J’ai d’emblée senti que ce petit air de dystopie adolescente serait parfait pour ma grande pépette de 15 ans, fan du genre. Je lui ai donc mis ce livre entre les mains pour voir ce qu’elle en pensait. Verdict cinq minutes plus tard, après avoir parcouru le premier chapitre : « C’est nul, on dirait Divergente. De toute façon c’est toujours les mêmes histoires, ils changent juste les noms… ».
Bon, bon, bon… voilà donc un avis direct et concis (les chiens ne font pas des chats il paraît). Un avis que je ne partage pas du tout. D’abord parce que je n’ai jamais lu Divergente et consorts, donc j’ai porté un œil neuf sur ce roman. Ensuite parce qu’elle ne connait pas la plume et l’univers torturé d’Antoine Dole, un auteur qui ne laisse jamais indifférent. Enfin parce qu’elle n’est pas allée plus loin que le premier chapitre, grave erreur s’il en est puisque dès le second on bascule dans un passé qui ressemble beaucoup à notre présent avec l’histoire d’Aude, une lycéenne rentrant en seconde dans un établissement huppé. Ce changement de lieu et d’époque entre chaque chapitre joue beaucoup sur la mécanique du récit, notamment parce que l’on ne cesse de se demander quel est le lien entre Jeb et Aude.
Par rapport à ses romans précédents, l’écriture d’Antoine Dole m’a paru moins heurtée, moins « coup de poing ». Elle gagne en fluidité ce qu’elle perd en nervosité et ce n’est pas plus mal. Après, j’ai retrouvé avec plaisir sa propension à ne jamais ménager ses personnages, des écorchés à vif à fleur de peau particulièrement attachants, ainsi que son habitude consistant à ne laisser filtrer qu’un infime rai de lumière dans une ambiance des plus sombres. Sans oublier son allergie aux happy end qui est à mes yeux une réelle qualité pour un auteur de littérature jeunesse. Bref, un Antoine Dole égal à lui à même, entraînant ses lecteurs sur un terrain où on ne l’attend pas vraiment sans pour autant renier les fondamentaux qui sont depuis des années sa marque de fabrique.
Naissance des cœurs de pierre d’Antoine Dole. Actes Sud junior, 2017. 150 pages. 14,50 euros.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager comme chaque mardi avec Noukette.