Comment peut-on supporter de vivre dans le pays le plus fermé du monde, un pays où aucune information venant de l’extérieur ne peut entrer, où la population meurt de faim et où le culte de la personnalité du dictateur prend des proportions inimaginables ? Jun Sang, 8 ans, ne se pose pas ce genre de questions. La faim, les voleurs exécutés en place publique, le travail dans les champs après l’école, les coupures d’électricité à répétition, l’unique chaîne de télé à la gloire du régime ou les camps de concentration pour mater les « contre-révolutionnaires », rien ne l’étonne puisqu’il ne connaît que cela et qu’il n’imagine pas que l’on puisse vivre autrement.
Aurélien Ducoudray décrit une Corée du Nord à hauteur d’enfant. Un enfant qui, comme l’ensemble de la population, fait partie d’un système politique, social et militaire ne pouvant souffrir aucune contestation. Son point de vue sans la moindre capacité de jugement et d’esprit critique est à la fois déroutant, naïf et incroyablement naturel. Dans la première partie de l’album, il est casse-cou et débrouillard comme bien des enfants de son âge, il traîne avec ses copains et fait les quatre cents coups. Mais par la suite la tonalité devient plus lourde, plus sombre, l’horizon se bouche davantage encore et les espoirs d’une vie meilleure, s’ils existent bel et bien, paraissent inaccessibles.
J’ai trouvé l’ensemble mené de main de maître, instructif, réaliste mais loin de toute critique frontale et sans nuance. C’est simple, tout sonne juste : le déroulement des événements, les dialogues et même le dessin mignon comme tout avec ses couleurs pastels semblant au départ peu adapté à une telle histoire mais qui se révèle au final parfait pour créer une distance avec la dureté des horreurs vécues.
Saxaoul avait raison, cet album est une totale réussite et je le classe à mon tour sans hésiter parmi mes plus belles découvertes BD de l’année.
L'anniversaire de Kim Jong-Il d’Aurélien Ducoudray et Mélanie Allag. Delcourt, 2016. 142 pages. 16,95 euros.