vendredi 23 mai 2014

La question qui tue - Audren

Comment colle-t-on un sparadrap sur une limace ? Y-a-t-il des vents qui ne soufflent pas ? Pour Wendy, petite fille d’origine laotienne, ces questions ne sont pas absurdes, elles sont intéressantes. Mais la maîtresse ne l’entend pas de cette oreille. Exaspérée par l’extravagance de ces interrogations qui viennent perturber son cours, elle lui demande de les réserver à ses proches et de ne plus dire tout haut ce qui lui passe par la tête. Mais après s’être tenue à carreau pendant une semaine, Wendy ne peut plus résister. Elle lève la main pour demander : « Est-ce que les fleurs sont des soupirs ? » Pour Mme Lamourette, cette fois, c'en est trop : « Alors là c’est la question qui tue ! ».

Le lendemain, quand elle apprend que la maîtresse est morte, Wendy, horrifiée, est persuadée que c'est sa question qui l'a tuée. Pensant posséder un pouvoir aussi dangereux qu’incontrôlable, la jeune fille décide alors de ne plus jamais répondre quand on l’interroge en classe. Il lui faudra l’aide de son père et de son meilleur ami Tobias pour comprendre que le problème ne vient pas forcément d’elle…

Un texte tout en finesse, pétri d’intelligence et de sensibilité. Au-delà des apparences et des différences, Wendy et son ami Tobias possèdent une grandeur d’âme qui les rend délicieusement attachants. Un petit roman introspectif qui, sans avoir l’air d’y toucher, aborde quelques questions importantes auxquelles les enfants d’aujourd’hui sont trop souvent confrontés (famille monoparentale, violence, handicap…). Un texte à mettre entre toutes les mains.


La question qui tue d’Audren. L’École des Loisirs, 2011. 80 pages. 8,00 euros. Dès 9 ans.

Une lecture commune que je partage une nouvelle fois avec Noukette et une contribution à la semaine thématique de Stephie consacrée à l'auteur.

Du coup je vous mets le lien vers un billet consacré à un autre de ses romans, Ma grand-mère m'a mordu.






jeudi 22 mai 2014

On ne va pas se raconter d'histoires - David Thomas

65 textes en 150 pages. Des tout petits riens, des instantanés, des polaroïds. Beaucoup d’histoires de couples qui vacillent, mais pas que. Les narrateurs sont des hommes et des femmes qui savent manier l’ironie et ont la répartie cinglante. Des hommes et des femmes désabusés, lucides, d’une sincérité qui ne laisse aucune place à l’orgueil mal placé. C’est un régal absolu, c’est parfois absurde, souvent cruel, toujours très drôle. Et la légèreté de façade cache des réflexions bien plus profondes qu’il n’y parait.

L’exercice est incroyablement difficile. Parvenir à une telle épure et à une telle efficacité en termes d’écriture et de narration relève du tour de force. Et puis l’art de la chute est ici maîtrisé à la perfection. Mes histoires préférées ? Celle du gars seul qui, pour son anniversaire, s’achète un cadeau, le planque dans la maison et quelques jours plus tard s’enfile une bouteille de whisky. « Et une fois que je ne sais plus comment je m’appelle ni s’il fait jour ou nuit, je cherche mon cadeau. Cette année, je l’ai retrouvé. C’était un papillon épinglé dans une boîte. Je ne sais pas ce qui m’a pris de m’offrir un truc pareil. » J’ai aimé aussi celle du gars discret et silencieux, celui qu’on ne remarque jamais mais qui s’explose les oreilles chaque soir avec du hard rock (sans doute parce qu’il m’a rappelé quelqu’un…) ou encore ce dîner guindé où de l’apéritif au digestif, la discussion glisse de « Ah, moi je suis plutôt parc à l’anglaise, les jardins à la française m’ennuie… » à « Comment tu veux que je te branle ? ». Je pourrais en citer des tas d’autres tant les pépites se suivent à chaque page.

