jeudi 28 mai 2015

Les provocations d’Ava - Ava Castel

Les provocations d’Ava, c’est une longue lettre de rupture. Sans cris ni larmes. Au contraire, c’est une lettre de libération, du corps et de l’esprit. Ava écrit à William, son amour, son mentor, celui qui lui a tout appris. Elle n’était qu’une oie blanche, il en a fait une experte en matière de sexe, l’a initiée à des jeux coquins et à des pratiques jusque-là inimaginables pour elle. Entre eux, une fidélité absolue, William, jaloux à l’excès, n’aurait de toute façon pardonné aucun écart. Mais si Ava n’a jamais dérogé au contrat moral qui les liait, lui a fauté. Et il s’est fait prendre en flagrant délit. Aujourd’hui, il est temps de solder les comptes, son ex-chère et tendre prend la plume pour lui raconter ses frasques depuis leur séparation. Et le pauvre homme va boire le calice jusqu’à la lie.

Vous voulez une confidence ? Je connais Ava, je l’ai déjà rencontrée. Pas le personnage de cette histoire bien sûr, mais l’auteure qui se cache derrière ce pseudo. Je peux même vous dire qu’il lui arrive de me demander conseil. Pas en matière d’écriture, cela va de soi, je suis totalement incompétent dans ce domaine (et surtout, elle n’a pas besoin de moi), mais en matière de lectures. De lectures érotiques pour être plus précis. Il m’est déjà arrivé de lui recommander quelques titres et elle m’a toujours fait confiance, une confiance qui m’honore sincèrement. Alors forcément, au moment de me lancer dans ce texte, il serait facile d’imaginer que mon regard critique n’allait plus vraiment l’être. Sauf que je ne vois rien de constructif dans la complaisance. Et que je n’aime pas faire semblant, je déteste quand on simule. Donc je ne vais pas faire semblant et vous dire le plus sincèrement du monde pourquoi j’ai apprécié cette longue nouvelle.

C’est frais et léger. Le sexe est joyeux, décomplexé, assumé, sans entrave mais dans le respect de l’autre. Une question d’envie, de désir partagé. Rien de douloureux là-dedans, rien de glauque, rien de maladif. Ava n'est pas une nympho, elle choisit ses proies, elle ne saute pas sur le premier venu. Et elle ne se lance jamais sans préservatif, ce n’est pas un détail, loin de là. Elle est joueuse, gourmande, se soumet en gardant toujours le contrôle, affichant une forme d’égoïsme pleine d’assurance. Une femme d’aujourd’hui, moderne et bien dans sa peau, quoi.

Aucune vulgarité ni surenchère, le texte est émoustillant, explicitement coquin. On varie les plaisirs, les lieux, les positions, les partenaires, les situations. Seule la scène des photos m’a laissé de marbre, question de sensibilité personnelle.

Au final, j’ai beaucoup aimé le ton de cette lettre un poil ironique, un poil cynique, un poil méchante. La lettre non dénuée d’humour d’une femme trahie, d’une femme trompée devenue garce sublime éprise de liberté. La lettre que j’espère ne jamais recevoir un jour, même si, pour le coup, je sais que (théoriquement) je ne risque rien…

Les provocations d’Ava d’Ava Castel. Collection Paulette, 2015 (livre numérique). 40 pages. 2,99 euros.

Disponible sur le site de l’éditeur









mercredi 27 mai 2015

Un amour exemplaire - Florence Cestac et Daniel Pennac

Pennac et Cestac se retrouvent dans une brasserie. Daniel veut proposer à Florence d’illustrer une histoire d’amour, le genre de truc qu’elle déteste. Mais attention, pas n’importe quelle histoire, l’histoire de Jean et Germaine, un couple hors du commun auquel il s’était lié, enfant, lorsqu’il passait ses vacances chez sa grand-mère dans l’arrière pays niçois. Une histoire d’amour selon lui exemplaire, celle d’un couple excentrique qui faisait jaser le voisinage.

