Comment ne pas craquer pour les déboires de cette bigouden et de son mari marin. Harponné par un chalutier, il dérive sur l’océan avec une mouette pour seule compagnie. En chemin il croisera un pétrolier pollueur, des douaniers un peu trop zélés et des pirates plutôt bienveillants. Quant à elle, bien décidée à le retrouver, elle s’embarquera pour une croisière vers Cuba dont elle ne sortira pas indemne.
La BD muette me touche quand elle ne donne pas dans la démonstration technique et conceptuelle, quand le dessin reste en permanence au service de l’histoire et que sa fluidité permet un confort de lecture optimum. Autant vous dire que c’est le cas ici. L’alchimie fonctionne entre les délires scénaristiques finalement très structurés de Lupano et leur mise en scène par un Gregory Panaccione au sommet de son art. Je crois que jamais un récit muet ne m’avait autant parlé !
J’adore Lupano pour sa capacité à prendre en permanence le contre-pied des modèles dominants. Il fait de losers ou de retraités des héros magnifiques (Ma révérence et Les vieux fourneaux), et quand il s’attaque au western, c’est pour dénoncer l’usage des armes à feu (L’homme qui n’aimait pas les armes à feu). Ici, il nous raconte une histoire d’amour XXL entre un marin maigrichon et binoclard et une bigouden taillée comme une armoire normande. Tout sauf des gravures de mode mais des personnages attachants prêts à soulever des montagnes pour se retrouver. L’alternance de séquences hilarantes et d’autres plus dramatiques donne toute sa force à l’ensemble. Le découpage dynamique et imparable de Panaccione offre à leur épopée maritime l’écrin qu’elle mérite.
Une BD incroyable, totalement inclassable, dans laquelle on a envie de replonger encore et encore pour y dénicher de nouveaux détails, de nouvelles trouvailles ayant échappés à la lecture précédente. Une réussite totale, un album pétillant comme une coupe de champagne. Mais sans aucune bulle !
Un océan d’amour de Wilfrid Lupano et Gregory Panaccione. Delcourt, 2014. 224 pages. 24,95 euros.
Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Moka.
Les avis de Livresse des mots, Marguerite, Mo', Noukette, Sandrine, Sara et Violette.