Un énorme coup de cœur, donc. Ce recueil, c’est la micro-fiction comme je l’aime, tellement, tellement plus irrévérencieuse que ce que fait Delerm par exemple.  

On ne va pas se raconter d'histoires de David Thomas. Stock, 2014. 150 pages. 14,00 euros.

Un recueil que je m’empresse d’ajouter au challenge « Nos pépites de l’année » chez Galéa et une lecture commune que je partage une fois de plus avec une Noukette tout aussi emballée que moi.

Les avis de Krol et Moka




Allez, trois petits textes en cadeau :

Un autre homme
« Je ne regrette pas de t’avoir rencontré. Je ne regrette pas les enfants, d’avoir renoncé à bien des choses pour les élever, d’avoir quitté ma ville que j’aimais tant pour que tu aies ce boulot qui te plaisait tant. Je ne regrette pas ces vacances en Bretagne, même si, comme tu le sais, je déteste la Bretagne. Je ne regrette pas d’avoir fait pendant toutes ces années des dîners pour tes amis que je trouve un peu cons-cons, pas bien méchants, mais pas bien futes-futes non plus. Je ne regrette pas que tu m’aies trompée pendant six mois avec cette petite idiote, je ne t’en veux même pas, elle était très jolie et je l’étais nettement moins que lorsque que l’on s’est rencontrés. Je ne regrette pas que tu ne te sois jamais intéressé aux mêmes choses que moi, que tu n’aies jamais pu supporter ma sœur ou que tu m’emmènes pour mes anniversaires dans des villes ou des pays que tu rêvais de découvrir. Je ne regrette rien, mais dire que j’ai passé quinze ans avec toi, et qu’il a juste fallu que je rencontre un autre homme pour comprendre enfin que tu ne vaux rien. »

Volonté
« Ça y est ? Tu as pensé toutes tes horreurs, ça va mieux ? Je sais ce que tu t’imagines, et si je ne dis rien c’est parce qu’il n’y a rien à dire. C’est la faute au temps, c’est la faute au quotidien, c’est la faute au désir, c’est la faute au travail, c’est la faute à pas de chance, y a toujours une bonne raison. Toutes les raisons sont bonnes pour en avoir marre, pour céder, pour renoncer. Toutes et aucune. C’est une question de volonté. C’est tout. On a la volonté ou on ne l’a pas. Et toi, tu ne l’as plus. Tu n’as pas perdu ton désir pour moi, tu n’as pas perdu ton amour pour moi, tu n’as perdu que ta volonté. Je t’aime d’une façon beaucoup plus forte et plus intelligente qu’il y a douze ans. Mais cet amour-là, il t’ennuie. Et ça, ce n’est pas ma faute. »

Boule de pétanque

« Ça a commencé par des regards en biais, puis des soupirs, puis des gestes secs et enfin, pour que la parole se joigne aux actes, des insultes. Ensuite on s’est envoyé à la gueule tout ce qu’on avait sous la main, d’abord des torchons, après des bouteilles d’eau vides, puis pleines, et les choses sont devenues vraiment sérieuses avec des objets plus durs, à l’image des colères et des ressentiments. On est passés aux casseroles, appareils photo, ordinateurs portables, chaises… et hier ça a été une boule de pétanque demi-dure en acier et inox de 700 grammes et 78 millimètres de diamètre. Une boule de tireur, faite pour les carreaux. Ça a brisé net mon poignet. Et notre couple. »    






mercredi 21 mai 2014

Chico et Rita - Javier Mariscal et Fernando Trueba

Cuba, 1948. Chico est un pianiste de génie et Rita une chanteuse à la voix envoûtante. Leur rencontre ne pouvait que déboucher sur une idylle passionnée. Mais leurs carrières respectives ne décollant pas à la même vitesse, les amoureux vont devoir s’éloigner l’un de l’autre, par la force des choses. Les retrouvailles ponctuelles sont aussi "caliente" que tumultueuses et précèdent toujours une nouvelle séparation. Leur histoire n’est faite que de ruptures et de réconciliations, sur fond de jazz et de Be Bop avec, au cœur de leur relation, une sensualité à fleur de peau et des caractères bien trempés. soixante ans plus tard, Chico se souvient…

