« Jusqu’à peu, j’étais une fille normale. Plutôt
grande, d’accord, mais rien d’une géante. Et puis je suis entrée au collège, et
là ma croissance s’est emballée. Tous mes vêtements sont devenus trop petits d’un
seul coup, et depuis il faut en racheter tous les trois mois. Pour les manches,
passent encore […] Mais pour les jeans, c’est la catastrophe. En trouver un qui
m’aille se révèle mission impossible… »
Il suffit de pas grand-chose pour complexer une ado. Un
pantalon trop court, qui révèle les
chaussettes par exemple, et le mal être s’installe durablement. Parce que
Marion le sait bien, il n’y a rien de pire que d’attirer les regards : « Dans
la cour du collège, les paires d’yeux sont des mitraillettes. Aucune faute de
goût ne passe inaperçue. Les jugements sont immédiats, les conclusions
définitives. Les blagues fusent, souvent gratuites, parfois cruelles. »
Marion est donc une grande perche, une grande perche mal
fagotée. Et forcément mal dans sa peau. Pas comme ça qu’elle aura un jour le
courage d’adresser la parole au beau Grégory, dont elle est follement
amoureuse. A moins que le voyage scolaire à Amsterdam qui s’annonce, avec la
visite de la maison d’Anne Frank et du célèbre Rijksmuseum où cette passionnée
d’art et de dessin va pouvoir découvrir les œuvres grandeur nature de son idole
Rembrandt, change durablement la donne...
Ah, les complexes ! Le genre de truc qui s’attrape en
général à l’adolescence et peut vous poursuivre jusqu’à la fin de vos jours. Sophie
Adriansen aborde la question avec finesse et intelligence. Sans en faire des tonnes, sans tomber dans les clichés ou transformer son héroïne en ado dépressive. Résultat, c’est léger en apparence
mais ça pousse à la réflexion sur le fond. La visite de la maison d’Anne Frank incite
Marion à relativiser ses propres problèmes et son rapport à l’art prouve que, si
l’art n’est pas la vraie vie, il peut la changer, cette vie. A cet égard, le
passage où la jeune fille « s’immerge » dans le monumental tableau de Rembrandt « La ronde de nuit »
est en tout point magnifique.
Un roman positif et qui sonne juste, prouvant que la
confiance en soi, si elle n’est pas innée, n’as parfois pas besoin de grand-chose
pour éclore au moment où l’on s’y attend
le moins.
Les grandes jambes de Sophie Adriansen. Slalom, 2016. 112
pages. 10,90 euros.
Une nouvelle lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.