Comment Germaine a pu tomber amoureuse de ce gaillard moche comme un pou ? Pourquoi personne n’a jamais vu Jean travailler ? Que faisaient tous ces bouquins dans leur minuscule maison, envahissant chaque pièce, de la cave à la cuisine ?  Pourquoi Jean et Germaine n’ont jamais eu d’enfants ? Le petit Pennac, à force de stratagèmes plus ou moins finauds, parvint à tirer ces mystères au clair et à entrer de plain-pied dans l’intimité de ces inclassables énergumènes.

Quel plaisir de plonger dans cet album franchouillard et un poil foutraque. On sent tout l’attachement que porte Pennac à ce couple qui aura marqué son enfance et durablement influencé sa vision de l’amour. Cestac l’écoute et retranscrit ses propos, mais elle s’autorise aussi quelques digressions dont elle a le secret. C’est enjoué, bourré d’argot, plein de bonne humeur et de joie de vivre, hors des modes et du temps… tout simplement délicieux.

Graphiquement, pour la première fois l’auteure des « Déblok » abandonne sa marque de fabrique, « les tarbouifs en pomme au four » (autrement dit les gros nez ronds) pour affubler l’un de ses personnages (jean en l’occurrence) d’un pif en quart de brie. Aucune autre concession pour le reste, on retrouve ce trait reconnaissable au premier coup d’œil et ce découpage quasi systématique en gaufrier qui est son autre marque de fabrique.

Une ambiance doucereuse qui fleure bon les années 70, loin de toute mélancolie ou d’un pénible « c’était mieux avant ». Un amour idéal parce que tout sauf banal. Un amour sincère et durable, sans intermédiaire (entendez sans être pollué par les enfants ou le travail), comme l’explique Jean au petit Daniel. Un amour scandaleux pour l’époque et difficile à imaginer aujourd’hui. Exemplaire, quoi.

Un amour exemplaire de Florence Cestac et Daniel Pennac. Dargaud, 2015. 58 pages. 15,00 euros.


Les avis de L'irrégulière, Mo' et Violette.








mardi 26 mai 2015

La pyramide des besoins humains - Caroline Solé

Selon la théorie de Maslow, les besoins humains se classent en cinq catégories : besoins physiologiques, de sécurité, d’amour, de reconnaissance et de réalisation. Cette théorie est le principe d'un nouveau jeu de télé-réalité, "La pyramide des besoins humains", auquel s’est inscrit Christopher. Christopher a 15 ans, il vit sur un morceau de carton, à Londres, après avoir fui le domicile familial et les coups de son père. Passant les cinq niveaux pour se retrouver en finale, cet ado SDF que personne ne parvient à identifier fascine un public en mal de sensations fortes. Une gloire soudaine synonyme de raz de marée incontrôlable et dévastateur.

Caroline Solé porte un regard plein d’acuité sur les dérives de nos sociétés modernes : la célébrité qui crépite comme un flash et s’éteint aussitôt ; une télé-réalité, machine à broyer les candidats, prête à tout pour entretenir le buzz permanent ; des réseaux sociaux où l’on étale sa vie devant de pseudos amis que l’on ne rencontrera jamais « en vrai ». Et autour de nous la misère, la faim, le froid, la violence, ces hommes et femmes sans toit ni ressources à coté desquels on passe sans même se retourner.

J’ai beaucoup aimé entendre la voix de Christopher, lucide et sans misérabilisme, offrant de nombreux retour vers une enfance certes difficile, mais aussi pleine de jolis moments passés avec son frère. La vie dans la rue, malgré son réalisme et sa rudesse, révèle une belle dose d’humanité et d’entraide. Un premier roman très maîtrisé qui se dévore d’une traite. Un vrai plaisir de découvrir une jeune auteure avec autant de culot et de maturité.

La pyramide des besoins humains de Caroline Solé. L’école des loisirs, 2015. 125 pages. 12,80 euros. A partir de 13 ans.

Et une nouvelle lecture jeunesse que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.

Les avis d'Hélène et Leiloona














lundi 25 mai 2015

Les lectures de Charlotte (6) : Porte-bébés

Porte-bébés est le livre préféré de Charlotte actuellement. Depuis qu’il est arrivé à la maison, impossible de la coucher le soir sans lui avoir lu.