Il y avait à priori de sacrés bons ingrédients dans ce roman graphique basé sur le film d’animation éponyme : le Cuba des années 50, l’amour fou, la passion, la musique, la chaleur des corps et des nuits tropicales, tout cela était fort alléchant. Oui mais voila, je suis resté de marbre. Limite, je me suis ennuyé.

Pour des amoureux passionnés, Chico et Rita manquent singulièrement d’âme. Difficile de s’attacher à eux, à leur parcours, à leur histoire commune. Le récit est lent, contemplatif par moments mais paradoxalement j’ai eu l’impression que tout allait trop vite. La Havane, New York, Hollywood, Paris, Las Vegas, les événements  s’enchaînent, se précipitent, s’emballent même, sans jamais m’avoir véritablement embarqué.

Il faut dire que parler de musique en BD, créer l’émotion en mettant la musique au cœur du propos, ce n’est pas évident. N’est pas Renaud Dillies qui veut. Pareil pour le dessin, auquel je n’ai pas accroché une seconde. Trop proche de l’animation, trop froid malgré les couleurs pétantes, manquant singulièrement de personnalité. Et puis là encore, quand on vient de voir la Havane dessinée par Berthet dans Perico, celle de Chico et Rita ne soutient pas la comparaison. Bon, tout n’est pas à jeter, entendons-nous. J’ai aimé par exemple la tirade de Rita devant son public sur sa condition de star noire à Vegas : « Je suis là devant vous ce soir, en train de chanter dans ce club fabuleux, cet hôtel merveilleux mais je ne peux pas y dormir, je dois dormir dans un motel en dehors de la ville. A Miami, ce fut encore pire. On m’a laissée rester, mais on a vidé la piscine pour m’empêcher de m’y baigner ! Malgré tout on ne cesse de me dire que je suis une star. Qu’en pensez-vous ? »

Pour autant, je dois reconnaître que ma rencontre avec Chico et Rita est un rendez-vous manqué, vraiment. J’en suis le premier déçu. Surtout que cet album est arrivé jusqu’à moi depuis La Réunion grâce à Unchocolatdansmonroman qui a eu la gentillesse de me le prêter. Mais peu importe, je tenais à le lire et je ne regrette pas une seconde de l’avoir découvert.


Chico et Rita de Javier Mariscal et Fernando Trueba. Denoël Graphic, 2011. 212 pages. 23,00 euros.

Les avis de Canel, Hélène et Unchocolatdansmonroman










mardi 20 mai 2014

Les vilains petits - Catherine Verlaguet

C’est une cour de récré comme les autres. Ce sont trois gamins comme les autres. Des amis tranquilles. Sans embrouilles. Jusqu’au jour où Malone débarque dans la classe. Malone et sa mauvaise réputation. Paraît qu’il s’est battu dans son ancienne école. Avec un p’tit. Il est allé à l’hôpital le p’tit. Malone débarque et l’équilibre du groupe va changer. Malone veut prendre le pouvoir. Il va trouver en Loan un allié de poids. Loan le suiveur, prêt à abandonner ses anciens copains, Maya et Valentin. Maya, la fille persuadée de ne pas en être une parce que « les filles ça n’a le droit de rien. Ça rit comme des casseroles, ça sait pas courir au foot, ça se casse fragile, ça crie quand ça tombe et faut les ramasser ; ça sait pas se débrouiller, faut toujours les aider et leur démêler les cheveux ! Les filles y faut pas les salir, y faut pas les toucher […] J’suis pas une fille. » et Valentin « l’enrobé » qui va devenir le souffre-douleur idéal. Valentin et son ras le bol : « Leurs moqueries me font fondre à l’intérieur, chacune un peu plus, je me dissous de l’intérieur. […] J’imagine qu’il en faut un, de punching-ball, de bouc émissaire, un seul sur qui taper, c’est plus facile, on ne peut pas se tromper. »

