« La jouissance féminine est une grande fête. Elle est
puissante, belle, c'est une joie qui transporte, dans laquelle on lâche prise,
on lâche tout, on laisse échapper. »
Je sais, nous ne sommes pas le 1er mardi du mois.
Et alors ? Je suis un homme imprévisible vous savez. Et puis comment
résister à un tel titre, croisé par le plus grand des hasards sur une table de
librairie la semaine dernière (je vous jure que c’est vrai !).
« Cette nuit j’ai joui, j’ai joui pour la première fois
de ma vie. J’ai senti cette chaleur intense m’emplir de l’intérieur, du vagin
au cerveau, partout dans le ventre, la poitrine gonflée de plaisir, la bouche
et les papilles pleines de saveurs inconnues. Mon corps a tressauté, j’en ai
perdu le contrôle. Je suis émerveillée par ce que mon corps est capable de
faire, de l’avoir confronté à ses limites. »
Adèle a 35 ans lorsqu’elle jouit pour la première fois. Cette
journaliste, mariée et mère d’un petit garçon avait jusqu’alors aimé tendrement
mais d’un amour où le sexe n’était pas primordial. Il a suffi d’une rencontre,
avec celui qui allait devenir son amant, celui qu’elle qualifie « d’homme-électrochoc »,
pour que sa vie bascule, qu’elle s’éveille au désir et accède au plaisir.
Le désir est le point central de ce texte 100%
autobiographique. Adèle est le double littéraire d’Adeline. Elle raconte sa
transformation, ce que cette naissance du désir à impliqué comme changement,
dans sa sexualité bien sûr, mais aussi dans ses relations sociales, son regard
sur son statut de femme et sur un corps qu’elle n’avait jusque là jamais mis en
valeur, qu’elle n’était jamais parvenue à habiter pleinement. Du désir
naît l’accomplissement, du désir naît l’épanouissement : « Dans la
jouissance, la distinction entre le corps et le sexe est gommée, la jouissance
l’emporte sur tout, la jouissance est le grand Tout ».
Au cœur de cette métamorphose, « l’homme-électrochoc ».
Une espèce rare, sans doute en voie de disparition, et que beaucoup de femmes
ne croiseront jamais au cours de leur existence : « Mon amant fait
partie de cette caste rare d’hommes qui font l’amour avec héroïsme, qui aiment
faire jouir les femmes avant d’envisager de jouir eux-mêmes. […] Auprès de l’homme
électrochoc, « je suis » à fond, pour la première fois, je n’intellectualise
pas une relation, je la vis. Je suis en pleine catharsis inversée. Pour une
fois, je ne transforme pas mes émotions en pensées, mais je ne suis qu’émotions
et j’arrête de penser. »
J’ai beaucoup aimé cette réflexion sur la jouissance
féminine, parfois crue, toujours profonde (la réflexion), n’idéalisant jamais
totalement cette métamorphose qui suscita aussi de nombreuses souffrances. Et puis adoré les nombreuses références cinématographiques et les extraits
littéraires cités tout au long du récit (Simone de Beauvoir, Flaubert, Henry
Miller, Despentes, Louise Labé, Anaïs Nin, Sappho, Yourcener, etc.). Seul
bémol, une vision « universelle » dans l’avant propos qui m’a quelque
peu gêné, affirmant qu’une vie sans désir sexuel est une vie « sans envie,
sans élan, une existence statique, immobile. » Dans son cas particulier,
certes. Mais de là à généraliser à l’ensemble des femmes, il me semble que c'est loin d'être aussi simple, et heureusement d'ailleurs.
Je recommande chaudement cette
lecture à tous les hommes. Pas parce que l’on donne ici dans le guide pratique,
mais au contraire parce que ce livre est tout sauf un guide pratique. Et aussi
parce que ce parcours individuel, ce témoignage sans fard, en toute franchise
et en toute liberté, ne peut pas nous faire de mal.Un beau portrait de femme en tout cas. Entière, qui assume et s’assume. Vibre, souffre, aime, s’interroge. Et s'épanouit.
Petit éloge de la jouissance féminine d’Adeline Fleury. Editions
François Bourin, 2015. 145 pages. 18,00 euros
PS : par contre, beaucoup de coquilles pour si peu de
pages, l’éditeur a moyennement fait le job niveau correction, c’est le
moins que l’on puisse dire.