Kento, au chômage, enchaîne les entretiens d’embauche infructueux. Il a une petite amie, avec laquelle il passe régulièrement quelques heures dans des Love Hotels, faisant preuve d’un certain manque d’endurance au lit. A vingt-huit ans il vit encore chez sa mère avec son grand-père, se lève souvent en fin de matinée et glandouille le reste de la journée. Le papy est au bout du rouleau. Il se traîne, se plaint continuellement de douleurs dans tout le corps et répète à longueur de journée qu’il veut mourir, que ce serait mieux pour tout le monde. Kento n’est pas loin de partager son avis, à tel point que sur les conseils de son copain Daisuke qui travaille dans une maison de retraite, il décide d’exaucer le voeu du vieillard en appliquant des règles strictes : ne pas le laisser réfléchir, lui ôter toute opportunité de faire travailler son cerveau, ne rien lui laisser faire seul, accomplir toutes les tâches à sa place pour saper son autonomie, éviter tout exercice physique pour laisser ses muscles s’atrophier. En gros céder à tous ses caprices, l’affaiblir physiquement et mentalement pour précipiter sa fin de vie. Simple sur le papier, la méthode ne s’avère pourtant pas, à l’usage, d’une grande efficacité...
Un roman qui a remporté en 2015 le prestigieux prix Akutagawa, l’équivalent du Goncourt japonais. Un roman étrange et décalé qui aborde un des sujets de société les plus importants du Japon actuel : le vieillissement de la population et la prise en charge des personnes âgées. Kento et sa mère vivent un enfer quotidien avec le papy, ce dernier en a conscience et aimerait ne plus être un fardeau mais son heure semble loin d’être arrivée. Ils n’ont pas les moyens de le mettre dans une maison de retraite privée, les établissements publics ont des listes d’attente longues comme le bras et le fait d’imaginer prolonger ce ménage à trois de quelques années apparaît à tous insupportable. Alors que faire ?
Le texte allie d’abord cynisme et dérision. La mère acariâtre est détestable, le grand-père geignard ne suscite aucune empathie et la volonté froide de Kento d’accéder au souhait mortifère de son aïeul met mal à l’aise. Mais assez vite on comprend que chacun est dans une posture, un jeu de dupe. Et quand les masques tombent le récit prend une tournure bienveillante qui n’a rien d’artificielle ni de gnangnan. Décidément, la littérature japonaise n’a pas fini de me surprendre.
La vie du bon côté de Keisuke Hada (traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako). Picquier, 2017. 150 pages. 16,50 euros.