Une fillette s’amuse à porter ses doudous comme les animaux portent leurs bébés. A chaque page elle questionne : Quel animal porte son bébé dans sa poche ? Sur ses pieds ? Sur son ventre ? Sur son dos ? La tête en bas ? Pour découvrir la réponse, il suffit de déplier un rabat. Un système classique, simple et efficace. Même après la dixième lecture, même en le connaissant par cœur (surtout parce qu’ils le connaissent par cœur d’ailleurs !), les enfants y reviennent toujours.

Les illustrations sont à croquer, douces et colorées, et les postures de la petite vraiment rigolotes. Et puis l’air de rien, j’ai appris des choses. Au moins une question m’a posé une colle. Vous savez, vous, qui porte son bébé entre ses ailes ? Et bien moi je ne savais pas.

Un livre-surprise à la mécanique parfaitement huilée. Un livre-objet solide, aux coins arrondis et au petit format idéal pour les mains de bébé. Un livre testé et approuvé par le public auquel il s’adresse. Que demander de plus ?





Porte-bébés de Sylvie Misslin et Géraldine Cosneau. Amaterra, 2015. 26 pages. 9,50 euros. A partir de 2 ans.







vendredi 22 mai 2015

Toute la lumière que nous ne pouvons voir - Anthony Doerr

St-Malo, août 1944. La ville fortifiée, dernier bastion tenu par les allemands après la libération de l’ouest de la France, est sur le point de rendre les armes. Tandis que les bombes pleuvent sur les toits, Werner Pfenning et Marie-Laure Leblanc sont sur le point de se rencontrer pour la première fois. Lui est un soldat spécialisé dans la traque des transmissions radio de la résistance. Elle, aveugle, a été recueillie par son oncle après avoir fui Paris avec son père en juin 40. Le roman suit le destin de ces deux êtres que tout sépare, emportés par le tourbillon de la seconde guerre mondiale. Au fil des chapitres, à l’aide de flash-backs remontant jusqu’en 1934, le lecteur découvre comment, chacun de leur coté, ils sont arrivés dans la cité malouine…

Alors oui, ce roman phénomène vendu à 1,5 million d’exemplaires et couronné « livre de l’année » par l’Association des libraires américains est un best-seller en puissance. Un rouleau compresseur à la mécanique parfaitement huilée qui se dévore comme un feuilleton impossible à lâcher. La construction en micro-chapitres rend le récit addictif, comme le fait de suivre sans temps morts les trajectoires parallèles de ses deux personnages qui finiront par se croiser avant de s’éloigner à nouveau. C’est diablement efficace et il est évident que quiconque met le nez dans ce texte sera happé dès les premières lignes.

Après, qu’il ait décroché le Pulitzer 2015 avec un enthousiasme unanime de la presse et des professionnels du livre, j’avoue que cela m’interpelle un peu. Disons que j’attends plus de « littérature » d’un Pulitzer, plus de complexité (comme par exemple avec « Les foudroyés », récompensé en 2010). L’écriture est fluide mais simple, extrêmement simple. Certains passages frôlent le mélo (pour ceux qui l’ont lu, j’ai trouvé l’épisode de la petite Autrichienne assassinée vraiment « too much ») et le coté mécanique de la narration finit par devenir aussi répétitif que prévisible.

Finalement, c’est un grand roman tout public (et il n’y a rien de péjoratif là-dedans) et un formidable page turner. Mais je m’attendais à autre chose. J’avais apprécié la puissance et la maîtrise d’Anthony Doerr dans ses nouvelles (Le mur de mémoire), et le retrouver ici jouer dans un registre efficace mais un peu « facile » m’a dérouté. Maintenant, c’est une certitude, ce roman va connaître en librairie la belle carrière qu’il mérite, je m’en réjouis et je vous fiche mon billet que l’on n’a pas fini de voir cette jolie couverture avec la photo de St Malo sur les plages tout l’été.