Cette pièce de théâtre est un bijou de réflexion sur l'enfance. Tout y est : la camaraderie et la cruauté, les jeux de pouvoir, les alliances temporaires ou durables, la complicité sincère et celle de façade. Les enfants qui souffrent, les violents, ceux n’acceptant pas leur corps et ceux qui voudraient juste exister aux yeux de leurs parents. C’est tonique et enlevé, les réparties font mouche, la langue est vive et musicale. Il y a même des moments de poésie :
- Regarde, la nuit est en train de tomber !
- On va la ramasser ?
- On va s’en mettre plein les poches.
- S’en barbouiller partout.
- Jusqu’à devenir noirs de nuit.
- Et disparaître
- Devenir invisibles.

Et puis il y a cette fin incroyable, tellement surprenante parce que tellement à contre courant de l’esprit consensuel que l’on trouve d’habitude en littérature jeunesse. Un drame survient et il faut se serrer les coudes. Oui mais. Ces enfants sont humains, donc forcément égoïstes. Sauver sa peau, rien de plus logique, quitte à  enfoncer l’autre. Oui mais. Tout n’est pas si simple. Des vilains petits, c’est dans le titre. Ou des petits tout court, juste humains, pas forcément vilains…


Les vilains petits de Catherine Verlaguet. Théâtrales jeunesse, 2014. 86 pages. 8,00 euros. A partir de 9 ans.

Une nouvelle lecture commune du mardi avec Noukette pour une nouvelle pépite jeunesse !







lundi 19 mai 2014

La tour fantôme T1 - Taro Nogizaka

Le 23 juin 1952, à 23h53, Tatsu Fujimiya, 60 ans, fut sauvagement assassinée par sa fille adoptive, Reiko, 23 ans. On retrouva son corps les os brisés, attaché aux aiguilles du cadran d'une horloge au sommet d'une tour. Deux ans plus tard, Taïchi Amano est victime de la même agression mais il s'en sort in extremis. Une tentative de meurtre qui va l'entraîner dans une improbable chasse au trésor au cœur d'une bâtisse que tout le monde surnomme désormais la tour fantôme...

Longtemps que je n'avais pas lu de manga. Celui-ci m'a attiré parce qu'il n'avait à priori rien pour me plaire (oui, je sais, je ne suis plus à une contradiction prêt). Pensez-donc, un manga « à mi-chemin entre le récit horrifique et le roman d'enquête pour ados », c'est le genre de truc qui devrait me faire fuir. Et bien là pas du tout. C'est drôlement bien fichu. Fluide, simple à suivre, et les différents protagonistes se reconnaissent au premier coup d’œil (ce qui n'est pas toujours le cas et me pose parfois problème avec les mangas). Sans compter que la tension monte crescendo et que le final laisse le lecteur sur un suspens insoutenable !

Bon, on comprend vite que Taïchi n'est qu'un pion dépassé par les événements mais le plus intéressant ce sont les drôles de personnages qui gravitent autour de lui, tous plus inquiétants et mystérieux les uns que les autres. Surtout, ce tome d'introduction mets tous les éléments en place pour que la suite s'avère palpitante. En gros, je suis ferré, et pas qu'un peu. Et même si j'en suis le premier surpris, je n'ai aucune raison de le nier.


