D’un coté, le révérend Pearson, pasteur évangélique, et sa
fille Leni, 16 ans. De l’autre, El Gringo Brauer, mécano de son état, et son
fils adoptif Tapioca. Les premiers sont tombés en panne au milieu de nulle part,
sous un cagnard étouffant. Les seconds occupent le seul garage à des kilomètres
à la ronde. Une rencontre intense, quatre personnages aux antipodes, une
ambiance qui peu à peu va se charger en électricité. Dans ce coin paumé du nord
de l’Argentine frappé par une infernale sécheresse, l’orage va gronder, les
éléments se déchaîner et les natures de chacun se révéler dans un final que
l’on devine rapidement inévitable...
La quatrième de couverture parle d’un huis clos à ciel
ouvert et c’est exactement ça. Le face à face entre le révérend et le garagiste
est d’une grande force. Le premier est un orateur hors pair, un homme qui sait
se montrer convaincant. Le second est un taiseux, profondément athée :
« Les affaires du ciel ne l’intéressaient pas. La religion était faite
pour les femmes et les hommes faibles. Le bien et le mal, c’était une autre
histoire : ça, c’était une question quotidienne, concrète, que l’on
pouvait affronter avec son corps. La religion, d’après lui, était une façon
d’éluder ses responsabilités. S’abriter derrière Dieu, attendre d’être sauvé,
ou rendre le diable responsable du mal qu’on était capable de faire. » Entre eux, l'affrontement ne pouvait que couler de source.
Un excellent premier roman. Chapitres courts, écriture sèche
et très visuelle, aller-retour entre le présent du récit et le passé des
personnages, Selva Almada possède à l’évidence un vrai sens de la narration. Il
y a quelque chose d’hypnotique dans ce texte. Chacun à l’air sûr de soi, maître
de ses paroles et de ses actes. Et pourtant on sent que l’étincelle qui va
mettre le feu au poudre ne demande qu’à jaillir. Tout tient dans l’ambiguïté
des attitudes, dans cette atmosphère immobile et irrespirable qui finit par
électriser le décor et les protagonistes. Le début de ma réconciliation avec la
littérature argentine à 15 jours du salon du livre, c’est parfait !
Après l’orage de Selva Almada. Métailié, 2014. 134 pages. 16
euros.
Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec
Valérie et une participation de plus à son challenge.