Toute la lumière que nous ne pouvons voir d’Anthony Doerr. Albin Michel, 2015. 620 pages. 23,50 euros.





jeudi 21 mai 2015

L’incroyable journal (top secret) de monsieur Cochon - Emer Stamp

J’enchaîne les journaux intimes animaliers cette semaine. Après la chienne Gurty, je me suis frotté à la prose de monsieur Cochon. Depuis qu’il a trouvé un carnet et un stylo derrière les poubelles de la ferme, le brave animal couche son quotidien sur le papier. Un quotidien tranquille et agréable qu’il partage entre son copain Canard, les bains de boue à côté du champ aux moutons et la pâtée généreusement offerte par le fermier. S’il n’y avait pas les méchants poulets, la vie à la campagne serait paradisiaque.

Plus les jours passent, plus la ration de pâtée augmente et plus cochon grossit. Il s’en réjouit car il n’y a rien de mieux à faire au monde que de se bâfrer, mais Canard finit par lui faire comprendre que si le fermier l’engraisse à ce point, c’est qu’il a une idée derrière la tête. Et devant l’évidence, Cochon est horrifié ! La seule échappatoire possible est de s’allier aux poulets qui ont construit une fusée spatiale et cherchent un pilote…

Vous l’aurez compris, l’anglaise Emer Stamp ne fait pas dans la dentelle avec ce premier roman jeunesse déjanté. Naïf, pas très fufute, Monsieur Cochon est un personnage haut en couleur. Bon, il est sale, glouton, pétomane et il rigole pour un rien, je vous le concède. Son journal est plein de tâches d’encre et de gras, Il écrit comme il parle et son style oral est particulièrement relâché, autant vous prévenir que si vous cherchez un livre au niveau de langue soutenu, mieux vaut passer votre chemin.

Si vous avez quelques réticences bien légitimes après le tableau peu ragoûtant que je viens de dresser, sachez juste que vos petits bouts vont adorer, c’est une évidence. C’est drôle, mené tambour battant, sans fioriture. Cochon interpelle son lecteur sans cesse avec des réflexions hautement philosophiques du genre : « Je ne peux pas faire ma crotte sans péter. Je parie que toi aussi, non ? »

De l’humour potache, une aventure aussi improbable que farfelue, des animaux de la ferme et un cochon-couillon attachant en diable, les ingrédients sont réunis pour que ce journal intime illustré emporte l’adhésion des enfants, quitte à froisser la susceptibilité des parents rabat-joie.

Personnellement, n'étant pas rabat-joie pour deux sous, je vais m'empresser de le mettre dans les mains de ma fille...

L’incroyable journal (top secret) de monsieur Cochon d’Emer Stamp. Seuil, 2015. 188 pages. 12,00 euros. A partir de 8 ans.










mercredi 20 mai 2015

Le jardin de Minuit - Edith

Parce que son frère a la rougeole, Tom doit s’exiler quelques temps chez son oncle et sa tante afin d’échapper à la maladie. Une perspective qui ne l’emballe pas plus que cela, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans une maison découpée en appartements, sans espaces verts et avec des barreaux aux fenêtres de sa chambre, Tom trouve le temps long. La seule chose qui l’intrigue est l’énorme pendule prenant la poussière dans l’entrée commune, une pendule appartenant à la vieille et très maniaque madame Bartholomée. Une pendule qui, Tom va le découvrir, sonne 13 fois à Minuit et ouvre une porte l’entraînant, non pas dans la courette bétonnée habituelle mais vers un somptueux jardin de l’époque victorienne. Un lieu étrange et un saut dans le temps dont le garçon se délecte chaque nuit, surtout depuis qu’il y a découvert la turbulente et ravissante « princesse Hattie ».

Adaptation d’un classique de la littérature jeunesse anglaise, cet album onirico-fantastique possède le charme suranné des récits d’antan. On y retrouve avec Tom le bonheur de l’exploration solitaire d’un lieu magique, on y rencontre ces amis imaginaires (ou pas !) qui parfois peuplent l’enfance. Beaucoup de souvenirs et de nostalgie, des passerelles qui se créent entre passé et présent et l’impression pour le lecteur d’être le seul à partager les mystères du jardin secret dans lequel le garçon pénètre chaque nuit.

