Alors que Dariana disparaît soudainement sans laisser de trace, son amant reçoit par la poste un pli anonyme contenant quatre récits « brefs et terribles » ayant pour sujet la sensuelle et troublante Susana. Dans le premier, un jésuite défroqué se meurt d’amour pour la belle mais n’ose la toucher, se contentant de lui faire la lecture. Dans le second, c’est Miller, malfrat et mari violent de Susana, qui prend la parole. Vient ensuite le tour d’El Griego, père incestueux de la jeune femme, avant que cette dernière ne vienne clore le manuscrit. Tous les quatre œuvrent dans un trafic clandestin de cigares à destination des États-Unis et tous les quatre sont dans la même pièce, donnant leur point de vue sur les événements en cours et à venir dans un huis-clos étouffant alors qu’un cyclone menace…
Qui sont ces personnages ? Pourquoi ce courrier est-il arrivé dans les mains du narrateur ? Quel rapport avec Dariana ? L’homme s’interroge, voudrait trouver des liens où il n’y en a sans doute pas. Olivier Rolin tisse sa toile de façon magistrale. Il nous laisse en pleine expectative, en plein questionnement, jouant avec nos nerfs, construisant un récit gigogne dont chacun est libre d’interpréter le sens. Surtout, il joue avec le lecteur, insiste sur le lien parfois ténu entre fiction et réalité, jugeant utile de préciser : « Ce serait avoir une idée bien simpliste de la littérature que de penser qu’elle reflète sans détour, sans malice, la personnalité de l’écrivain. Il faut une grande naïveté, une ignorance des règles de l’écriture pour croire ce genre de platitude, qu’enseignaient encore de vieux professeurs du temps que j’étais étudiant. La littérature est une tromperie sans fin. »
Voila, tout est dit. J’ai adoré cette réflexion sur la littérature, cette écriture ciselée et élégante, ce ton parfois badin, cette construction libre et désordonnée où il n’y a pas à chercher ni à trouver de réponses précises. Du grand art et un auteur que je découvre ici avec un infini plaisir.
Veracruz d’Olivier Rolin. Verdier, 2016. 120 pages. 13,00 euros
Merci à Delphine Olympe de m’avoir donné envie de partir à la rencontre d’Olivier Rolin !
Les avis de Delphine et Papillon.
Extrait :
« Mais pourquoi les choses devraient-elles être ordonnées, emboîtées, pourquoi le temps ne pourrait-il pas rebrousser son cours comme le fleuve Alphée des Anciens, ou divaguer, pourquoi ce qui vient après ne serait-il pas la cause de ce qui précède ? D'où tient-on qu'il y a toujours des causes ? Pourquoi toutes les choses du monde doivent-elles être cause ou effet ? Cette construction, nous l’appelons "comprendre", et en vérité nous ne comprenons rien. »