La tour fantôme T1 de Taro Nogizaka. Gl énat, 2014. 224 pages. 7,60 euros.


vendredi 16 mai 2014

El ultimo lector - David Toscana

Quand Marilyne me propose une lecture commune je suis toujours partant, parce que son choix va forcément me plaire. Même si je ne connais pas le livre qu’elle me propose. Même si c’est un roman mexicain alors que je ne sais rien de la littérature de ce pays et même si le texte débute avec la découverte du cadavre d’une fillette…

A Imacole, bled paumé du nord du Mexique, la sécheresse semble ne jamais vouloir prendre fin. Seul Remigio a la chance d’avoir encore un peu d’eau au fond de son puits pour arroser son avocatier. Mais le jour où il y trouve le corps d’une enfant de 12-13 ans, il se dit que ce puits risque de lui attirer bien des ennuis. Cachant sa macabre découverte, il se rend chez son père Lucio, le bibliothécaire du village, pour lui demander conseil…

Pas la peine d’en dire davantage, ce n’est pas un roman qui se résume, c’est un roman dans lequel il faut juste croquer à pleines dents. Ne serait-ce que pour se régaler de la verve et de la lucidité de Lucio, un « ultimo lector » incorruptible passant au tamis de ses goûts littéraires chaque ouvrage aspirant à rejoindre les rayonnages de sa bibliothèque. Ceux n’ayant pas à ses yeux de qualités suffisantes finissent en enfer, une pièce où il élève des cafards dévoreurs de livres médiocres. « Le feu ne lui semble pas un châtiment approprié, car il confère à un livre prétentieux l’utilité de produire de la chaleur, la gloire de devenir lumière. L’enfer doit être quelque chose qui consume lentement, parmi l’urine et les mâchoires qui avec ténacité réduisent  en miettes couvertures, jaquettes et photographies d’auteurs immortalisés, les hommes dans une pose intellectuelle, les femmes dans leur désir de beauté. » Lucio est donc un grand malade, un fou de littérature autour duquel va graviter une cohorte de personnages plus savoureux les uns que les autres.

C’est un texte qui peut paraître foutraque, où la réalité ne cesse d’être transfigurée par l'imaginaire, où l’on se demande si c’est la fiction qui devient réelle où si c’est le réel qui n’est que fiction. On peut facilement perdre le fil mais peu importe. C’est un texte auquel il ne faut pas tenter de résister. Se laisser prendre par la main, se laisser porter par les mots et profiter d’une atmosphère incomparable, hors du temps et des modes. Un  grand moment de littérature ! Moi qui pensais être hermétique au réalisme magique latino-américain, je constate avec plaisir que ce n’est pas le cas. Borges me voila !

El ultimo lector de David Toscana. Zulma, 2013. 188 pages. 8,95 euros.

Le billet de Marilyne

Les avis de In Cold Blog, Manu et Coccinelle

jeudi 15 mai 2014

La ballade d’Hester Day - Mercedes Helnwein

Après Dieu me déteste, La belle colère s’enrichit d’un second roman sur l’adolescence. En même temps, c’est le principe de cette collection, proposer des romans dont les héros sont des adolescents sans que le «jeune public» soit spécifiquement visé. Pour le coup, l’objectif est une fois encore atteint.

La ballade d’Hester Day raconte les déboires existentiels d’Hester, 18 ans, gamine un peu paumée, incompréhensible pour son entourage, asociale sans être véritablement rebelle, juste incapable de se voir un avenir. A la veille de rentrer à l’université, elle va, sur un coup de tête, se marier avec un apprenti poète qu’elle connait à peine puis embarquer avec lui pour un road-trip en camping car en emmenant dans ses bagages son cousin de dix ans.

