet album qui met en lumière la possibilité d'un avenir tourné vers l'apaisement et une certaine forme de sérénité.
De rose et de noir de Thibaut Lambert. Des ronds dans l’eau, 2017. 72 pages. 18,00 euros.
Une lecture commune partagée avec Mo.