Encore un cadeau aujourd’hui. J’ai décidé cette semaine de me plonger dans des livres offerts par de bonnes fées avec lesquelles j’apprécie tellement d’échanger depuis que ce blog a pris son envol. Après les nouvelles de Russell Banks grâce à Framboise hier, je découvre cette fois-ci la poésie de l’Haïtien Makenzie Orcel, dont
le premier roman, à mon grand désappointement, ne m'avait pas autant emballé que je l'espérais.
L’attention vient cette fois de
Philisine, qui a en plus eu la gentillesse de me faire parvenir l’ouvrage orné d’une dédicace de l’auteur particulièrement personnalisée. Parce qu’elle sait déjà tout le bien que je pense d’elle, je ne vais pas en rajouter une couche ici et me contenter de la remercier avec une grosse bise qui claque.
Je ne suis pas un grand amateur de poésie. La poésie, je l’aime quand elle s'ancre dans la réalité, quand elle se drape d’une certaine rugosité et qu’elle s éloigne d’un lyrisme de façade et d’une esthétique convenue. Philisine connaissait mes goûts en la matière et elle a vu juste avec ce petit recueil aussi hypnotique qu’incandescent.
Les bars, la ville, la nuit, l’alcool, la chaleur des corps, autant de thèmes qui me parlent. La poésie de Makenzie Orcel est sensuelle, elle «
affûte le rêve à coups de rhum et de reins ». La rythmique est saccadée, la forme courte, parfois proche du haïku, fait surgir l’image :
« p
uis vient l'oubli
le temps jeté par-dessus bord
le silence du verre
posé à même le sol »
Certains vers résonnent comme des aphorismes : «
Pour certaines choses de la vie il faut plus qu’un poème » / «
Boire nous sort du temps ». Ces poèmes, ce sont autant d’instantanés attrapés à bras le corps et jetés avec rage sur la page dans une langue âpre et libre de toute contrainte. De quoi désarçonner, certes, mais il faut aller au-delà de la première impression, où le sens peut échapper, et se laisser emporter par les mots, par leur force d’évocation. C’est dans ce lâcher-prise, cet d’abandon, que la poésie de Makenzy Orcel s’apprécie à sa juste valeur.
La nuit des terrasses de Makenzy Orcel. La contre allée, 2015.
64 pages. 9,00 euros.
L'avis de Jostein
"
ma tête remplie du tournis des phares
leur effarement
les tympans brûlés de leur gardien
leur têtes d'insomnie
l'horreur des bouches
s'inventant des comptoirs
pour dégueuler leurs ruines
les putains de la rue Capois
et la chair chaude de l'aimée
depuis que j'ai appris
qu'il faut laisser la nuit
entrer dans sa vie
pour qu'il y ait un phare quelque part
mes mots respirent mieux sous la mer
tout au fond de mon verre"
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"
c’est fou quand tu jouis
ça fait un bruit de sirène
de tempête sur la ville
il faut
déchirer ta petite culotte
et te prendre debout
dans un bar crasseux
d’ici
n’importe où
pour que tout soit parfait
quel amour se nourrit de fleurs
du confortable ?
fleuve en furie
chute de métaux
quand tu jouis
nul autre mai plus effusif..."