Au début le charme a opéré et je m’y suis senti bien dans ce jardin. Mais au fil des pages, j’ai commencé à m’ennuyer. Je me suis un peu perdu aussi avec les incessants allers-retours temporels et j’ai vu la fin arriver grosse comme une maison. Pas le coup de cœur auquel je m’attendais, donc. Pourtant je reste fan du dessin d’Edith, découvert il y a fort longtemps avec l’excellente série « Basile et Victoria ». Mais ici c’est l’histoire d’origine et non son adaptation qui a fini par me lasser. Tant pis, ma référence en littérature jeunesse anglaise adaptée en BD restera le fabuleux « Vent dans les saules » de Michel Plessix. Une référence tellement intouchable à mes yeux qu’aucune comparaison ne sera jamais envisageable je pense.

Le jardin de Minuit d’Edith. Soleil, 2015. 96 pages. 17,95 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Mo' et Noukette

Les avis de Faelys, Jacques et L'ivresse des mots


Toutes les autres BD de la semaine
 sont chez Noukette







mardi 19 mai 2015

Le journal de Gurty - Bertrand Santini

Aujourd’hui Noukette et moi avons décidé de donner dans le léger. Dans le divertissant, le rigolo. Le super rigolo, même. Aucun drame à l’horizon, pas de thématique anxiogène mais plutôt un enchaînement de scénettes cocasses qui font jouer les zygomatiques. Voila qui change et qui fait du bien !

Gurty est une chienne qui va comme chaque année passer ses vacances à Aix-en-Provence avec son maître Gaspard. Sur place, elle retrouve vite ses marques, sa copine Fleur et Tête de fesse, le sale matou des voisins. Les jours passent et Gurty consigne dans son journal les petits riens du quotidien : se cacher dans le foin, songer à fuguer, faire peur à un écureuil, se coller une barbe à papa aux fesses lors d’une sortie en ville, j’en passe et des meilleures. Autant de sketches où la petite chienne pose un regard à la fois naïf et plein de malice sur son environnement. L’ensemble est rythmé, dynamique, porté par le style enlevé de Bertrand Santini, qui a illustré lui-même (et avec talent) chacun des courts chapitres.

Pourquoi ça ne peut que fonctionner avec un enfant ? Parce que c’est une lecture facile et récréative, parce que l’écriture est plaisante et coule toute seule, que les dialogues font mouches et que les situations imaginées par l’auteur du Yark sont pleines d’humour.

Si vous avez un coriace à la maison, du genre à penser que les livres c’est nul et ennuyeux, que la lecture n’est qu’une activité à vous arracher des bâillements, proposez lui donc de jeter un œil au journal du Gurty, il y a des chances qu’il change d’avis.

Allez, juste un exemple pour vous prouver que je ne mens pas :

« J’aime l’odeur des roses et des lavandes. Le parfum subtil du vent soufflant dans les figues m’enchante aussi. J’apprécie le fumet de la terre après l’orage et les senteurs nocturnes d’un jardin sous la lune. Mais mon parfum préféré, c’est celui du caca. »

Alors, franchement, ne me dites pas qu’il n’y a pas là de quoi emporter l’adhésion du lecteur le plus réfractaire ? On prend les paris ? Et encore, je ne vous ai pas parlé des jeux, tests et conseils qui offrent une dimension ludique en fin d’ouvrage. Bref, des arguments pour entraîner vers la lecture plaisir, Gurty en possède des tonnes. Sérieusement !



Le journal de Gurty de Bertrand Santini. Sarbacane, 2015. 140 pages. 9,90 euros. A partir de 7-8 ans.