L’idée était vraiment sympa et aurait pu donner un texte enlevé et jubilatoire mais ce n’est pas le cas. Le problème c’est que tout sonne faux. Je n’y ai pas cru une seconde. Trop de caricatures : l’ado en crise, la mère hystéro, le père invisible qui veut juste qu’on évite de le déranger, la sœur haïe, le cousin obèse et rêveur, l’apprenti poète ronchon mais touchant, etc. Et puis de drôles coïncidences, nécessaires pour faire avancer le schmilblick mais paraissant sacrément artificielles (comme les retrouvailles d’Hester et de Fenton dans l’ascenseur de l’hosto par exemple, ou celles avec Jack dans une ferme isolée du fin fond du Kansas…).  Je n’ai pas non plus aimé l’écriture faussement djeune, les « putains » et  les « connards » pas franchement indispensables ou les réflexions philosophiques creuses comme « j’imagine qu’on ne peut pas vivre sans apprendre ». Et puis, une narratrice qui, parlant de sa mère et à cent pages d’intervalle, utilise deux fois l’expression « elle en chierait dans son froc d’extase », désolé mais ça ne passe pas.

Ok, je chipote, je rentre dans des détails sans intérêt. Je crois simplement que je l’ai mal pris, ce roman. Que c’était pas le bon moment pour m’y lancer, que j’étais pas d’humeur à subir la logorrhée d’une ado qui se cherche et ne parvient pas à se trouver. D’ailleurs je dois reconnaître quelques qualités à ce texte, des séquences marquantes, des dialogues percutants et des passages plutôt drôles.

Pour autant, je suis resté totalement extérieur à l’histoire. Rien à cirer d’Hester et des ses états d’âme, de Fenton, de Jethro du conflit parents/enfant et de ce road trip tout sauf trépidant. Je suis passé complètement à coté, quoi. Ça arrive…

La ballade d’Hester Day de Mercedes Helnwein. La belle colère, 2014. 368 pages. 20 euros.

Une lecture commune que je partage avec Karine, Lasardine, Noukette et Stephie. J'espère être le seul vilain petit canard de la bande...





mercredi 14 mai 2014

Les temps mauvais : Madrid 1936 – 1939 - Carlos Giménez

« De 1936 à 1939, eut lieu en Espagne ce que certains historiens, versés en littérature, ont appelé « la dernière guerre romantique ». Pour ceux qui l’ont vécue, ce fut simplement la guerre. »

Madrid, de 1936 à 1939. Suite au putsch militaire de Franco, la ville est assiégée et les républicains tentent de résister au fascistes. Carlos Gimenez raconte la guerre civile à travers le quotidien d’une famille qui l’a vécue « de plein fouet ». Mr Marcelino, le père, est un socialiste modéré. Entouré de sa femme et de ses trois enfants, travaillant dans un atelier de confection, il va endurer les privations et vivre au milieu de l’horreur et du chaos. Arrestations et exécutions arbitraires, bombardements, famine, maladie, promiscuité, insécurité permanente, rien ne sera épargné aux madrilènes pendant trois ans, jusqu’à la défaite.

Cette intégrale regroupant quatre albums inédits en France se compose d’historiettes de quelques pages. Des tranches de vie  sidérantes de réalisme qui ne glorifient personne mais cherchent à montrer un conflit vécu à hauteur d’homme par une population terrorisée.

Dans un dossier très complet en fin d’ouvrage, l’auteur explique sa démarche : « Je voulais raconter la guerre du point de vue de ceux qui l’ont subie, ceux qui recevaient les bombes et ont connu la terreur, la faim, l’angoisse et la misère. Je voulais raconter la guerre en minuscules, la guerre du quotidien, celle des coulisses, celle de ceux dont on ne parle pas dans les journaux, ni dans les manuels d’histoire. »

Impossible selon moi d’avaler ce pavé d’une traite, il est préférable de procéder par étapes pour éviter l’indigestion et profiter au maximum de la richesse de l’ensemble.

Le dessin en noir et blanc serait davantage adapté à un registre humoristique mais plus on avance dans le recueil et plus on se dit qu’il colle parfaitement au propos. D’ailleurs, un trait plus réaliste aurait sans doute rendu les événements relatés à la limite du supportable.

Il faut aimer le genre, il faut aimer le sujet, il faut accepter d’être sacrément bousculé par l’atrocité du conflit. Mais il faut aussi reconnaître que c’est de la très grande BD historique, une somme d’une rare qualité que j’ai trouvé absolument passionnante.

