Ici, les julots ne se séparent jamais de leur pouliche, sauf pour les laisser michetonner. Ici, on ouvre grand ses esgourdes, on règle les problèmes à coups de surin, on extrait les ratiches à la pince monseigneur, on rêve d’ouvrir un claque avec le pèze gagné en sales combines…
Pour faire simple, tout m’a plu dans cet album. J’ai adoré ce Paris des années 20, l’univers des voyous de la Belle Époque, ces durs à cuire revenus de Cayenne et des Bat d’Af (bataillons disciplinaires d’Afrique du nord), la poulette qui n’a pas froid aux yeux et les dialogues fleuris plein d’argot. Sans parler de la tension sexuelle montant crescendo, des entourloupes et de l’appât du gain comme cause commune, d’une sombre histoire de vengeance, d’un flashback dans les tranchées, de trajectoires pas très nettes où se mêlent amour et trahison, etc.
Dis comme ça, ça peut paraître un peu fouillis mais au final la narration est limpide : quatre personnages pour un huis clos poisseux où chacun semble jouer carte sur table mais ne pense en fait qu’à sa pomme.
Alex W. Inker signe un premier album plein d’audace et de maîtrise. Son univers graphique rend hommage au dessin de l’entre deux-guerres (les Pieds Nickelés apparaissent d’ailleurs au détour d’une case) grâce à l’utilisation d’une bichromie noire et rouge en trame du plus bel effet. L’objet-livre en lui-même est superbe, un pavé à l’italienne au cartonnage épais fleurant bon l’encre comme les ouvrages d’antan.
Je le reconnais, au vu du sujet et de son traitement, ce ne sera pas l'album de tout le monde. Mais si vous cherchez de la nouveauté en BD, de la nouveauté de qualité fignolée avec amour, application et talent, je vous le recommande chaudement.
Apache d’Alex W. Inker. Sarbacane, 2016. 125 pages. 22,50 euros.