1911. Ginny est une vieille femme blanche au service de
Lucious Wilson depuis des années. Elle se rappelle qu’avant d’arriver dans l’Indiana,
elle fut mariée à Linus Lancaster, un petit cousin de sa mère. Un homme qui l’emmena
au fin fond du Kentucky, dans une ferme surnommée « le paradis ».
Elle s’y installa au début des années 1850 alors qu’elle n’avait que 14 ans. Dans
ce « paradis », Linus exploitait sans vergogne des porcs et quelques
esclaves, les premiers étant bien mieux traités que les seconds. Parmi eux deux
sœurs, Zinnia et Cleome, à peine plus âgées que Ginny. Deux sœurs qui formèrent
sa seule compagnie et qui, le jour où le maître alla les rejoindre dans leur
lit, devinrent d’abord des ennemis, puis des souffres douleur. Se mettant au
diapason de son terrible époux, Ginny se
transforma peu à peu en monstre de cruauté. Mais lorsque le règne du tyran s’acheva
dans le sang, les esclaves endossèrent les habits du bourreau et les rôles s’inversèrent…
Il se dégage de l’écriture de Laird Hunt une impression de
puissance assez exceptionnelle. Une grande maîtrise de la narration aussi. L’enchevêtrement
des époques, la sincérité des différentes voix qui s’expriment, la violence, à
la fois suggérée et terriblement réelle, tout cela donne un texte aussi riche qu’hypnotisant.
L’inversement des rôles, le passage des victimes en
bourreaux, relève quelque part de la métaphysique. La quatrième de couverture parle de « partition
sans fin de la redoutable réversibilité du mal » et je crois que c’est
exactement de cela qu’il s’agit. La vengeance se fait sans aucun plaisir et
sans véritable haine, elle découle simplement d’une forme d’évidence. Une obsession
douloureuse à laquelle Zinnia et Cleome ne peuvent se soustraire. Une obsession
que finalement Ginny trouve logique. Et le lecteur de plonger avec fascination
et dégoût au cœur de l’abomination.
Un roman d’une rare intensité dont on ne ressort pas indemne. Tout ce que j'aime !
Les bonnes gens de Laird Hunt. Actes sud, 2014. 245 pages.
20,80 euros.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Valérie.