Les temps mauvais : Madrid 1936 – 1939 de Carlos Giménez. Fluide Glacial, 2013. 240 pages. 35,00 euros.


Un album lu dans le cadre de l’opération « La BD fait son festival » organisée par Priceminister. Et puisqu’il me faut donner une note à ces « Temps mauvais », je leur accorde un 18/20 bien mérité.
















mardi 13 mai 2014

Ce crime - Catherine Leblanc

Une classe de seconde, en l’an 2000. Une blague qui tourne mal et Jonas est poignardé par Romain dans un couloir du lycée. Il ne se relèvera pas.

Dix ans plus tard, les anciens élèves se souviennent. Chacun donne son point de vue. Il y a ceux qui voudraient « rembobiner le film, revenir en arrière, recommencer autrement. » D’autres n’ont toujours pas surmonté le traumatisme alors que certains se sont servis de cet épisode tragique pour avancer. Il y a aussi celui qui, aujourd’hui encore, a l’air de prendre l’affaire à la légère tandis que le prof, lui, ne s’en est jamais remis : « je n’ai pas pu empêcher ça, ce crime. C’est une faute trop lourde à porter. » Les voix se succèdent, la polyphonie souligne à quel point il y avait dans cette classe une tension sous-jacente ne demandant qu’à éclater au grand jour. Un microcosme avec ses clans, ses rois, ses reines et ses victimes désignées, une atmosphère étouffante où les humiliations subies ont fini par devenir insupportables, où la mèche, une fois allumée, a provoqué l’explosion…

Avec les années, la maturité aidant, la réflexion autour du drame, de ses causes et de ses conséquences, est  plus profonde. Les fêlures portées comme un fardeau à l’adolescence resurgissent au fil des souvenirs égrainés et chaque témoignage possède un ton et une force assez remarquable.

Un récit choral poignant et réaliste. Extrêmement court mais d’une redoutable efficacité. De la très bonne littérature jeunesse, en somme.

Ce crime de Catherine Leblanc. Balivernes, 2010. 56 pages. 7,50 euros. A partir de 12 ans.

Une nouvelle lecture commune du mardi que j’ai le plaisir de partager avec Noukette.

Les avis de Clara et Lasardine.



lundi 12 mai 2014

Au secours, j’ai perdu mon slip ! (ou la véritable histoire de Tarzan) - Christophe Loupy et Bérengère Delaporte

Si Tarzan est le roi de la jungle, c’est parce qu’il est le plus beau, le plus fort et le plus rapide, mais c’est aussi et surtout parce qu’il porte un incomparable slip léopard. Alors le jour où son seul vêtement disparaît, le roi de la jungle se trouve fort démuni. Et lorsqu’il découvre ledit vêtement sur les fesses poilues du gorille, il comprend que les animaux ont changé de roi. Mais Tarzan ne s’avoue pas vaincu et il va se confectionner un nouveau slip, bien décidé à reconquérir son trône…

Il est rare de tomber sur un album jeunesse aussi drôle. Il faut dire que je suis très bon public pour les histoires de slip. Et puis ici on a droit à un impayable Tarzan à rouflaquettes que l’on découvre cul-nu au détour d’une page. En même temps, il importe de préciser que ce n’est pas que la fête du slip. On rigole beaucoup mais l’air de rien on parle ici aux enfants de vivre ensemble et c’est joliment amené.

Le dessin est simple, expressif, coloré, et participe grandement à l’ambiance potache de l’ensemble. De la grosse poilade et un message intelligent, voila un album qui va forcement faire mouche auprès du jeune public auquel il s’adresse.

Au secours, j’ai perdu mon slip ! (ou la véritable histoire de Tarzan) de Christophe Loupy et Bérengère Delaporte. Marmaille et Compagnie, 2014. 32 pages. 12,00 euros. A partir de 4-5 ans.

Les avis de Leiloona et Mya Rosa.