L'avis de Stephie












lundi 18 mai 2015

Un thé pour Yumiko - Fumio Obata

 « Je me sens perturbée. Cet endroit… L’air, la terre… J’ai beau retourner ça dans tous les sens, mes racines sont ici, c’est certain. Je crois que je l’ai nié trop longtemps. »

Vivant depuis des années à Londres, fiancée à l’anglais Mark, la japonaise Yumiko doit rentrer dans son pays natal suite au décès de son père. Un retour particulier tant la jeune femme se sent déconnectée de ses origines.

L’enterrement traditionnel, respectant une cérémonie longue et fastidieuse, ne lui arrache aucune larme. Ce manque d’émotion de surface cache en fait une tempête intérieure où la quête d’identité va faire vaciller ses certitudes.
Un parcours sensible et subtil où, peu à peu, Yumiko tombe le masque.

Beaucoup de silence dans le parcours à la fois méditatif et introspectif d’une femme à la recherche de sens. Un portrait d’expatriée tiraillée entre ses racines et une carrière « à l’européenne » d’apparence plus émancipatrice et épanouissante, surtout pour une femme. Yumiko s’interroge, elle doute, avouant même à sa mère que si elle n’avait pas rencontré Mark, elle serait rentrée définitivement au Japon.

Le dessin à l’aquarelle est sobre et élégant, parfaitement raccord avec le propos. Une réflexion tout en pudeur sur le deuil et la construction de l’identité qui sonne juste. Touchant.

Un thé pour Yumiko de Fumio Obata. Gallimard, 2014. 155 pages. 22, 00 euros.


Les avis de ChocoMoka et Stephie


samedi 16 mai 2015

Carnaval - Ray Célestin

La Nouvelle-Orléans, 1919. Un Serial Killer provoque la panique, frappant ses victimes à coups de hache et laissant sur les lieux de ses crimes des cartes de tarot. Le policier Michael Talbot cherche à comprendre les motivations du tueur  mais il n’est pas le seul à mener des investigations. Le journaliste John Riley, la détective privée Ida Davis et l’ancien flic Luca D’Andrea, à peine sorti de prison, vont eux aussi, chacun de leur coté, tenter de résoudre le mystère. Le temps presse, un ouragan approche, les morts s’accumulent et la ville semble proche du chaos…  

Inspiré d’une histoire vraie, ce premier roman, au-delà d’un solide polar, est un roman d’atmosphère avec des personnages bien campés et une narration très maîtrisée. Ray Célestin décrit avec maestria le fourmillement unique de La Nouvelle Orléans au début du 20ème siècle : l’influence française, la musique omniprésente, une tension raciale permanente, des communautés vivant repliées sur elles-mêmes dans des quartiers spécifiques (noirs, juifs, irlandais, italiens), le rôle de la mafia, le vaudou, le bayou et ses mystères…

Pour moi, c’est typiquement un livre de vacances, un livre à glisser dans ses valises (et il n’y a rien de péjoratif là-dedans, d’ailleurs je l’ai lu pendant mes vacances). Un pavé que l’on sait pouvoir dévorer quasiment d’une traite parce que l’on va avoir davantage de temps à consacrer à la lecture. Un page-turner  que l’on retrouve avec plaisir au fil de la journée, sur la plage ou dans un transat, un verre de rosé bien frais à la main. Un livre de vacances, quoi !

Détail qui me turlupine, je me demande pourquoi il y a marqué « Thriller » sur la couverture. Je ne suis absolument pas un spécialiste du genre mais il me semble que ce texte n’a rien d’un thriller. Pas de suspense haletant, pas de considérations psychologiques à outrance, rien de véritablement angoissant, c'est simplement un bon vieux polar efficace et très documenté à la construction ambitieuse, ni plus ni moins.

Une vraie lecture plaisir, sans prise de tête, mais dont la dimension historique apporte une véritable valeur ajoutée. Je ne savais pas à quoi ressemblait La Nouvelle-Orléans de cette époque, me voila maintenant parfaitement renseigné sur le sujet. Cet aspect m’a d’ailleurs bien plus intéressé que la traque du serial killer, rien de surprenant finalement quand on sait à quel point je ne suis pas un grand fan des intrigues policières.

Carnaval de Ray Célestin. Le Cherche Midi, 2015. 495 pages. 21,00 euros.