Mona ne passera pas sa vie à Paradise Hill, dans la banlieue de San Diego. Ici, l’horizon est trop bouché pour une ado de seize ans. Misère, ennui, alcool, drogue ou prostitution, le choix est limité. Surtout avec une mère qui a le feu au cul et un beau-père qui ne pense qu’à vous sauter. Alors Mona s’organise comme elle peut : Un petit ami dealer qui lui a fait perdre sa virginité à treize ans, un agent immobilier de quarante balais raide dingue d’elle pour l’entretenir. Et un jour, la fugue vers Los Angeles après un passage chez une copine majeure pour lui piquer ses papiers d’identité. Mona se teint en blonde, pose sur ses yeux des lentilles bleu clair et se prénomme dorénavant Holly. Sa rencontre avec un producteur de films porno lui ouvre les portes de la célébrité. Holly devient un phénomène et rassemble rapidement plus d’un million d’abonnés (payants) sur le site de son mentor. Elle donne de sa personne, accepte toutes les pratiques et affole les compteurs. Du jamais vu. Holly est riche et célèbre. Mais Holly a un autre plan. Machiavélique…
Attention, ça secoue. Furieusement. J’ai d’abord cru avoir affaire à un romancier américain. Mais Sacha Sperling est bien français. Un gamin de 25 ans, un « fils de » (Alexandre Arcady et Diane Kurys), qui m’a mis KO pour le compte avec son histoire de petite fille. Un roman choral où l’Amérique en prend pour son grade. C’est cash, sans concession, cynique. Holly n’est pas une victime et Sperling ne veut pas nous faire pleurer sur son sort. Les scènes hard sont sordides mais la gamine fait preuve d’une lucidité permanente qui force l’admiration. Elle déteste ce qu'on lui fait subir, mais elle encaisse, une idée dernière la tête. Elle sait ce qu’elle fait, elle sait ce qu’elle veut, elle sait où elle va et elle sait qu’il va lui falloir souffrir pour y arriver : « Un an dans le porno, c’est comme dix ans ailleurs. Pire que de compter en années de chien. Ça marque le corps, la peau. Ça détend tout. Ça abîme… ».
Un roman sans complaisance qui vous file des hauts le cœur. J’ai aimé ce style direct, épuré, à l’os. Une success story tragique, glaçante, qui fascine et horrifie. L’histoire d’une « fille vide à l’ère du vide », l’histoire d’une fille qui se « voulait un destin. N’importe lequel ».
Histoire de petite fille de Sacha Sperling. Seuil, 2016. 260 pages. 18,00 euros.